Edito
11H41 - mardi 7 avril 2020

Le coronavirus terrassera-t-il Donald Trump ? L’édito de Michel Taube

 

Trump n’a pas vu venir le missile Covid-19 et l’a pris à la légère. Le nombre des morts que comptera l’Amérique d’ici l’été risque de peser lourd dans la campagne pour l’élection du prochain président américain.

Il n’y a pas même un mois, Donald Trump semblait archi favori pour être réélu Président des États-Unis en novembre prochain. En Europe, il est de bon ton de le haïr et de le railler : Trump, un fou aussi bête que dangereux, véritable erreur de casting du peuple américain. Il est vrai qu’il en tient une couche (de tweets) ! Mégalo égocentrique (bon, président des États-Unis, c’est un job qui en aurait donné le melon à plus d’un), si insaisissable que même les alliés historiques des États-Unis ne peuvent lui faire confiance, ennemi de l’écologie, sans aucune considération pour les droits de l’homme, et obsédé par « America first » quel qu’en soit le prix… Sans parler de sa personnalité, de son mépris des femmes, des minorités, des étrangers (même des Français, c’est dire !).

Mais ceux qui en France le critiquent avec le plus de véhémence demandent souvent à Macron de faire du Trump : lutter contre l’évasion fiscale et mettre au pas les GAFAM, attirer les capitaux, favoriser les intérêts nationaux… Ils fustigent Trump en regrettant que Macron de l’imite pas (sans le dire, évidemment) mais n’ont pas compris que la petite France n’en a pas les moyens. Mais bien sûr, ils veulent détruire l’Union européenne, le seul outil permettant d’espérer avoir voix au chapitre dans cette opposition de géants… Sur ce point, ils sont d’accord avec Trump qui déteste l’Union européenne, son principal rival commercial.

Donald Trump a misé gros sur l’économie. Et il était sur le point de gagner. Pas de chômage et la croissance au beau fixe ! Même ses ennuis judiciaires ont fait pschitt, comme disait notre (désormais) vénéré Jacques Chirac, alors qu’il était lui aussi empêtré dans quelques troubles affaires.

Face à Trump, les démocrates avaient un temps laissé penser que la révolution socialiste était en route, en la personne de Maximo Bernie Sanders. Ils semblent à présent miser sur l’eau tiède d’un Jo Biden, ancien vice-président de Barack Obama, âgé de 77 ans. Donald Trump, qui n’a soufflé que 73 bougies sur son dernier gâteau d’anniversaire, passerait presque pour un jeunot.

Et puis Zorro Corona est arrivé…

L’Amérique terrassée par un virus, et son économie à l’arrêt ? Une plaisanterie ! En Europe, on a reproché au gouvernement italien d’avoir sous-estimé la menace, au gouvernement français de l’avoir nié un temps, au gouvernement anglais de s’être trompé de stratégie… Donald Trump, après avoir méprisé le Covid-19 comme il méprise ses adversaires et trop souvent ses « amis », a admis que la bestiole était coriace, mais qu’il allait l’abattre d’ici Pâques. Finalement, il dû se rendre à l’évidence : le coronavirus est insensible aux puissants missiles et aux dollars US.

Et voilà Donald Trump qui s’agite frénétiquement devant les caméras de télévision : chaque jour, le « Commander in chief » montre qu’il est à la barre, que l’Amérique ne se laissera pas faire. Et force est de reconnaitre que malgré les dénégations présidentielles méprisantes des premiers temps (il n’y a pas qu’en France que l’esprit de Tchernobyl a soufflé), l’Amérique semble se mobiliser. On injecte 2000 milliards dans l’économie, on ordonne à Chrysler de fabriquer des aspirateurs (Mélenchon va adorer), on rachète les masques commandés par les Français et les Allemands sur les tarmacs des aéroports (America first, que voulez-vous ?), on annonce que la chloroquine sera utilisée massivement pour combattre la maladie (nous, on se méfie encore d’un des plus vieux médicaments génériques !).

En France, Emmanuel Macron peine à obtenir l’union sacrée contre le coronavirus. Si sa popularité a fait un bond, le coup des masques inutiles devenus indispensables, et l’absence de tests (ça viendra, parait-il), ne passent pas dans l’opinion. Mais depuis trois jours, la baisse des admissions dans les hôpitaux et celle du nombre de morts victimes du Covid-19 laissent espérer un succès relatif de la politique de confinement et de mobilisation sanitaire. Au prix d’une sévère récession, sans doute, mais ces comptes seront faits ultérieurement.

Aux États-Unis, l’union sacrée est inconcevable en pleine campagne électorale. Pour le moment du moins. Les atermoiements de Donald Trump ont entamé sa crédibilité, et les dégâts économiques déjà constatés, notamment en termes de chômage, ne correspondent pas à la promesse originelle d’une « Great America. » Pourtant, l’acharnement des Démocrates à accabler le locataire de la Maison blanche pourrait avoir un effet boomerang. La plupart des dirigeants de la planète ont sous-estimé le Covid-19, qui est la première pandémie véritablement mondiale dans l’histoire de l’humanité.

Comme en France, les pouvoirs publics ont mérité nombre de reproches qui leur sont adressés. La situation américaine est de ce point de vue voisine de la nôtre. Les coups de pied au derrière ont été distribués, et les comptes se feront plus tard. Mais aujourd’hui, il faut aller au charbon contre la pandémie et non contre ses adversaires politiques. Difficile, quand on est en campagne pour le job le plus convoité de la planète, mais indispensable.

Le Covid-19 a rebattu toutes les cartes dans la campagne présidentielle américaine. Au détriment de Trump, a priori, sauf si la gauche américaine se montre aussi bête que la gauche française et qu’elle préfèrera aider à faire réélire Trump en novembre prochain pour cliver encore davantage la société américaine à son avantage…

 

Michel Taube

Directeur de la publication