International
09H21 - mercredi 21 octobre 2020

Le Conseil constitutionnel est-il complice passif de l’islam radical ? La réponse est, hélas, plus choquante que la question. La chronique droits pratiques de Raymond Taube

 

Le Conseil constitutionnel est-il complice passif de l’islam radical ? Est-il utile de le préciser, il ne s’agit pas d’une éventuelle complicité active, mais des lourdes conséquences de plusieurs décisions récentes qui laissent penser que le Conseil constitutionnel (et donc la Constitution elle-même ?) serait le talon d’Achille juridique de la République dans son combat contre l’islamisme, et même contre d’autres formes de haine incitant à la violence.

Le 18 juin, ce conseil des « sages » retoqua la loi Avia contre la haine en ligne, au motif qu’elle portait « une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ». La « fatwa » contre l’enseignant décapité Samuel Paty, relayée et propagée sur les réseaux sociaux, procédait-elle de la liberté d’expression ? Aurait-il été disproportionné de la faire retirer desdits réseaux, et de sanctionner ce qui s’est révélé être une incitation à commettre un crime abject, comme le sont toutes ces fatwa implicites ou explicites, relayées par les réseaux sociaux en toute impunité ?

Les Sages censuraient ce même jour les dispositions imposant aux plates-formes des obligations de moyen (et non pas de résultat) en matière de modération, de retrait de contenu ou de coopération avec la justice. Rappelons que ces plateformes, presque toutes américaines, s’autorisent pourtant à censurer tout contenu n’étant pas en phase avec la morale, le puritanisme et même la pudibonderie de l’Oncle Sam, et sont par ailleurs aux ordres de la justice américaine, lorsqu’il s’agit de lui transférer toute information qu’elle sollicite.

Tous les partis politiques étaient vent debout contre cette loi « liberticide », sans doute « mal ficelée », comme cela lui a été reproché. Mais sur le fond, il est impensable qu’internet puisse être un déversoir de haine alors que le moindre écart commis par un titre de presse lui vaut procès en diffamation. Les plateformes doivent être considérées comme des éditeurs et non comme de simples « tuyaux » échappant à toute responsabilité. Sans interdire l’usage des pseudonymes, l’anonymat ne saurait être possible au moment de l’inscription à l’une de ces plateformes. Les sanctions financières doivent être à la mesure de la puissance de ces sociétés, et la responsabilité pénale de leurs dirigeants en France doit être engagée s’ils refusaient de se soumettre à la loi.

Le 19 juin 2020, le Conseil constitutionnel considérait comme contraire à la Constitution le délit de « recel d’apologie du terrorisme », constitué par le fait de télécharger et de détenir des vidéos de propagande islamiste, ces mêmes faits étant par ailleurs – et fort heureusement, punissables lorsqu’il s’agit de pédopornographie. Pour la vénérable institution, on ne saurait sanctionner « le seul fait de détenir des fichiers ou des documents faisant l’apologie d’actes de terrorisme sans que soit retenue l’intention terroriste ou apologétique du receleur comme élément constitutif de l’infraction ». Pourtant, à moins d’être journaliste, sociologue, juriste, chercheur, ou d’avoir une bonne raison professionnelle de télécharger et de détenir de telles images, pourquoi le ferait-on ? Certes, « l’intention terroriste ou apologétique » est davantage celle du diffuseur que celle du receleur, comme la responsabilité du trafiquant de drogue est plus importante que celle du consommateur. Mais ceux qui s’endoctrinent par ces vidéos le font à dessein. Dans un arrêt du 7 janvier dernier, la chambre criminelle de la Cour de cassation, pourtant extrêmement prudente en matière d’atteinte à la liberté d’expression, en particulier s’agissant de religion, avait consacré cette incrimination. Le Conseil constitutionnel en a une fois encore décidé autrement, ne prenant pas la mesure du phénomène islamiste.

Le 7 août 2020, le Conseil constitutionnel censurait la loi instaurant des mesures de sûreté visant les auteurs d’actes terroristes à l’issue de leur peine, au motif qu’elle porterait atteinte aux libertés fondamentales. Il pointe également le défaut de mesures visant à favoriser la réinsertion des détenus durant l’exécution de leur peine. La France a dépensé des sommes considérables en programmes de déradicalisation, faisant les choux gras de quelques spécialistes autoproclamés aux dessein parfois douteux. A quelques exceptions près, il est plus illusoire de déradicaliser et de réinsérer des fanatiques religieux ou politiques (ils sont les deux, en l’espèce) que de « guérir » des criminels sexuels.  Le Conseil constitutionnel ajoute qu’il eut fallu prouver la dangerosité de la personne, « corroborée par des éléments nouveaux ou complémentaires », ce qui montre son ignorance profonde des méthodes de l’islamisme radical, de la « Taqîya » en particulier, cette stratégie de dissimulation que pratiqua notamment le djihadiste qui assassinat au moyen d’un camion-bélier 86 personnes et fit 458 blessés sur la Promenade des Anglais, à Nice, le 14 juillet 2016.

En quelques mois donc, trois décisions plus que discutables car dangereuses pour la préservation de nos valeurs, de nos libertés et de notre sécurité furent prises par nos sages au nom de la défense de la liberté d’expression, érigée en dogme absolu, comme si nous étions aux États-Unis. Il serait plus raisonnable, eu égard à la gravité de la situation, de prendre le contrepied de ces décisions de censure, et d’envisager l’élargissement de la rétention administrative de sureté à l’encontre des islamistes français (et l’expulsion de leurs homologues étrangers), de traquer la haine sur internet et ailleurs, en particulier lorsqu’elle est de nature raciale ou ethnique et qu’elle incite à la violence.

En attendant, il va de soi que la solidité juridique des textes votés par le Parlement doit être renforcée, pour ne pas prêter le flanc à ce type de censures pour cause d’inconstitutionnalité.

Néanmoins, ces trois décisions du Conseil constitutionnel sèment le trouble. Le droit étant le royaume de l’interprétation, l’esprit de la loi est parfois plus important que sa lettre. Le Conseil constitutionnel est le gardien du texte le plus sacré de la République, la Constitution, et à ce titre, veille à ce que toutes les lois nouvelles et, depuis l’introduction par Nicolas Sarkozy de la question prioritaire de constitutionnalité en 2009, les lois anciennes, lui soient conformes.

Le Général de Gaulle, père de la Constitution de 1958, n’a certainement pas voulu qu’elle puisse être le prétexte juridique de l’affaiblissement de la Vème République, qu’elle puisse interdire à la France de se défendre contre les attaques internes ou externes auxquelles elle peut être confrontée.

Les lois ne sont que la traduction de la volonté politique, issues des urnes et des conventions internationales ratifiées (les règlements et certaines directives de l’UE sont d’application directe, sans ratification). Un État de droit n’est pas un État dans lequel le droit est créé par les juges, même constitutionnels, au-delà de la formation de la jurisprudence qui doit rester conforme à l’esprit de la loi et à la volonté du législateur souverain.

Dans les prochaines semaines, sans doute par le biais d’une procédure accélérée, le Parlement devra légiférer sur les séparatismes, sans que puisse être désigné le séparatisme islamique, pour des raisons constitutionnelles. Là n’est pas vraiment le problème. Les trois lois censurées par le Conseil constitutionnel ne le désignait pas davantage. Le législateur serait bien inspiré de réintroduire dans la future loi des dispositions plus efficientes et mieux rédigées que celles censurées, et le Conseil constitutionnel de se souvenir que le militaire qui a créé notre Constitution n’aurait pas capitulé dans cette guerre qui nous est déclarée.

Et si le Conseil constitutionnel entrait en résistance, ou si effectivement notre loi suprême nous interdisait de nous défendre, ce que nous ne pensons pas, ne resterait alors d’autre alternative qu’une réforme constitutionnelle. S’agissant d’une décision essentielle, la voie référendaire doit être envisagée, à la condition que les oppositions ne s’en saisissent pas pour sanctionner Emmanuel Macron.

La seule limite juridique à cette réforme serait la Convention européenne des Droits de l’Homme et la Jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Mais sur ce « front », contrairement à ce qu’affirment les partisans du statu quo, il n’y aurait aucun obstacle, ni juridique, ni politique.

 

Raymond Taube

Fondateur de l’IDP – Institut de Droit Pratique, rédacteur en chef d’Opinion Internationale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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