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12H31 - vendredi 2 juillet 2021

Mon corps, mes choix, mon droit. Les femmes sont-elles si libres ?

 

Aujourd’hui se termine le Forum Génération Égalité. Après un coup d’envoi au Mexique en mars dernier, Paris a accueilli, du 30 juin au 2 juillet et sous l’égide d’ONU Femmes, des chefs de gouvernements, des organisations internationales, de la société civile et de la jeunesse, afin d’accélérer les progrès en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Focus sur quelques enjeux de la liberté à disposer de son propre corps et des droits sexuels et reproductifs dans le monde.

 

L’interruption volontaire de grossesse (IVG), un droit fragile 

Le groupe des pays légalisant l’IVG s’agrandit petit à petit (l’Argentine ayant été la dernière à le rejoindre en décembre 2020), mais n’oublions pas les forces patriarcales et/ou conservatrices, qui menacent des décennies d’acquis. Si le Parlement européen a adopté le Rapport Matić la semaine dernière visant à inviter les États membres à garantir l’accès à l’avortement et à la PMA pour toutes, c’est bien parce que le droit à l’avortement est en recul en Europe. La France a d’ailleurs adopté définitivement mardi dernier la loi PMA pour toutes, réservée jusque-là aux couples hétérosexuels ayant des problèmes de fertilité. Souvenons-nous aussi, dans un climat bien moins progressiste, des manifestations en Pologne à la suite de la quasi-interdiction de l’avortement entrée en vigueur en janvier dernier. 

Si les détracteurs de l’avortement annonçaient que la légalisation et la dépénalisation de l’IVG feraient augmenter et banaliser l’accès à cette pratique, l’exemple français montre bien l’inverse. Rendre l’accès plus sûr et sécurisé à toutes les femmes évite la nécessité d’avoir recours à des méthodes de contournements de législations, ou à des méthodes non sécurisées, comme c’est le cas de milliers de femmes en Amérique Latine et en Afrique, qui héritent bien trop souvent de problèmes majeurs de santé.  

Ceci dit, le débat sur l’avortement reste ouvert, même en France : dans une grande interview à ELLE, Emmanuel Macron s’est dit « pas favorable » à l’allongement de 12 à 14 semaines de grossesse du délai d’accès à l’IVG, alors que la crise sanitaire rend souvent les délais difficiles à respecter. Sa majorité parlementaire, par la voix de Christophe Castaner, semble ne pas vouloir le suivre et maintenir sa détermination à faire voter cette loi passée en première lecture en octobre 2020.  Ce texte, qui aurait dû être présenté en deuxième lecture en février 2021 aux députés, a été retiré à la dernière minute.

Qu’en penserait Simone Veil, co-auteure de la loi de 1975 qui porte son nom encadrant une dépénalisation de l’avortement en France, disparue il y a quatre ans et panthéonisée pour ses engagements notamment féministes ?

 

Un exemple d’instrumentalisation du système reproductif féminin

Emmanuel Macron a fait une référence fugace aux femmes Ouïghoures dans son discours d’ouverture du Forum Génération Egalité : elles sont malheureusement un exemple de plus de l’instrumentalisation faite du corps des femmes (il n’en dit bien évidemment pas autant !). 

Le Parti Communiste Chinois (PCC), celui qui fête son centenaire en ce moment même, est accusé de mener une véritable campagne d’entrave à la naissance, avec contraceptions, stérilisations et d’avortements forcés à l’encontre des femmes Ouïghoures, entraînant depuis 2016, la chute drastique du nombre des naissances dans le Xinjiang, selon le rapport du chercheur allemand Adrian Zenz. 

C’est ce même parti qui, au-delà de la province musulmane, encadre le nombre d’enfants permis à chaque Chinoise sur le territoire. La politique de l’enfant unique ne séant plus aux besoins du gouvernement face au vieillissement de la population, elle est passée à deux enfants par couple en 2015, le maximum ayant été étiré à trois en mai dernier. 

 

L’excision, « une abomination sans excuse » 

« J’ai été excisée », déclare soudainement Roukiata Ouedraogo, comédienne et activiste burkinabé, au beau milieu de son intervention au Forum Génération Égalité. Nous retenons notre souffle pendant que cette femme pleine de courage évoque son expérience personnelle, et met en garde contre les répercussions sévères d’une telle pratique sur la santé des femmes dès l’âge de la sexualité et de la maternité. Bien que reconnues comme des violations des droits humains au niveau international, c’est par l’ignorance et le patriarcat bien enraciné que cette pratique perdure encore dans 31 pays du monde et qu’elle a été pratiquée sur plus de 200 millions de filles et de femmes en vie aujourd’hui

Selon elle, une éducation de base devrait être suffisante à éradiquer des pratiques inhumaines telles que l’excision et les mariages forcés notamment. Dans les zones de conflits, sous menace terroriste ou dans les zones moins développées, la déscolarisation rend impossible l’émancipation de la jeunesse, qui finit par favoriser la reproduction du tissu social des générations précédentes. Et voici comment obtenir une réaction en chaîne interminable. 

Pour assurer l’éducation des filles et reconstruire une économie plus égalitaire, elle insiste sur l’insuffisance de l’aide au développement et met en avant le savoir-faire de la société civile dans la recherche de solution à leurs problèmes. Écoutons-les, et donnons-leur les moyens de changer les choses. C’est bien l’objectif de ce Forum, n’est-ce pas ?

Le Prix Nobel de la paix, Denis Mukwege, lui aussi à Paris, connu pour son combat contre les mutilations génitales et les viols de guerre faits aux femmes, réclame la mobilisation de la société internationale afin de sanctionner l’usage des violences sexuelles utilisée en tant qu’arme de guerre et d’intimidation. Il présente son projet de réparations individuelles et collectives aux victimes, un projet soutenu financièrement par la France. Enfin, il rappelle que la masculinité se doit d’être positive, car « fermer les yeux devant le drame, c’est être complice ». 

 

Un combat de longue haleine

Simone de Beauvoir disait « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question ». Et Emmanuel Macron l’a dit lui-même, « Le Covid est anti-féministe ». Et le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres, d’ajouter : la crise a « montré à quel point l’inégalité entre les sexes reste profondément ancrée dans les systèmes politiques, sociaux et économiques du monde ».

En effet, en occupant la plupart des emplois dans la santé et dans les secteurs économiques qui ont été les plus durement touchés par la pandémie, les femmes sont 24% plus susceptibles de perdre leur emploi et de voir leur salaire baisser 50% plus fortement que les hommes, tout en assurant la majeure partie des responsabilités familiales et du travail non rémunéré. 

Outre les tensions économiques et sociales, les femmes et les filles sont plus vulnérables, plus exposées à la violence (domestique, sexuelle, de guerre…) et voient leurs droits et leur protection mis en danger quotidiennement.

Emmanuel Macron, qui a pourtant fait de l’égalité homme-femme « la grande cause de son quinquennat », a répondu hier à la polémique question du crop top à l’école en privilégiant l’idée d’une « tenue décente exigée, aussi bien pour les filles que pour les garçons (…) », car « la volonté de choquer n’a pas sa place à l’école ». En réponse, #BalanceTonTop, aujourd’hui en tendance twitter, fait écho à la célèbre phrase de Simone Veil : « Ma revendication en tant que femme c’est que ma différence soit prise en compte, que je ne sois pas contrainte de m’adapter au modèle masculin». Interdire aux filles, ou éduquer les garçons ? Telle est ma question.

Les droits que l’on croyait fondamentaux semblent ainsi être de plus en plus vus comme des options. Nous ne vivons plus dans un monde où il est possible de vivre comme si ce qu’il se passe de l’autre côté du monde (ou bien plus proche) ne nous concernait pas. Le Forum Génération Égalité nous rappelle que ces combats sont aussi les nôtres. 

Il faudra d’autres initiatives multi-acteurs telles que le Forum Génération Égalité afin que la cause des femmes s’impose définitivement, et que nous puissions toutes (enfin) avoir notre mot à dire.

 

Jessica Borges

 

 

 

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