Actualité culturelle
13H07 - lundi 5 juillet 2021

Avignon 2021 : quand l’art s’engage

 

En Avignon, le théâtre reprend ses droits. Pour sa 75ème édition, le festival qui se déroulera du 5 au 25 juillet (du 7 au 31 juillet pour le off) annonce une programmation riche et éminemment engagée.

Petit florilège de pièces qui portent un regard sur notre monde à aller voir si vous êtes au Festival. 

 

En vedette

La Cerisaie de Tchekhov aura la place d’honneur dans la Cour du Palais des Papes avec Isabelle Huppert dans le rôle principal, dans une mise en scène de Tiago Rodrigues pour qui « La Cerisaie est apparue comme l’œuvre la plus pertinente pour parler de notre époque ». Espérons juste que l’actrice y soit plus audible qu’elle ne l’était en 2000 dans Médée d’Euripide de Jacques Lassalle. 

Mais c’est Christiane Jatahy qui ouvrira le bal dans la journée du 5 juillet avec une pièce intitulée « Entre Chien et Loup » d’après le film de Lars von Trier, Dogville. Toujours dans la Cour d’Honneur, le sociologue Edgar Morin fêtera ses 100 ans lors d’un échange avec Nicolas Truong sur le monde de demain (le 13 juillet à 22h). 

Très attendue, Caroline Guiela Nguyen proposera « Fraternité, Conte fantastique » (du 6 au 14 juillet à la FabricA), second volet d’une trilogie sur la fraternité. 2021. Un cataclysme fait disparaître subitement une partie de l’humanité. Il n’en reste aucune trace. Pour combler ce vide et maintenir active la mémoire, intime et collective, de cette évaporation, s’invente un nouveau type de centre social. Là, les humains soignent l’absence, luttent contre l’écoulement du temps et l’effacement des souvenirs. 

Avignon permettra également d’admirer (forcément) Nicole Garcia dans le monologue de Marie NDiaye mis en scène par Frédéric Bélier-Garcia « Royan, la professeure de français » sur la fragilité et la puissance du féminin. « Chaque destin est une réponse différente aux questions : comment s’adapter au monde sans s’y briser, s’y dissoudre ou simplement y disparaître anonymement ? » interroge Frédéric Bélier-Garcia.

 

La mort autrement

On pourra aussi mieux comprendre les rites funéraires dans Lamenta du chorégraphe Koen Augustijnen et de la danseuse Rosalba Torres Guerrero sur le rituel mortuaire du miroloi dans la Cour minérale de l’Université d’Avignon (du 7 au 15 juillet). Quels sont les espaces et les moyens que nous avons dans nos sociétés pour surmonter la peine et le deuil ? 

« Les miroloi ne sont pas à l’usage des morts, mais bien des vivants, ou du moins de ceux qui restent, expliquent les deux metteurs en scène. Nous ne cherchons pas à les copier, mais à y trouver des résonances. Ce que nous interrogeons c’est l’absence du corps de l’autre, la perte de sensualité, et la manière dont cette absence affecte concrètement nos corps d’aujourd’hui.

Des Territoires (du 7 au 12 juillet au gymnase du lycée Mistral) revendiquent une réécriture de l’Histoire qui vient s’immiscer dans des funérailles. Sur près de sept heures, Baptiste Amann propose une grande fresque en forme de tragédie contemporaine, tant familiale qu’historique, où se superposent petite et grande histoire, drame intime et catastrophe collective. Au fil de trois journées – la veille, le jour et le lendemain de l’enterrement – le passé révolutionnaire s’invite au cœur du présent, pour faire dialoguer tour à tour avec lui la Révolution française, la Commune de Paris puis la Révolution algérienne, venant ainsi déployer ses ramifications et ses échos jusqu’à nous… et interroger notre capacité à agir. 

« Notre grande question en tant que danseurs (mais pas seulement) a été de comprendre comment est géré physiquement le sentiment de la perte dans nos sociétés nord-européennes. Nous avons découvert que le plus souvent une danse incarnée, faite de rituels et d’espaces, accompagnant le groupe ou l’individu, lui donne une chance de se reconstruire », insiste Baptiste Amann.

 

Femmes de tête

Penthésilée, reine des Amazones, rencontre Achille sur le champ de bataille. Il est aussi bien l’ennemi absolu de sa tribu qu’un possible alter ego. Il est celui auquel elle doit se confronter par jeu, par rage, par amour. Il est sa rédemption et son émancipation. En se dégageant de la pièce de Heinrich von Kleist, la metteuse en scène Laëtitia Guédon et l’autrice Marie Dilasser réinventent la figure féminine pour notre temps dans Penthésilé. e. s.

Le Mur Invisible (les 21, 22 et 23 juillet dans la cour du musée Calvet) d’après le roman de Marlen Haushofer raconte la découverte d’une femme qui un matin s’aperçoit qu’elle est séparée du reste du monde par un mur invisible et qui doit apprendre à vivre seule. u sein de cet univers clos, en se rapprochant d’altérités animales, elle apprendra peu à peu à se « remettre » au monde. Mis en scène par Chloé Dabert et porté par la voix et le corps de Lola Lafon, ce spectacle questionne notre peur de la solitude – la réécrivant comme une puissance – ainsi que l’espace laissé aux femmes et leur possible métamorphose lorsque les conventions s’effondrent. 

Pour sa première venue, Nathalie Béasse a intitulé son spectacle du deuxième nom de la tribu nord-amérindienne des Omahas, Nathalie Béasse affirme avec ceux-qui-vont-contre-le-vent un travail scénique qui réunit jeu et danse, élans et déséquilibres, poésie et incongruité. Cette rêverie visuelle et auditive sera donnée au Cloître des Carmes (du 6 au 14). 

Dans un autre cloître, celui des Célestins, Fabrice Murgia s’emparera de La dernière nuit du monde de Laurent Gaudé (du 7 au 13 juillet). Dans un univers maintenu en éveil grâce à une pilule qui permet de ne dormir que 45 minutes par nuit, un homme enquête sur la disparition de sa femme. Il croise le rouleau compresseur des sociétés marchandes, des gouvernements affaiblis, mais également une résistance incarnée par un étrange enfant-oracle.

La thématique de cette année « se souvenir de l’avenir » y est, plus que jamais, d’actualité. 

La suite de notre sélection théâtrale à découvrir toute cette semaine sur le site d’Opinion Internationale.

 

 

Deborah Rudetzki

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Toute la programmation 2021 : 

 

– Entre chien et loup d’après Lars von Trier, mise en scène de Christiane Jatahy. Du 5 au 12. L’Autre Scène du Grand Avignon, Vedène.
– La Cerisaie d’Anton Tchekhov, mise en scène Tiago Rodrigues avec Isabelle Huppert. Du 5 au 17. Cour d’Honneur du Palais des Papes
– Outremonde de Théo Mercier. Exposition du 5 au 25 et spectacle du 10 au 20. Collection Lambert.
– Bouger les lignes – Histoires de cartes de Paul Cox et Nicolas Doutey, mise en scène de Bérangère Vantusso. Du 6 au 9. Chapelle des Pénitents Blancs.
– Le feuilleton théâtral. Hamlet à l’impératif ! par Olivier Py. Du 6 au 23. Jardin de la bibliothèque Ceccano.
– Penthésilé⸱e⸱s – Amazonomachie de Marie Dilasser, mise en scène de Laëtitia Guédon. Du 6 au 13. La Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon.
– Fraternité, Conte fantastique de Caroline Guiela Nguyen. Du 6 au 14. La FabricA.
– Liebestod. El olor a sangre no se me quita de los ojos. Juan Belmonte. L’odeur du sang ne me quitte pas des yeux – Histoire(s) du théâtre III par Angélica Liddell. Du 6 au 13. Lieu à déterminer
– Samson de Brett Bailey. Du 6 au 13. Gymnase du Lycée Aubanel.
– Mister Tambourine man d’Eugène Durif, mise en scène de Karelle Prugnaud. Du 6 au 24. Spectacle itinérant.
– Ceux-qui-vont-contre-le-vent de Nathalie Béasse. Du 6 au 13. Cloître des Carmes.
– Kingdom d’Anne-Cécile Vandalem. Du 6 au 14. Cour du Lycée Saint-Joseph.
– Y aller voir de plus près de Maguy Marin. Du 7 au 15. Théâtre Benoît-XII.
– Des territoires – Trilogie de Baptiste Amann. Du 7 au 12. Gymnase du Lycée Mistral.
– La dernière nuit du monde de Laurent Gaudé, mise en scène de Fabrice Murgia. Du 7 au 13. Cloître des Célestins.
– Lamenta de Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustijnen. Du 7 au 15 juillet. Cour minérale de l’Université d’Avignon.
– Pinocchio (live) # 2 d’Alice Laloy. Du 8 au 12. Gymnase du Lycée Saint-Joseph.
– Le 66 ! de Offenbach, Pitaud de Forges et Laurencin, mise en scène de Victoria Duhamel. Du 13 au 16. Chapelle des Pénitents Blancs.
– Se souvenir de l’avenir – Dialogue entre Edgar Morin et Nicolas Truong. Le 13 juillet. Cour d’honneur.
– Autophagies. Histoire de bananes, riz, tomates, cacahuètes, palmiers. Et puis des fruits, du sucre, du chocolat d’Eva Doumbia. Du 14 au 20. Complexe socioculturel de La Barbière.
– De toute façon, j’ai très peu de souvenirs d’Eric Louis avec l’ENSATT de Lyon et l’ERAC de Cannes et Marseille. Du 15 au 18. Gymnase du Lycée Saint-Joseph.
– Liberté, j’aurai habité ton rêve jusqu’au dernier soir d’après René Char et Frantz Fanon par Felwine Sarr et Dorcy Rugamba. Du 15 au 20. Collection Lambert.
– The Sheep song par FC Bergman. Du 16 au 25. L’Autre Scène du Grand Avignon, Vedène.
– Misericordia d’Emma Dante. Du 16 au 23. Gymnase du Lycée Mistral.
– Pupo di zucchero. La festa dei morti. La statuette du sucre. La fête des morts d’Emma Dante. Du 16 au 23. Gymnase du Lycée Mistral.
– Royan – La professeure de français de Marie Ndiaye avec Nicole Garcia, mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia. Du 17 au 25. La Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon.
– Cząstki kobiety – Une femme en pièces de Kaja Weber, mise en scène de Kornél Mundruczó. Du 17 au 25. Gymnase du Lycée Saint-Joseph.
– Archée de Mylène Benoit. Du 17 au 23. Cloître des Célestins.
– Le Sacrifice de Dada Masilo. Du 17 au 24. Cloître des Carmes.
– La trilogie des contes immoraux (pour Europe) de Phia Ménard. Du 18 au 24. Lieu à déterminer.
– Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones de Jan Martens. Du 18 au 25. Cour du Lycée Saint-Joseph.
– Gulliver. Le dernier voyage d’après Jonathan Swift de Madeleine Louarn et Jean-François Auguste. Du 19 au 24. Théâtre Benoît-XII.
– Ink de Dimitris Papaioannou. Du 20 au 25. La FabricA.
– Le ciel, la nuit et la flûte (Le Tartuffe/Dom Juan/Psyché) de Molière par Nouveau Théâtre Populaire. Du 20 au 25. Cour minérale de l’Université d’Avignon.
– Le Musée de Bashar Murkus. Du 20 au 25. Chapelle des Pénitents Blancs.
– Le Mur invisible de Marlen Haushoffer, un récit de Lola Lafon et Chloé Dabert. Du 21 au 23. Musée Calvet.
– Sonoma de Marcos Morau. Du 21 au 25. Cour d’Honneur du Palais des Papes.
– Η Μικρή μέσα στο Σκοτεινό Δάσος – La petite fille dans la forêt profonde de Philippe Minyana, mise en scène Pantelis Dentakis. Du 22 au 24. Gymnase du Lycée Saint-Joseph.
– Vive le sujet ! avec la SACD et des propositions de Aina Allegre, Hakim Bah, Johanny Bert, Sandrine Juglair, Nach, Violaine Schwartz, Loïc Touzé, David Wahl
– Les lectures de France Culture au Musée Calvet avec Sandrine Bonnaire, Fabrice Luchini et Omar Sy.

 

 

 

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