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15H17 - mardi 22 juin 2021

Réforme des retraites : de rapports en reports…

 

En ces premiers jours de sortie espérée de la COVID, la question sensible de la réforme des retraites revient en boucle dans les discours. Qu’il s’agisse du Président de la République dans le Lot le 3 juin : laissant clairement entendre « qu’il était difficile de ne rien faire même si la réforme ne pouvait être reprise en l’état », ou de Bruno Le Maire insistant sur une « priorité absolue » qui ne doit pas tarder.

 

La réforme des retraites, enterrée en 2020 avec la crise sanitaire, revient sur le devant de l’actualité avec le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié le 10 juin dernier. Les médias et les tweeters n’ont retenu de ce rapport – aussi copieux que les précédents – que de meilleures perspectives que celles annoncées en novembre 2020. Les besoins de financement à l’horizon 2040 seraient inférieurs à ceux annoncés à l’automne dernier (13,3 % contre 13,7 %).

Cette révision satisfait les partisans de l’immobilisme : les syndicats et les politiques craignant un retour des mouvements sociaux. Il est regrettable que la lecture de rapport se limite à ce raccourci médiatique car rien n’a vraiment changé depuis novembre dernier. Les besoins de financement jusqu’en 2040 restent aussi importants.

 

Des artefacts statistiques

Les rectifications du nouveau rapport sont des « artefacts » statistiques. D’une part, le COR s’appuie sur les prévisions économiques envoyées en avril 2021 à la Commission européennes pour le Pacte européen de stabilité. Les économistes de Bercy ont plutôt tendance à y écrire l’avenir en rose, surtout à un horizon de vingt ans. Ils ne seront plus en poste alors pour assumer leurs éventuelles erreurs. Les prévisions de novembre étaient celles de la loi de finances (PLF) et la loi de financement de la sécurité sociale (PFSSS) pour 2021, donc difficilement comparables.

Depuis le premier rapport du COR qui prévoyait un taux de chômage de 4,5 % en 2010 jusqu’au dernier qui prévoit entre 4,5 % et 7 % en 2032, toutes ses prévisions ont péché par optimisme. 

D’autre part les économistes du COR ont intégré les corrections du PIB par l’INSEE. La récession en 2020 n’aurait été que de 8 % au lieu de 10 %. Ces chiffres, qui seront rectifiés encore pendant deux ans, s’appuient sur des conventions comptables : par exemple, comment va-t-on mesurer la production des enseignants et des maitres-nageurs restés chez eux pendant le confinement, mais cependant payés ? La révision comptable ne reflète pas le monde réel. 

Nul économiste ne peut prédire aujourd’hui l’ampleur et la vitesse de la reprise durant les deux années à venir. Sur le long terme, les prévisions de croissance sont encore plus fragiles. Le COR s’appuie surtout sur des hypothèses de productivité « normatives » de 1 % à 1,8 %. Nous savons pourtant que la crise de 2008 avait réduit la croissance potentielle à 1 % avant même la crise sanitaire. Qu’en sera-t-il pour le monde d’après ?

 

De nouvelles réformes inévitables

Après l’échec de la tentative de réforme des retraites en 2020 – dont les cheminots, la CFDT et la Covid sont les co-responsables -, il serait très périlleux de toucher à au symbole de l’âge de départ à moins d’un an d’une l’élection cardinale. 

Un an avant la Présidentielle de 2002, le gouvernement Jospin, bien qu’averti par le livre blanc, n’avait pas pris un tel risque. Il avait cependant créé le COR, maintenant incontournable dans le débat, et le fonds de réserve des retraites que nous siphonnons actuellement. Ces deux mesures n’avaient pas été contestées. Elles ont permis d’éclairer l’avenir et ont préparé les réformes de 2002 et 2010. 

Les deux sujets « dette publique » et « avenir des retraites » concernent, comme le réchauffement climatique, les générations à venir. Les décisions à prendre dépassent donc l’horizon d’une mandature. C’est pourquoi il serait souhaitable qu’un minimum de consensus dépasse les clivages partisans (l’Espagne, la Suède et l’Allemagne l’on fait dans les années 1990). Et que l’avis des jeunes soit pris en compte. Nous proposons une « convention citoyenne pour l’avenir des retraites et des finances publiques ». Elle pourrait comporter des citoyens tirés au sort et serait surtout instruite par des experts, de tous horizons, comme l’a été celle pour le climat.

D’emblée, il serait admis que toutes ses propositions ne puissent pas être toutes retenues. Cette initiative aurait le mérite de participer à une vulgarisation non partisane d’un sujet complexe qui s’inscrit dans la durée. Mais surtout, cette base populaire de préconisations de « bon père de famille » espérée serait un appui au gouvernement « en responsabilité » face aux oppositions démagogiques niant l’ampleur du problème.

L’élévation du niveau des connaissances économiques de nos concitoyens ne peut que participer à un bon fonctionnement de la démocratie.

 

 

François Jeger

Administrateur civil de l’Insee

co-fondateur de l’Institut Chiffres & Citoyenneté

www.chiffres-cityennete.fr 

 

 

 

 

 

 

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