Edito
08H30 - samedi 2 mai 2020

Éric Zemmour injurié. L’agresseur, fier de lui, court toujours ! L’édito de Michel Taube

 

Article paru le 1er mai à 13h58 et mis à jour le 2 mai à 14h08.

Eric Zemmour, certains le détestent, d’autres l’adulent. Une chose est sûre, le débat d’idées, dont il est un des champions, – ses livres sont des best-sellers,  ne se réglera pas dans les prétoires de la justice ni, bien entendu, dans la violence et la haine. S’en prendre à Zemmour dans la violence physique, comme ce fut le cas avec Charlie Hebdo si tragiquement, c’est comme s’en prendre à Voltaire, à la liberté d’expression, à la France des libertés et du pluralisme.

Eric Zemmour se souviendra de ce 30 avril, où chargé de sacs de commissions, sa route croisa celle d’un « intellectuel » qui engagea avec lui un riche (et humide) monologue philosophique, dont la qualité et la portée mérita qu’il passât à la postérité.

Après avoir diffusé sa vidéo sur Twitter (https://twitter.com/i/status/1255932035438456834), le courageux individu en ajouta une couche sur Snapchat sous le nom de Haram La Gratuité » (@haramdims), évocateur de sa grandeur d’âme et de sa générosité : il se félicite d’avoir « craché un gros mollard dans la tête… de ce petit con », avant de livrer enfin à ses fans, tous manifestement de la mouvance islamohaineuse, la substantifique moelle de ses grosses expectorations (espérons dépourvues de coronavirus).

L’abruti ayant peut-être pris conscience qu’agir à visage découvert n’était pas forcément la plus lumineuse de ses fulgurances cérébrales (encore que…), il avoua : « Ouais, ouais, je sais, j’aurais pas dû l’insulter et tout ça, mais comment vous voulez parler avec lui, dites-moi ? C’est peut-être un fils de pute, mais c’est impossible de parler avec lui, il est super fort… c’est impossible, donc c’est comme si j’aurais voulu parler avec Marine Le Pen. À part l’insulter sa mère, vous voulez faire quoi ? ».

« Il est trop fort… », dit notre philosophe. Victoire à la Pyrrhus pour Éric Zemmour. Certaines de ses analyses font débat, comme la nostalgie d’une grande France qui n’existera plus, ou son idée que l’exégèse de l’islam est à tout jamais impossible. D’autres, comme le fait démographique, nourri par un prosélytisme peu respectueux des autres spiritualités, sont des évidences que seules la mauvaise foi ou la peur conduisent à nier. Mais en le considérant comme « trop fort », Haram La Gratuité valide les analyses d’Eric Zemmour, avoue ne pas avoir d’autre argument que l’insulte et la violence, les arguments du faible, de l’idiot et du perdant, pour y répondre.

Insupportable impunité

Mais le pire est ailleurs, car personne ne sera surpris qu’Éric Zemmour puisse faire l’objet d’une telle agression. Il peut même s’estimer chanceux qu’elle soit restée verbale, même si le crachat dépasse ce cadre.

Le pire, c’est que l’agresseur fut à ce point convaincu que son acte resterait impuni qu’il se permit d’agir à visage découvert et de publier sa vidéo sur les réseaux sociaux.

Pourquoi s’en priverait-il ? Avec des centaines de milliers de vues, le voilà glorifié auprès de sa mouvance et sur Internet. Le ratio bénéfice/risque, terme en vogue à l’heure du Covid-19, joue clairement en sa faveur. En théorie, une agression verbale est passible d’une amende de 12.000 euros (article 33 de la loi du 29 juillet 1881). Curieusement, le crachat est moins lourdement sanctionné (750 € au titre de l’article R. 624-1 du Code pénal). Mais qu’importe. Même si Éric Zemmour déposait plainte, l’affaire ne connaîtrait probablement aucune suite judiciaire, et même dans l’hypothèse inverse, l’individu échapperait à toute condamnation parce que le juge considérerait les faits incriminés comme une petite gaminerie sans importance, s’il ne considère pas que c’est une réaction légitime aux provocations de la victime, transformée en coupable.

Il n’est pas digne d’une démocratie que seuls quelques médias relaient ce fait. Certes relayer contribue à glorifier cette ordure, ce lâche, cet abruti, ce délinquant, qui s’en est pris à un homme auquel il n’est pas capable d’opposer le moindre argument, pour peu qu’il ait compris le sens de ses propos (ce dont on peut douter !).

Il faut surtout condamner cette insulte arbitraire et haineuse.

Faut-il réveiller Voltaire de ses cendres ? La condition même de la liberté de la presse est que les journalistes protègent celles et ceux qui l’exercent quand ils ne sont pas d’accord entre eux.

Tel n’est pas le sujet ici mais nous devons rappeler que nous ne sommes pas d’accord avec Eric Zemmour sur bien des sujets. Ne prenons qu’un, exemple : l’Islam n’est pas le problème selon nous mais l’interprétation rigoriste qui s’impose depuis quarante ans dans le monde musulman et parmi les convertis. Il faut en analyser les causes, dénoncer sans réserve toutes  formes d’expression, empêcher de nuire tous ses thuriféraires et former des leaders musulmans modérés, républicains et laïcs. L’Islam connaîtra la même longue histoire qui a conduit le judaïsme et le christianisme de l’obscurantisme dogmatique à une humilité et une docilité sécuralisées.

Reste l’enjeu politique : le « pas de vague », si cher à nos politiques, a-t-il déteint sur les médias ? On s’étonne au passage (mais ne parlons-nous pas du même problème ?) que l’instruction donnée aux forces de police d’ignorer le non-respect des attroupements en zones sensibles, durant la période de Ramadan, n’ait pas suscité une indignation générale. L’État (et la justice) ne serait-il fort qu’avec les faibles, avec ceux qu’il doit protéger, et aussi lâche que Haram La Gratuité avec ceux qui le méprisent, le haïssent, le défient ?

La laïcité française comme notre tradition voltairienne exigent que l’on ne cède rien aux percées identitaires ou religieuses obscurantistes dans notre espace public.

Madame Belloubet, qu’attendez-vous pour saisir le parquet et ordonner l’interpellation de l’idiot de la Toile qui a agressé l’un de nos plus brillants et controversés intellectuels français ?

On peut être contre Zemmour, mais s’en prendre à lui, c’est s’en prendre à la France !

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

Directeur de la publication