Santé / Covid
07H24 - lundi 1 avril 2019

Le plaisir et le bonheur. La chronique bien-être de Françoise Rosenpick pour bien commencer la semaine

 

La rubrique « A votre santé », animée par Raymond Taube, rédacteur en chef d’Opinion Internationale et directeur de l’IDP – Institut de Droit Pratique, vous propose chaque semaine (hors vacances scolaires) des conseils bien-être pour une santé équilibrée. Une chronique de Françoise Rosenpick, docteur en pharmacie.

 

Le Dr Robert H. Lustig, professeur de pédiatrie clinique à l’Université de Californie à San Francisco, est spécialisé en neuroendocrinologie et travaille sur la régulation de l’équilibre énergétique par le système nerveux central. Dans son dernier ouvrage « The Hacking of the American Mind », il nous explique comment les sociétés commerciales nous vendent du plaisir en nous faisant croire qu’il s’agit de bonheur, alimentant ainsi l’épidémie internationale d’addictions en tous genres, de dépression et de maladies chroniques. Les messages publicitaires sont ainsi ciblés : tel soda nous « donne des ailes », un club de vacances nous invite à « redécouvrir le bonheur », tel café nous promet le bonheur en famille…

Si on prend le temps d’y réfléchir, le bonheur et le plaisir sont en réalité deux choses très différentes, même si nous ne faisons pas facilement la part des choses. 

Le professeur Lustig a mis en évidence scientifiquement que notre cerveau réagit très différemment dans les deux cas, notamment en sécrétant des neuromédiateurs différents : le plaisir induit une sécrétion de dopamine par le cerveau, le bonheur fait secréter de la sérotonine. Or les effets de ces deux neuromédiateurs sont très différents, surtout sur le long terme.

Voici un tableau qui résume les différences entre les deux concepts :

 Plaisir  Bonheur
·       Courte durée ·       Long terme
·       Viscéral ·       Spirituel
·       Prendre ·       Donner
·       Matériel ·       Immatériel
·       Solitaire ·       Vécu en groupe (social)
   
·       Éprouvé sans effort psychique ·       Nécessite notre pleine attention
·       Libère de la dopamine dans la synapse

 Excitation des récepteurs Mécanisme de régulation > augmentation de la dose nécessaire pour obtenir le même effet

·       A l’extrême, provoque de l’addiction

·       Libère de la sérotonine dans la synapse

Inhibition (apaisement) des récepteurs    Contentement, sérénité

 

·       Pas d’addiction

 

La confusion entre les deux états a été induite et entretenue par les acteurs économiques qui s’appliquent à nous faire croire que le bonheur peut s’acheter. 

Or, le plaisir ne procure qu’un « shoot » qui ne dure pas et qui nous rend accro : il va falloir en reprendre plus pour obtenir le même effet. C’est le moteur d’une consommation excessive, ce qui détériore notre santé et celle de la planète en contribuant à la pollution, au réchauffement climatique, qui entretien les frustrations et les rivalités entre les individus… Les plaisirs se multiplient : nourritures riches en graisses saturées, boissons saturées de sucres rapides ou alcoolisées, produits high-tech toujours plus performants, vêtements en série limitée, overdose de réseaux sociaux… Mais si on prend le pouls de la société, on y trouve une majorité d’individus peu épanouis qui traversent cette période entre stress et morosité et cela dans toutes les couches sociales, y compris les plus aisées.

S’il est facile de se procurer du plaisir lorsqu’on a de l’argent, le bonheur ne s’achète pas et ses « recettes » sont plutôt simples bien que nécessitant une démarche volontaire de notre part pour s’affranchir le plus possible des incitations au plaisir.

 

Les 4 recettes du bonheur (4 C)

  1. La Connexion interpersonnelle (échanges entre les personnes) stimule les neurones « miroir » et l’empathie. Voir des gens nous fait du bien, leur parler, les écouter, pas regarder leur photo sur un écran.
  2. La Contribution extérieure (bénévolat, philanthropie…) et le partage : vivre un bon moment partagé, en famille, entre amis, ou même avec des inconnus (chanter en chœur, rire ensemble, partager un bon repas…), aider quelqu’un, rendre le monde meilleur autour de soi, faire notre part de colibri, apporter notre goutte d’espoir nous apporte du bonheur.
  3. La Créativité : nous détend et permet de donner du concret à notre action en visualisant le résultat et en nous donnant la possibilité de le partager (cuisine, jardinage, dessin, bricolage…)
  4. Le Coping (faire face) : Utilisé comme technique de thérapie comportementale, le « coping » vise à renforcer la capacité de gestion de l’anxiété et de contrôle des peurs. Pour que notre cerveau puisse être dans des conditions optimales pour fabriquer cette sérotonine, nous pouvons l’aider par trois mécanismes :
  • Le sommeil : notons que le simple fait de charger son smartphone dans la chambre à coucher diminue en moyenne notre temps de sommeil de 28 min !
  • La pleine conscience : si possible ne faire qu’une chose à la fois et s’ancrer dans le présent plutôt que de courir comme une poule sans tête à ressasser le passé ou craindre le futur.
  • L’exercice physique : à pratiquer de préférence dans la nature, qui est un des meilleurs remèdes à la dépression.
  • La nourriture : manger sainement et équilibré en privilégiant les aliments riches en tryptophane (viande, volaille, poisson, œufs, banane, produits laitiers, légumineuses, chocolat, soja, foie, noix de cajou, amandes, levure de bière…), pauvres en sucres rapides et riches en oméga-3 va permettre à notre cerveau de fabriquer cette précieuse sérotonine.
  • La connaissance de soi : bien connaître ses capacités sans jugement de valeur permet d’adapter ses stratégies de protection en situation de stress et d’utiliser pleinement ses atouts pour progresser et être heureux du chemin accompli.

La bonne nouvelle, c’est que les deux neuromédiateurs s’équilibrent et que le bonheur n’empêche pas de profiter des plaisirs. Au contraire, lorsque les deux sont à l’équilibre, on peut profiter des plaisirs sans développer d’addiction. 

Alors, en ce début de printemps, on prend de bonnes résolutions pour être heureux. On commence par éteindre les portables lors des repas en famille. Et tous les soirs, on prend le temps d’échanger avec les siens pour que chacun raconte au moins un élément positif de sa journée. Le bonheur ça s’apprend. Et vous savez quoi, c’est contagieux !

Bonne semaine à tous.

  

Françoise Rosenpick

Docteur en pharmacie

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