Edito
07H05 - mardi 26 février 2019

Quand l’esthétique tuera le monde : l’édito de Michel Taube

 

Deux photos parues ces derniers jours dans les médias en disent long sur notre époque. Ou comment la sincérité et la talent peuvent être occultés par l’esthétisation et la communication…

Voici deux très belles photos de deux grands photographes…

La première est de Soazig de la Moissonniere. Elle est prise lors de la maraude effectuée par Emmanuel Macron auprès de sans domicile fixe la semaine dernière. En toute discrétion sur l’instant mais dans le but (ce qui est normal au fond) de le faire savoir puisque la photo est publiée par la photographe officielle de l’Elysée. 

La méthode employée pour le faire savoir (les premiers commentaires de la photo portent plus sur sa beauté que sur le message politique) et surtout l’esthétique de la photo occultent la sincérité de la démarche. La beauté de l’image, noire, puissante, fait oublier la laideur de la situation de détresse que vit l’inconnu avec lequel le président disserte. On en oublierait presque la violence vécue par les milliers de SDF qui peuplent nos villes et nos terroirs.

L’esthétique prend le pas sur le réel, l’esthétisation diminue la violence du réel autant qu’elle fait douter de la sincérité du chef de l’Etat, alors que celui-ci est sincère. Un chef de l’Etat qui va au devant des « sans-rien », ce n’est pas tous les jours ! Et il faut saluer la démarche.

L’esthétisation de ce fait politique important aurait pu être un grand moment de communication politique.

 

Deuxième photo : l’excellent Vanity Fair publiait à la une de son édition de mars 2019 et à la veille des Césars du cinéma français une photo de Bettina du Toit des douze nouvelles égéries de notre 7ème art. Très belle photo à nouveau, grands talents à l’affiche.

Mais pourquoi blanchir autant les peaux et les visages ? Pourquoi uniformiser ces talents qui, justement, se distinguent les unes des autres par des parcours, des jeux, des choix différents les unes des autres ? Là encore l’esthétisation tue les contrastes, les nuances, les singularités du réel.

Sur la photo, elles se ressemblent toutes !

Résultat, on ne reconnaît presque plus chacune des artistes. 

Conclusion : oui à l’esthétique, ou aux plus belles photos d’art pour dire le monde et l’actualité, mais avec un sens de l’esthétique qui dise le réel, l’illumine mais ne le trahisse point…

 

Michel Taube

 

 

Directeur de la publication