Edito
07H14 - jeudi 9 janvier 2020

Et si le régime iranien était un tigre de papier ? L’édito de Michel Taube

 

Donald Trump et l’exécutif iranien ont donc enterré la hache de guerre… provisoirement.

Depuis l’élimination par l’armée américaine du général Qassem Soleimani (d’aucuns osent l’appeler le « Che Guevara musulman ») qui avait beaucoup de sang, y compris iranien, sur les mains, les commentateurs et experts européens laissaient entendre que l’on était au bord du cataclysme, comme aux heures les plus tendues de la guerre froide. Ça y est, le Proche-Orient allait s’embraser, et la vengeance de la théocratie iranienne, cruelle et de plus en plus honnie par son peuple, serait terrible : éradication des troupes américaines d’Irak, Israël transformé en poussière, puits de pétrole saoudien en feu…  Tout juste si on ne prenait pas les vociférations iraniennes comme argent comptant.

Peu après avoir envoyé quelques missiles vers une base américaine en Irak, en espérant qu’ils ne fassent aucune victime (mission accomplie !), et claironné que quatre-vingt horribles mécréants avaient été tués (fake news à l’attention de son opinion iranienne), l’Iran a confirmé que sans l’arme nucléaire, sa rhétorique était inversement proportionnelle à sa force. Javad Zarif, ministre des Affaires étrangères, s’est réjoui de cette riposte « proportionnée » et a considéré qu’elle était « terminée ».

Certes, le dictateur en chef, l’ayatollah Ali Khamenei, laisse planer la perspective de futures actions non militaires, mais il est de plus en plus évident que Téhéran vient de se faire notifier par Washington une triple ligne rouge : d’abord, on ne s’attaque pas impunément aux États-Unis. Ensuite, l’expansionnisme iranien et son obstination à semer les germes de la guerre et le terrorisme ne seront plus tolérés. Enfin, et Donald Trump l’a rappelé en préambule à sa prise de parole du 8 janvier, l’Iran n’aura pas la bombe atomique, du moins pas aussi longtemps que la « République islamique » sera une république islamiste et terroriste… et que le magnat américain sera à la Maison Blanche.

La course à la bombe atomique reste l’enjeu central, et même vital. Il est improbable qu’un Iran nucléaire vise directement Israël, les États-Unis ou toute autre puissance nucléaire, même si la folie religieuse ne peut exclure cette forme de suicide. Mais le chantage et la menace à l’égard de tous ses voisins, voire de l’Europe, seraient permanents et croissants, et inciteraient d’autres pays comme l’Arabie saoudite, l’Égypte ou la Turquie à se doter de l’arme nucléaire, augmentant significativement la perspective d’un cataclysme majeur. Les Européens s’accrochent à l’accord dénoncé par Donald Trump, en donnant trop le sentiment que leur motivation première est de préserver les intérêts de leurs entreprises. Puisse la passe d’armes entre les États-Unis et l’Iran conduire à négocier un nouvel accord sur le nucléaire, plus contraignant pour Téhéran, comme le souhaitait d’ailleurs la France avant de se ranger à la volonté de Barack Obama.

L’Europe adore s’en prendre à Donald Trump. Elle a raison à bien des égards. Mais pas sur l’Iran qui est une théocratie ultra conservatrice qui mine l’Irak, la Syrie et le Liban (entre autres), sous couvert parfois de la lutte contre ses frères ennemis de Daech. Ce grand peuple perse mérite autre chose que ce régime.

Aujourd’hui, la jeunesse de Bagdad et de Téhéran ne supporte plus les Gardiens de la révolution iranienne. Leur révolte est réprimée dans le sang, dans la quasi-indifférence des Européens, surtout des Français, trop occupés à la contestation de la réforme des retraites. Mais tirer sur sa propre population, sur sa propre jeunesse, est souvent annonciateur du crépuscule d’un régime. Espérons pour l’Iran, pour le Moyen-Orient et pour le monde que la parenthèse funeste ouverte en 1979 par l’ayatollah Khomeini se referme un jour. Peut-être bien plus tôt que ce que l’on croit.

 

Michel Taube

Directeur de la publication