Islam de France, Islam des Lumières
08H04 - vendredi 23 octobre 2020

Hommage à Samuel Paty : éléments pour le prêche du vendredi 23 octobre proposés par le CFCM

 

Des fédérations musulmanes en France organisent vendredi 23 octobre 2020 à 10h, jour de la grande prière musulmane, une cérémonie de recueillement avec dépôt de gerbes devant le collège Le Bois d’Aulne où enseignait le professeur d’Histoire, Samuel Paty, assassiné à Conflans-Sainte-Honorine.

Le président du CFCM et les membres du bureau exécutif prendront part à cette cérémonie.

Un texte proposé par le CFCM a également été diffusé aux imams des mosquées afin qu’ils s’en inspirent à l’occasion du prêche de vendredi. C’est un texte pédagogique, qui revient sur le terrorisme, la sacralité de la vie et les questions – comme les caricatures – qui ont déclenché ces actes de grande violence.

 

Louange à Dieu, le Clément, le Très Miséricordieux. Paix, Grâce et Bénédictions sur Muhammad, Messager de Dieu, et sur sa famille et ses compagnons.

L’assassinat horrible de notre concitoyen Samuel Paty, professeur d’histoire au collège Le Bois – d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine vient nous rappeler les fléaux qui marquent tristement notre réalité : Celle des irruptions, dans notre pays, du radicalisme de la violence et du terrorisme qui se réclamant de l’islam faisant des victimes de tous âges, de toutes conditions et de toutes convictions.

Nous sommes tous horrifiés par ce crime ignoble dirigé contre un de nos concitoyens, laissant derrière lui une épouse, des enfants des proches dans la douleur et le chagrin. En ce moment de prière et recueillement, notre pensée est pour eux. Que le Très Miséricordieux leur donne la force et l’espérance pour faire face à cette terrible épreuve.

Assassiner un Homme en prétendant défendre la dignité du prophète (PBSL) est une profanation du message prophétique, un affront à notre foi et à notre religion et une trahison de tout ce qui est sacré.

Ne nous est-il pas rappelé dans le saint Coran, notre livre sacré, que le prophète n’a été « envoyé qu’en miséricorde pour tous les univers » (Coran 21 :107) et que « Quiconque tue un être humain non coupable de meurtre ou de sédition sur la Terre est considéré comme le meurtrier de l’humanité toute entière. Quiconque sauve la vie d’un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la vie de l’humanité tout entière ! » (Coran, S.5-V.32).

Les promoteurs de la haine et de la barbarie font miroiter à leurs adeptes, notamment parmi les jeunes, l’illusion d’être élus pour accomplir une prétendue mission divine à laquelle l’immense majorité des musulmans aurait renoncé par faiblesse ou par traîtrise. Par ce discours pervers, ils tentent d’ériger la bassesse et la lâcheté dans leurs pires manifestations criminelles en actes de bravoure héroïque. Non ! le crime n’est pas et ne sera jamais un acte héroïque.

« Toutes les fois qu’ils allument un feu pour la guerre, Dieu l’éteint. Ils s’efforcent de semer le désordre sur la terre. Dieu n’aime pas les semeurs de désordre. » (Coran, 5 :64)

Ces prêcheurs de la haine visent à créer la division entre les musulmans et leurs concitoyens. Notre foi nous fait l’injonction ferme de respecter le pacte qui nous lie à tous nos concitoyens de toute condition et de toute conviction.

Les valeurs qui fondent ce pacte, celles de notre République laïque, indivisible, démocratique et sociale avec sa devise triptyque : Liberté égalité, fraternité, nous permettent à nous musulmans de France comme à tous nos concitoyens d’exercer librement notre culte ou de n’exercer aucun culte, de construire nos mosquées et de jouir entièrement de nos droits.

Non ! Nous, musulmans ne sommes pas persécutés en France. Nous sommes dans notre pays des citoyens à part entière. Nous avons comme tous nos concitoyens des droits garantis et des devoirs à accomplir.

Nous sommes parfois cibles d’actes antimusulmans. D’autres sont également victimes d’actes hostiles. Face à ces provocations nous devons rester dignes, sereins et lucides.

« Et ne laissez point la haine et l’animosité que vous opposent certaines personnes vous inciter à être injustes.  Restez justes ; c’est cela qui vous préservera » (Coran 5 : 8).

Comme dans toute société plurielle, la règle commune applicable à tous est la loi de la République.  Aucun prétexte ne permet à une communauté ou à un individu de se soustraire à cette règle commune ou vouloir imposer sa vision et ses positions au reste de la société.

La vie en société implique l’acceptation de certaines contraintes et renoncements de part et d’autre pour que vivre ensemble dans la paix et le respect soit possible.

Pour des situations exceptionnelles qui peuvent surgir à tout moment dans la vie du musulman, la tradition authentique a prévu des aménagements des rites et des pratiques pour que le musulman ne soit pas dans la gêne et la difficulté, pour qu’il puisse exercer son culte dans la paix et la sérénité, loin de tout sentiment de culpabilité.

« Dieu tient ainsi à vous faciliter l’accomplissement de vos devoirs religieux et non à vous le rendre difficile. » (Coran 2 : 185).

Après avoir annoncé certains interdits en islam, le Coran nous dit immédiatement : « Cependant, si on se trouve contraint d’en consommer par nécessité, et non par insoumission ni désinvolture, on ne commet aucun péché, car Dieu est Clément et Miséricordieux ». (Coran 2 : 173)

Le mois hégirien de la naissance du Prophète Muhammad, Paix et Salut soient sur Lui (PBSL), débute ce dimanche 18 octobre 2020. La fête du Mawlid, commémorant cette naissance, correspond cette année à la nuit du 28 au 29 octobre 2020. Que cette occasion, soit pour nous et pour nos concitoyens une bénédiction, une source de bonheur et de prospérité.

La célébration de cette fête par des lectures coraniques, des chants, des prières et des méditations sur l’œuvre de notre prophète (PBSL), est aussi l’occasion de transmettre à nos enfants les valeurs authentiques du message prophétique. Nous devons mettre en valeur les aspects les plus représentatifs et les plus structurants de l’œuvre du prophète et de son message de Paix, d’Amour et de Miséricorde.

L’actualité tragique qu’a connue notre pays avec l’assassinat lâche et abject du professeur d’Histoire Samuel Paty, nous oblige à dire solennellement que l’évocation des dites « caricatures de Mahomet » pour justifier un crime ignoble, est en réalité une trahison et profanation du message du prophète.

Face aux dites « caricatures de Mahomet », j’appelle les musulmans de France et d’ailleurs à suivre l’exemple de notre Prophète (PBSL) et à cesser de répondre ou de réagir à ce type d’expression.

Le prophète a toujours ignoré les provocations de cette nature conformément aux enseignements coraniques :

« Nous savons bien que leurs dénigrements t’oppressent le cœur. Célèbre donc les louanges de ton Seigneur et sois du nombre de Ses adorateurs ! » (Coran 15 : 97-98).

La tradition rapporte qu’au passage du prophète Muhammad (PBSL) devant une foule, certains ont crié « Ô Mudammam » (mot arabe signifiant laid et détestable). Le prophète continua son chemin sans réagir. Certains de ses compagnons ont voulu attirer son attention sur ces cris, il se contenta de leur dire : « ils s’adressent à « Moudammam », moi, je m’appelle Muhammad ».

N’est-il pas plus conforme à cet exemple prophétique que d’ignorer ces caricatures et les considérer comme sans aucun rapport avec notre prophète ?

La loi de la République qui autorise les caricatures n’oblige personne à les aimer. Nous pouvons même les détester. Du reste, rien, absolument rien, ne saurait justifier l’assassinat d’un Homme.

Par ailleurs, les musulmans doivent accepter la critique de la religion musulmane et ses fondements dans le cadre d’un débat intellectuel et philosophique libres. Le Saint Coran a lui même relaté ce type de débats en citant fidèlement les arguments des contradicteurs et en répondant aux critiques sans jamais appeler à violenter ceux qui les émettent.

La sagesse est de répondre par des arguments et en même temps, rejeter et condamner la violence.

En ces moments difficiles, nous réitérons notre appel aux fidèles et aux responsables musulmans à la plus grande vigilance dans le contexte sanitaire et face à la menace terroriste.

En cette occasion bénie, nous élevons des prières vers Allah pour la paix, la sécurité et la prospérité de notre pays et davantage de solidarité, de fraternité et de concorde entre tous nos concitoyens.

Notre souffrance est grande face au discours des professionnels de l’amalgame et de la surenchère qui veulent laisser s’installer l’idée que notre religion puisse produire la violence et le terrorisme.

Mais nous accueillons dans l’apaisement et la sérénité les déclarations de toutes les forces vives de notre pays qui refusent l’amalgame, rejettent la division, exigent la reconnaissance mutuelle et ouvrent pour construire l’unité et la paix et favoriser la fraternité et la solidarité dans notre pays.

Nous devons œuvrer par le témoignage de la foi que nous portons et des valeurs qui nous animent afin d’éclairer et d’apaiser les esprits et les cœurs face à la peur et à l’incompréhension qui peuvent naître dans la confusion des conflits, des guerres des ignorances. Ces valeurs qui fondent notre religion et que nous partageons avec tant d’autres, croyants et non croyants, malgré leur évidence, ont besoin d’être sans cesse rappelées et réaffirmées :

Prière

Louange à Allah le Très Miséricordieux, Paix et Bénédictions soient sur le Messager d’Allah Sidna Muhammad,

Que le Très Miséricordieux préserve toute l’humanité des malheurs que des hommes sont capables de faire subir à leurs prochains par haine et par ignorance.

Que la France vive heureuse et prospère. Qu’elle soit forte et grande par l’union et la concorde. Seigneur, regarde avec bienveillance, notre pays la France.

 

 

 

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