Santé / Covid
07H47 - lundi 26 août 2019

La « querelle » entre la médecine officielle et l’homéopathie va disparaître, la tribune d’Emmanuel Jaffelin

 

En mars 2018, dans un Appel publié par Le Figaro, 124 médecins et professionnels de la santé ont critiqué les médecines alternatives, singulièrement l’homéopathie, et demandé que l’Etat retire, d’une part, le statut de médecins à ses « charlatans » et, d’autre part, le remboursement de leurs pratiques et de leurs pseudo-médicaments. Après un avis positif de la Haute Autorité de Santé, le gouvernement a décidé cette année qu’en 2021, la sécurité sociale ne remboursera plus les produits homéopathiques. Cette ligne est cohérente et progresse. Détail : elle applique un dogme et s’éloigne de la vérité.

Avançons une hypothèse : dans quelques années ou décennies, il n’y aura plus de conflits entre ces médecines. Pourquoi ? Parce que la médecine avancera sur un nouveau chemin qui aura réconcilié la médecine officielle et l’homéopathie. Comment ? Lorsque l’un (ou plusieurs) des médecins, biologistes ou chercheurs aura (ou auront) compris quelque chose qui manque à l’heure actuelle et qui est à l’œuvre en physique. Quoi ? La recherche d’une unité scientifique en médecine. Rappel : la physique est coupée en deux. Sur l’atome et ses particules élémentaires règne la mécanique quantique dont les principes furent découverts par Max Planck en 1900. Cette science concerne la matière à une échelle infiniment petite et permet notamment d’expliquer la structure de l’atome et de constituer le cadre général de description des particules élémentaires. Sur l’univers règne la théorie de la relativité générale  découverte par Albert Einstein en 1915 : elle théorise le rôle de la gravitation dans la structure de l’espace-temps dont dépend, entre autres, le mouvement des astres. Cette science s’occupe donc de l’infiniment grand. Ces deux découvertes sont le socle de la physique contemporaine. Seul problème : elles ne sont pas compatibles. S’est posée alors, dès le début du XXesiècle, la question suivante : comment une science peut être valide à un niveau et invalide à un autre ? La relativité générale ne permet pas d’expliquer les atomes et leurs particules ; la physique quantique ne peut rien dire des astres. D’un côté, la physique quantique continue de faire du temps une réalité différente de l’espace ; de l’autre, la relativité générale intègre le temps à la géométrie. Bref, ce n’est ni l’amour de la vérité ni l’harmonie qui règne entre ces deux branches de la physique !

Le problème est cruel : une physique ne permet pas d’expliquer l’objet de l’autre et réciproquement. « LA » physique est-elle alors une science schizophrène ? Doit-elle se contenter d’appliquer la théorie qui convient à l’une des deux branches puisque chacune voit ses lois devenir fausses – ou sans capacité explicative – lorsqu’elle change de domaine ? La nature ne devrait-elle pas avoir des lois qui valent dans toutes les branches ? Ce n’est visiblement pas le cas en physique… A moins qu’un jour apparaisse une Nouvelle Physique capable de faire la synthèse de ces deux physiques … et de les dépasser. Aujourd’hui, aucune théorie scientifique n’est parvenue à réaliser cette synthèse, mais ce fut la tentative de la Théorie des Cordes (String Theory) due à Gabriele Veneziano en 1968 : il montra que l’équation d’Euler, vieille de 200 ans, s’appliquait à la force nucléaire forte. Quant à Leonard Susskind, il démontra, en 1970, que cette théorie décrivait une particule qui pouvait vibrer et qui n’était pas un simple point : elle formait plutôt une sorte d’élastique coupé en deux et pouvant s’étirer, se contracter et se tortiller. La théorie des cordes proposa alors que les briques fondamentales de l’univers ne soient plus considérées comme des particules, mais comme des cordes vibrantes possédant une tension à la manière d’un élastique. Au fond, ce que la physique quantique décrit comme des particules douées de caractères distincts (charge électrique, masse, etc.) ne sont peut-être que des cordes qui vibrent différemment. Quant à l’univers, il contiendrait plus que trois dimensions spatiales. Bingo ! Sauf que, en dépit de cette nouvelle conception unifiée de la matière, un problème demeure : cette théorie reste mathématique et ses conséquences physiques doivent être validés par des expériences. La synthèse entre les deux physiques n’est donc pas (encore ?) une science, mais force est de constater qu’elle constitue une piste.

La différence entre les deux médecines fait donc penserà la différence entre ces deux physiques ! L’homéopathie a rebaptisé la médecine traditionnelle par le terme d’allopathie. Alors que l’homéopathie soigne le mal (pathos) par ce qui lui ressemble (homeo), l’allopathie en serait incapable et irait chercher la solution ailleurs – allossignifiant autre– que dans le mal. Pourtant, l’homéopathie devrait reconnaître que la médecine classique pratique la vaccination : en 1776, le médecin Jenner inocule de la variole de vache à un enfant de 8 ans et, en 1885, Pasteur inocule la rage à un enfant de 9 ans. Avec le vaccin, la médecine n’est donc pas allopathiquepuisqu’elle utilise le même virus pour guérir celui qui est susceptible d’en être atteint ! Dès lors, qu’il s’agisse de la dilution en homéopathie ou de l’atténuation (ou diminution d’un bacille) en allopathie, le principe reste le même : guérir un mal par l’utilisation du ou d’un mal.

De son côté, la médecine classique considère que l’homéopathie n’est pas une médecine car elle n’est en rien scientifique. Selon les procédures d’expérimentation habituelle pour les médicaments classiques, l’homéopathie n’est pas capable de prouver que ses médicaments – granules et globules – sont efficaces. Ses prétendues guérisons reposeraient en fait sur l’effet placebo, ce pouvoir psychologique qui conduit le patient à être convaincu que ce qu’il prend est un médicament efficace, conviction qui, dans une certaine proportion, donnerait lieu à des effets positifs. Il faut noter que l’effet placebo est constaté dans les laboratoires pharmacologiques par les médecins qui testent un nouveau médicament : une partie des patients reçoit ce traitement tandis que l’autre partie prend un produit sans substance active. Bien sûr, aucun des patients ne sait s’il reçoit le vrai médicament ou le médicament neutre. L’effet placebo interviendrait donc dans une proportion significative (environ 30%) chez les patients du second groupe ; et en homéopathie, il serait, selon ses contempteurs, la seule source de guérison ou d’amélioration du patient.

 

Qui donc est le patient ?

En réalité, chacune de ces deux médecines a une vision très différente du patient et de la thérapie. En homéopathie, le patient est traité dans son ensemble par le médecin : il est vu comme un tout qui a une histoire et un rapport particulier à la réalité dans lequel s’inscrit sa pathologie. Pour être soigné, le patient doit répondre au préalable à un questionnaire permettant au médecin de le (re)connaître comme « personne » et de ne pas le réduire au statut de « malade ». Quant au traitement, il repose sur trois principes : similitude ,dilution et individualisation. Le principe desimilitudevise à soigner le mal du patient par un mal, c’est-à-dire par un produit qui provoquerait des symptômes similaires chez une personne en bonne santé si ce produit n’était pas dilué et dynamisé. Pour provoquer une réaction de l’organisme sans effet secondaire (toxicité, etc.) le remède homéopathique doit être absorbé en quantité infime ; et pour obtenir cette infimité, il faut diluer le remède et le dynamiser par de nombreuses et fortes secousses nommées « succussions ». Quant au principe d’individualisation, il signifie que le médecin ne donne pas le même remède à des personnes ayant les mêmes symptômes, ce qui suppose qu’il prend en compte le patient dans sa totalité, physique autant que psychique afin de déterminer le bon remède. Il faut dire que face à la même maladie, les malades réagissent différemment. Ces caractéristiques font que l’efficacité éventuelle de l’homéopathie est difficile à tester avec les méthodologies classiques de la médecine officielle.

De son côté, la médecine classique s’intéresse moins au « malade » comme une personne que comme un « corps ». Et, à l’exception du vaccin, elle s’éloigne de l’homéopathie puisqu’elle cherche à supprimer les symptômes et/ou les causes de la maladie ; et elle s’en éloigne d’autant plus qu’elle fonde les médicaments sur l’action des molécules. La chimie a ainsi permis de produire des médicaments qui, par exemple, suppriment la douleur : il s’agit des fameux antalgiques comme l’aspirine ou le paracétamol (niveau 1) et la morphine (niveau 3). Si vous êtes nerveux et/ou insomniaque, le médecin classique vous donnera des calmants (hypnotiques, neuroleptiques, anxiolytiques, etc.). Les succès de la médecine classique sont indéniables et la liste de cette réussite est longue : vaccins, chirurgie, antibiotiques, anesthésie, etc. Cette médecine a joué un rôle indéniable dans l’augmentation de l’espérance de vie des hommes depuis le début du XXesiècle.  En 1909, l’espérance de vie était de 33 ans ; il était de 67 ans en 2009, soit une espérance de vie qui double en un siècle !

Aujourd’hui, les succès de l’homéopathie sont plus discrets et ne permettent pas à cette médecine de devenir une autorité. Deux choses méritent cependant d’être notées. D’abord, la médecine classique soigne sur la base de médicaments qui ont tous des effets secondaires dont certains sont plus qu’incommodants. Ce n’est pas le cas de l’homéopathie. Il serait toutefois rapide de dire que cette absence d’effet secondaire prouve que l’homéopathie n’est pas une médecine et que ses remèdes ne sont pas des médicaments. Pourquoi ? D’une part parce que les premiers remèdes de l’homéopathie ont été obtenus de manière héroïque avec des substances aux limites de la toxicité ; d’autre part parce qu’en travaillant sur la dilution d’un élément (minéral, végétal ou animal), l’homéopathie cherche d’abord un élément qui soit similaire au symptôme et, ensuite, une réharmonisation du patient avec lui-même et la réalité. Pour le dire autrement, il ne faut pas plus expliquer l’homéopathie par la chimie qu’il ne faudrait expliquer la relativité universelle par la mécanique quantique. Ce sont deux médecines différentes qui ont deux fondements différents. Alors que la médecine classique se fonde sur la chimie et l’interaction entre une molécule et son récepteur (lui aussi moléculaire !), l’homéopathie transmet à la biologie une information, ce qui signifie que son fondement est physique. De la même manière qu’un poste de radio fonctionne sans transmettre une molécule à l’antenne, la globule ou le granule homéopathique ne passe pas par la molécule puisqu’elle ou il intervient à un niveau physique. Le fait que la chimie quantique permette de prolonger la médecine classique ne va pas dans le sens de l’homéopathie.  Mais il est possible que la théorie des cordes puisse un jour dire de l’homéopathie des choses plus intéressantes que la chimie, science intermédiaire entre la physique et la biologie.

 

La science est en marche : elle est le fruit de recherches, d’intuitions et de découvertes qui ne forment pas un système unifié. Il n’est donc pas inquiétant de voir que la médecine soit aussi plurielle que la physique. En revanche, il est plus étonnant de percevoir qu’une (petite) partie de la médecine classique se mobilise contre l’homéopathie : ce militantisme relève d’une psychologie bas de gamme et dénuée de toute curiosité. Le côté inquisitorial de quelques médecins, avec la complicité d’un pouvoir politique infra-scientifique, rappelle le sort de Giordano Bruno : il finit sur un bûcher en 1600 parce qu’il avait déjà compris (trop tôt) qu’il y avait une infinité de systèmes solaires ! Force est donc de constater qu’il y a une continuité idéologique et politique devant les ruptures que la science fait naître. Mais c’est la science médicale qui bûcheici par une telle tyrannie dogmatique.

Il serait plus essentiel d’encourager et d’admirer des médecins préoccupés par la recherche d’une unité de la médecine qui repose, non sur l’élimination de l’une d’elles, mais sur une conception qui les englobe et les dépasse.La relativité générale n’invalide pas la totalité de la loi universelle de la gravitation de Newton au niveau local, mais elle la complète et la dépasse au niveau global.De même, une Nouvelle Médecine permettrait d’intégrer la classique et l’homéopathique tout en proposant une vision de l’être humain, de la santé et du médicament d’un autre point de vue. Il faut que la médecine continue d’évoluer en tortillant des fils conducteurs qui feront des cordes plutôt pour unifierque pour pendre !

 

Emmanuel Jaffelin

Philosophe, auteur du Petit Eloge de la Gentillesse (François Bourin)

 

 

 

 

 

 

 

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