Santé / Covid
10H18 - mardi 30 juin 2020

Mon « syndrome de Don Quichotte » face au Covid-19. Lettre ouverte – témoignage d’Iléna LESCAUT

 

Oeuvre d’Iléna Lescaut

La résilience, cette capacité d’aller au-delà de la souffrance pour entamer un chemin de reconstruction, un chemin de renouveau. Pendant toute la période de ma maladie suivie par la suite du confinement, je ne pouvais pas écrire, des amis me l’avaient conseillé, je restais de pierre ou de désillusion. Je ne pouvais rien écrire…, j’avais beaucoup de choses à dire, je le disais oralement en discutant avec des amis intimes par téléphone.

Après ma maladie du coronavirus, j’ai réussi à reprendre mes pinceaux pour peindre. Un exploit qui m’a fait du bien, qui tous les jours me rappelait que j’étais en vie et me redonnait le plaisir de la création.

Tout dans la vie est mouvement continuel et transformation permanente. La résilience est un mouvement de transformation, en s’appuyant sur le vécu douloureux ou difficile, on arrive à le transformer en force pour retrouver un battement d’ailes déployées qui nous feront nous envoler à nouveau. Les parents de la résilience étant Emmy Werner et par la suite, Boris Cyrulnik.

C’est ainsi que début mars 2020, toutes mes vérités se sont vues démolies avec l’arrivée de ma maladie et du confinement dus au Covid-19. Je suis ainsi passée par toutes les phases d’un être humain constitué plus ou moins normalement et qui réagit par la colère, la lutte et petit à petit se rend compte que ni colère, ni lutte contre l’agresseur extérieur ne sont possibles, traversant une phase de dépression et finissant par l’acceptation de la situation dans une certaine mesure.

J’ai pensé au processus d’Elisabeth Kübler-Ross, appelé « les cinq étapes du deuil ». Petit à petit je me suis vue glisser dans le monde de l’absurde, de la peur, de la solitude. J’ai mieux compris ce que peuvent vivre les gens pendant une guerre, j’ai mieux compris le fait qu’on peut mourir de peur, j’ai mieux compris le fait qu’il y a des choses que l’on ne peut combattre…., sauf que l’espoir m’a été donné, comme à beaucoup de gens vivant en France, par l’existence du Dr Raoult, du Dr Perronne ou encore du Dr Douste-Blazy qui avaient le courage de parler à la télévision, de faire éclater des vérités, de dire qu’il fallait dépister et soigner tels des médecins ayant une éthique face au malade qui lui, espère un traitement, qui espère s’en sortir, qui lutte pour rester en VIE. Ils sont devenus des héros dans notre inconscient collectif.

Une grande majorité du peuple français leur fait confiance sans savoir si oui ou non leur traitement est bon car nous ne sommes pas tous médecins. Nous découvrons les résultats, à Marseille, ville du Professeur Raoult, la mortalité due au Covid-19 est pratiquement inexistante. Donc sa stratégie de tester et soigner les gens, de dire que les masques sont nécessaires, a porté ses fruits.

Les gens ont confiance parce que leur ressenti émotionnel est positif et parce qu’ils se sentent sécurisés par les discours, les actes concrets sur le terrain pour sauver des vies et parce que la tenue morale de ces médecins s’est avérée juste, héroïque, bonne. Il a été important aussi de verbaliser mes ressentis, canaliser ma colère, donner un sens à l’impossibilité de mon combat immédiat face aux règles données et imposées par le gouvernement de rester chez soi, afin de ne pas encombrer les Urgences.

Face aux règles données et imposées par le gouvernement français aux docteurs de villes de ne pas donner de traitement aucun, sauf de la Vitamine C, surtout pas d’antiviral ou antibiotique et encore moins de l’hydroxychloroquine, bref du Plaquénil aux malades, pourtant la molécule est connue depuis plus de 40 ans…, on était tous impuissants. Nous manquions de tests, de masques, on nous a laissés tout simplement mourir sans soins à la maison, du Covid-19 ou de peur ou des deux à la fois.

Pour ceux qui s’en sont sortis, tant mieux, pour les autres, « tant pis ».

 Il faut quand même tirer le chapeau au corps médical dans son ensemble, qui a pris en charge les patients dans les hôpitaux connaissant une crise majeure depuis des décennies en France. Avec peu de moyens, ils ont réussi eux aussi à sauver des vies. C’était la grande débrouille face à un virus inconnu et face à un gouvernement qui n’a pas agi et réagit comme il aurait pu et du le faire. Nos voisins allemands restent un exemple.

C’est ainsi qu’en appelant, vers mon septième jour de convalescence fiévreuse le 15 (les URGENCES), je suis tombée sur une femme médecin très aimable qui après m’avoir demandé si je pouvais encore respirer et après avoir reçu ma réponse affirmative, m’a conseillé de rester chez moi, enfermée, ne pas avoir de contacts avec les gens et attendre…

Attendre quoi ? Mourir, guérir, souffrir ? Juste attendre… C’est ainsi que j’ai compris que je ne pouvais pas obtenir de l’aide face à mon problème, que je ne pouvais pas être entendue car la panique et la crise inattendues avaient changés les comportements humains. Donc, en prenant de la vitamine C, en buvant des thés chauds, en ayant peur, en regardant la télévision, devenue seul lien avec l’extérieur face à cette pandémie, je me suis dit au bout du neuvième jour qu’il ne fallait pas lutter contre les moulins à vent…

J’ai appelé d’ailleurs ce syndrome, le « syndrome de Don Quichotte », celui qui luttait contre l’absurde, contre l’impossible… C’est à ce moment-là que j’ai arrêté de vouloir lutter pour arriver à obtenir un médicament ou un soin, pas de médecins, pas de médicaments, ceci était devenu impossible à avoir.

Dès que j’avais en revanche l’occasion d’exprimer ma colère, par exemple sur les réseaux sociaux, je le faisais. Sans être médecin, sans avoir fait le Serment d’Hippocrate, je me demandais comment certains médecins pouvaient nous laisser tomber ainsi ? Pas tous, heureusement. Mon médecin traitant avait disparu, j’ai consulté d’autres médecins par webcam, qui n’ont pas voulu me donner de traitement aucun, par peur d’être rayés de l’Ordre des Médecins, des médecins très jeunes, sorties de la Faculté de Médecine depuis peu d’années….Elles avaient peur aussi… Bizarre, tout ça me semblait irréel et en même temps d’une tristesse absolue.

Ne rien pouvoir faire ! Juste attendre !!!

Et pendant ce temps-là, à Marseille on testait, on soignait, on obtenait des résultats positives face au Covid-19. La France était en souffrance. Je comptais les jours, car on m’avait dit que si on arrivait au jour 14, on pouvait se considérer « guéri » ou tout au moins « sorti d’affaire », sorti de la peur de la mort.

Aujourd’hui, une bonne colère revient et surtout le désir de voir la justice arriver sur la place publique. Il y aura du nettoyage … car les mentalités ont évolué, les gens savent ce qu’ils ne veulent plus !

Pour le moment, le sens de l’histoire immédiate nous dit qu’il y aura des changements sociétaux, des prises de conscience et de position vis-à-vis de la planète et de la fragilité de la vie sur terre.

Après mon quatorzième jour de maladie Covid-19, j’ai recommencé petit à petit à vivre, à créer, à peindre, à extérioriser à l’aide de mes pinceaux.

Voici l’œuvre que j’ai peinte pour remercier mon chien, Matisse, fidèle ami, de sa présence à mes côtés pendant ma maladie, pendant le confinement. Matisse est un chien thérapeute qui travaille avec les personnes du grand âge en Maisons de Retraites, présentant la maladie d’Alzheimer. Il m’accompagne à tous mes ateliers d’art-thérapie, il approche et égaye la vie de mes patients. Il a développé un grand sens de l’empathie, il aime travailler et sans aucun jugement, il apporte beaucoup de bien-être à mes protégés.

Avec le Covid-19, beaucoup parmi mes patients sont décédés, étant fragiles, faisant partie de la population à risque. L’isolement, la solitude les a également fait sombrer dans un syndrome de glissement, laissant des familles entières dans le désarroi, dans le deuil d’un proche. Parfois, les urgences, les hôpitaux ne pouvaient plus les prendre en charge pour les soigner ou alors devaient faire des choix parmi les malades pour essayer de les guérir, de les extraire au coronavirus. Beaucoup de morts, quand ils auraient pu être sauvés…

Tous les morts dans les Maisons de Retraites en France, ne sont que le résultat des politiques internes menées par les grands groupes qui les gèrent en faveur de leur épanouissement boursier. Tant que la soif de l’argent et les marchés boursiers s’occuperont de nos Aînés, ils continueront à être mal pris en charge car pas assez de personnel ou alors du personnel lui-même mal traité et mal valorisé.

De la souffrance psychologique tant du côté de nos Aînés que du côté du personnel. Pas de reconnaissance pour le beau travail accompli avec empathie et souvent avec abnégation totale par des aides-soignantes peu nombreuses par rapport aux nombre importants de personnes âgées à des stades différents de ou des maladies.

Les familles payent des sommes assez importantes pour la prise en charge de leurs parents en Maisons de Retraite et ce qui revient pour leur bien-être est minime par rapport à ce qui suit le chemin de la bourse et des actionnaires. Pas assez de budget pour les animations, pas assez de budget pour des repas de qualité, pas assez de budget pour engager du personnel en plus grand nombre etc… Les Directeurs d’établissement restent les mains liées, sans beaucoup de pouvoir d’action. Beaucoup parmi eux sont au bout de quelques années démissionnaires, ainsi que les animateurs épuisés par tout ce qu’on leur demande, ainsi que les aides-soignantes, ainsi que les psychologues qui ont des tiers-temps, parfois des mi-temps et très, très rarement des temps complets.

Pourtant il faudrait au moins deux psychologues à temps complet dans de telle structures qui accueillent entre 80 et 120 personnes, il faudrait au moins une aide-soignante pour maximum trois personnes afin qu’elle ait le temps de prendre le temps de bien s’occuper des patients pris en charge, il faudrait beaucoup plus d’argent pour la cuisine afin de préparer et concocter des bons petits plats maison, il faudrait au moins deux animateurs à temps complet en EHPAD, il faudrait des art-thérapeutes encore très rares auprès des malades, car nos métiers de soin et non d’animation, ne sont pas connus, ni reconnus à leur juste valeur pour le moment en France, il faudrait ……..

À quand tous ces changements nécessaires en EHPAD ? L’idéal seraient la création de petites structures à taille humaine, comme le font nos voisins Suisses ou Allemands ou plus loin, nos cousins Canadiens ou encore les Pays Scandinaves qui ont une vraie culture de prise en charge de la personne âgée.

À quand le changement dans les hôpitaux français, à quand la prise de conscience par nos politiques de l’importance à préserver la nature, notre Terre, à quand moins d’intérêts financiers et plus d’intérêts pour l’Humain et l’Humanité ?

À QUAND ?

Agissons ensemble.

Iléna LESCAUT

 Artiste – peintre, art-thérapeute auprès des personnes du grand âge qui ont la maladie d’Alzheimer et autres pathologies associées en EHPAD et à domicile, Réalisatrice films documentaires, Écrivaine, Fondatrice de l’association « Fenêtres Francophones » : http://www.fenetresfrancophones.com

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