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06H34 - mardi 17 janvier 2017

Imagine 2017 : risques économiques, nécessité des réformes en France, par Jean-Marc Daniel

 
Jean-Marc Daniel, professeur associé à l'ESCP

Jean-Marc Daniel, professeur associé à l’ESCP

Chaque mois de janvier donne l’occasion aux prévisionnistes de dessiner l’année qui commence. Pour les économistes, cela se traduit à la fois par l’annonce des taux de croissance pour les principales économies et par la pondération de ces taux par des probabilités. En effet, les économistes ont l’habitude de raisonner en termes de risque, c’est-à-dire de mesurer des conséquences d’un événement combinée avec le degré de probabilité de cet événement. Néanmoins, quand il leur paraît difficile d’établir cette probabilité, quand les événements à venir leur paraissent difficiles à cerner et à évaluer, ils ont pris l’habitude de parler d’incertitude.

Il se trouve que la Banque mondiale, se livrant comme l’ensemble de la profession à l’exercice des prévisions pour 2017, a écrit que la prise du pouvoir par Donald Trump aux Etats-Unis introduisait énormément d’incertitude…

De fait, Trump et sa technique de gouvernement par twitter interposé constituent un élément d’imprévisibilité considérable. Cette imprévisibilité est due non seulement à sa personnalité lunatique mais aussi à la réalité de sa capacité de répondre aux attentes de ses électeurs. Une chose est sûre, à savoir que l’affirmation économique la plus nette et la plus constante contenue dans son programme est celle de la nécessité de recourir au protectionnisme. Renouant avec les pratiques anciennes du parti républicain, parti qui mena sous Grant et Mac Kinley des politiques protectionnistes agressives et qui assuma une dévaluation brutale du dollar sous Nixon, Trump se dit prêt à organiser un repli national de l’économie américaine et développe une rhétorique qui n’est pas sans rappeler celle qui dans les années 30 avait débouché sur une augmentation assassine pour le commerce mondial, des droits de douane et sur une amplification de la crise économique.

Comme nous ne sommes ni sous Grant ni sous Mac Kinley ni sous Nixon nous pouvons espérer que le tout Washington trouvera un moyen de sauver la face du nouveau président sans prendre au premier degré son discours. Ne serait-ce que parce que l’objet essentiel de sa colère économique est l’importation de produits chinois. Or ces produits sont achetés majoritairement par la classe moyenne en difficulté qui est son électorat et qui n’accepterait probablement pas les conséquences sur son pouvoir d’achat du renchérissement des produits asiatiques. En outre, il est peu probable que pour préserver l’indépendance énergétique du pays Trump favorise la réouverture de mines de charbon dans les Appalaches malgré ses promesses passées.

Néanmoins le pire reste possible.

A ce pire, il faut ajouter que Trump affiche son intention de procéder à une relance budgétaire à contrecourant, « pro-cyclique » comme disent les économistes. A un moment où l’économie américaine connaît le plein emploi, même si celui-ci laisse sur le bord de la route une partie significative de la population, cette relance ne pourra qu’amplifier le déficit extérieur qu’il prétend pourtant réduire par son protectionnisme. Et elle se heurtera à la politique monétaire contra-cyclique de la Réserve fédérale, qui remonte les taux et alourdit de ce fait la charge d’intérêt associée à toute nouvelle dette.

Taux d’intérêt en hausse, déficit budgétaire accru à financer, cela devrait attirer les capitaux flottants du monde entier vers les Etats-Unis et faire monter le dollar.

Pour l’Europe, cette remontée est ambivalente. Elle alourdit la facture pétrolière, à un moment où le contre-choc pétrolier marque le pas. Elle apporte de l’oxygène aux pays qui ont besoin des exportations pour conforter leur croissance comme la France ou l’Italie. Mais elle pénalise l’Allemagne qui verrait dans une remontée de l’euro un moyen de contenir son inflation en abaissant le prix de ses importations.

Face à cette contradiction, 2017 sera une année de vérité. Depuis la crise des dettes publiques de 2009/2010, l’écart de destin économique entre les pays du sud de la zone euro et ceux du nord s’est accru. Surtout entre la France, qui renâcle face aux réformes et qui n’a pas encore retrouvé ce que les économistes appellent son PIB potentiel, c’est-à-dire son PIB de plein emploi, et l’Allemagne, qui a dépassé son PIB potentiel, connaît le plein emploi et subit des tensions inflationnistes.

2017 amènera en France, quel que soit le futur président, la fin de ce que l’on appelle « l’effet du Barry ». Concrètement, la France ne peut plus différer les réformes que réclame sa situation. Elle ne peut plus entretenir cet étrange mécanisme de procrastination qui caractérise sa politique économique depuis si longtemps, où les dirigeants déclarent préserver une prétendue exception économique hexagonale, avec le soutien d’une idéologie dominante se réfugiant dans la dénonciation mécanique du « néo-libéralisme » et des idées anglo-saxonnes.

Cette exception que tout le monde nous envierait mais qui irrite de plus en plus nos partenaires est désormais clairement dans l’impasse : le contre-choc pétrolier n’a pas permis de rééquilibrer les comptes courants du pays ; le taux de chômage a du mal à descendre en dessous de 9% ; et malgré le matraquage fiscal du début de quinquennat, François Hollande laisse des finances publiques dont le déficit reste supérieur aux 3% du PIB prévus par le pacte de stabilité et de croissance.

2017 sera donc une année thatchérienne – ce que nous promet François Fillon – ou une année blairiste- ce que met au point Emmanuel Macron.

Il faudra agir vite car le retournement conjoncturel s’annonce déjà dans les économies au plein emploi comme les Etats-Unis ou l’Allemagne. Et si les foucades de Trump risquent de perturber le calendrier, les dures nécessités des enchaînements cycliques ne nous épargneront pas pour autant. En 2018 le chômage conjoncturel risque de se remettre à augmenter. Il faut donc mettre à profit 2017 pour réduire le chômage structurel.

Bref : loi Macron, pacte de responsabilité, loi El Khomri, 2017 vous souhaite la bienvenue…

Jean-Marc Daniel est professeur d’économie à l’ESCP Europe et directeur de la revue Sociétal.

Opinion Internationale et ses chroniqueurs vous proposent en ce mois des vœux d’imaginer les enjeux qui feront bouger l’année 2017.

Déjà paru dans la série IMAGINE 2017 :

 

Arrêtons de dénigrer notre chère Tunisie !

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