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18H38 - dimanche 26 janvier 2020

Coronavirus : sous le pli des paupières. Chronique de la nouvelle époque par Jean-Philippe de Garate

 

Statue évoquant Marcel Aymé sur la Butte-Montmartre à Paris où il vécut.

 

Quand l’Asie se trouve à l’origine des plus grandes épidémies modernes…

Le coronavirus, qui fait l’actualité, réveille nos terreurs. Nos terreurs venues de loin. Car si la guerre tue, l’épidémie, muée en pandémie, fait le vide. La peste noire (1348) et ses « nombreuses rechutes » au cours des siècles – selon l’expression toute récente du grand historien Emmanuel Le Roy Ladurie – avait tué un Français sur trois. La peste n’appartient pas au passé. Un cas de peste bubonique, tuant il y a peu un garçon de onze ans, est survenu à Alger, rechute bien réelle de « La Peste » oranaise de Camus.

La littérature, loin des politiques trop occupés à s’adosser à l’événement pour s’en constituer un argument, rend mieux compte de la permanence du Mal. Maupassant évoque en 1884 dans sa nouvelle « La chambre onze » les effets bien tangibles du choléra, maladie qui avait tué en plein Paris un premier ministre, et pas n’importe lequel, Casimir Périer (1777-1832). L’épisode étend ses ravages à la Provence et aux Alpes dans « Le Hussard sur le toit » (1951) de Jean Giono. Ce roman – porté à l’écran en 1995 – met en scène ce Mal qui, tel le vent gonflé en tempête, ramène à leur étiage les luttes des hommes entre eux. Comme les tueurs autrichiens lancés à leur poursuite, les patriotes italiens rejoindront l’outre-tombe. La mort ignore les débats des Lilliputiens que nous demeurons.

Pour preuve : c’est devenu une histoire qui a fait le tour de la terre, il y a moins de vingt ans. La pneumonie atypique (ou SARS : syndrome respiratoire aigu sévère) frappe un médecin qui attend sagement dans un hôtel de Hong Kong, l’ascenseur qu’il a appelé. Comme le monte-charge met un certain temps pour arriver, d’autres résidents se massent sur le palier. On en comptera neuf. L’homme, déjà fébrile, éternue. Dans les quarante-huit heures qui suivent, tous les passagers de l’ascenseur seront morts, à commencer par le docteur Liu. Il faut relire la presse officielle de ces années deux mille deux pour mesurer le niveau de mensonge…

Autres temps, autres maux. Autres mensonges, autres poncifs ! La pandémie la pire de l’Histoire de l’humanité… La grippe dite espagnole (1918-1922). Faites le test autour de vous. Pourquoi l’appelle-t-on « espagnole » ? Pour deux raisons : 1. L’Espagne étant neutre durant le premier conflit mondial, la censure n’interdit pas aux journalistes de faire leur travail. Les reporters révèlent le transfert dès mars 1918 depuis les Etats-Unis de soldats texans atteints de ce mal d’une morbidité effroyable – une infirmière américaine sur trois va en mourir. 2. Le roi Alphonse XIII d’Espagne est atteint. Et la presse en parle librement. Le monarque survivra. Ce n’est pas le cas de nombre d’hommes, de femmes – notamment enceintes – d’enfants dans toutes les parties du globe. Inde ? 15 millions de morts en quatre mois. Mais bien sûr, on privilégie alors les statistiques, les chiffres des Européens, dont le système sanitaire est plus avancé. 

La liste des victimes est si longue ! Apollinaire, Egon Schiele, comme Kafka, Edmond Rostand et le sociologue Max Weber ; le président américain Wilson et Max de Bade, le plénipotentiaire allemand -tous deux signataires du traité de Versailles, où ils ont contracté la maladie – les frères Dodge, fameux constructeurs américains, Louis Botha, président de l’Afrique du Sud, Vera Kholodnaïa,  la « reine de l’écran » du cinéma russe… aussi bien que le championnisime hockeyeur sur glace Joe Hall, et encore… le pionnier de l’aéronautique Léon Morane comme Meri Te Tai, la plus célèbre femme maorie, suffragette néo-zélandaise… 100, 200 millions de morts ? La grippe dite espagnole – H1N1 – en réalité d’origine chinoise et transférée en Europe par les troupes américaines, n’est pas vaincue. Et les recherches, menées de nos jours dans des laboratoires militarisés, sont peu abouties pour trouver une parade.

Mais laissons les morts enterrer les morts ! Place à la vie ! Car nous devons à la grippe H1N1 une mutation autrement positive ! Au tournant des années 1919-1920, au lycée Victor-Hugo de Besançon, un grand garçon dégingandé, élève de maths sup et projetant de se présenter aux concours de l’X, de Centrale etc. ressent les premières atteintes d’une forte fièvre. Le pronostic est vite établi et le lycéen hospitalisé. Le tableau clinique n’est pas rassurant et la vie même du patient ne tient bientôt plus qu’à un fil. Le gaillard – l’avenir le démontrera amplement – a de la ressource. Mais s’il survit finalement, la convalescence sera longue et malheureusement, incomplète. Ses paupières demeureront paralysées, à vie. Mais sous le pli de ces paupières allaient s’agiter nombre de personnages. Car l’ancien matheux allait se révéler le plus libre, le plus ironique – la vie ne l’avait-elle pas été à son endroit ? – de nos auteurs.  Certes, il pourra rejoindre sa famille le « ouiquêne », puis s’enflammer à Montmartre : « Dis donc, je vois que tu t’es miché en gigolpince pour tétarer ceux de la sûrepige. » Avant de nous faire traverser Paris et observer Uranus, il restera l’homme qui avait traversé le mur du Mal, la mort trop présente. Bref, le passe-muraille : Marcel Aymé. Avec pour seule morale : la maladie, ce n’est pas le Mal en soi. Le Mal, ce sont tant d’existences …qui « sont pas des vies » !

 

Jean-Philippe de Garate

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