Opinion Sport
12H29 - lundi 9 mai 2016

Bernard Caïazzo : « L’AS Saint-Étienne fait partie du patrimoine français »

 

L’une des deux têtes pensantes des Verts avec Roland Romeyer nous parle de sa passion pour ce club à part dans le paysage du foot français. À trois jours de la commémoration des quarante ans de la finale de la Coupe des clubs champions (devenue Ligue des champions) entre le club stéphanois et le Bayern de Munich.

Crédit photo : ASSE – Philippe MASSEGUIN

Crédit photo : ASSE – Philippe MASSEGUIN

Où étiez-vous le 12 mai 1976 ?

Avec 300 étudiants, dans l’amphithéâtre de l’Essec que j’avais intégrée deux ans plus tôt. Comme 70 % des étudiants parisiens, je venais de province. Malgré la grippe et 39 ° de fièvre, j’ai hurlé et chanté comme mes copains pendant deux heures en regardant cette finale sur grand écran. C’est le premier grand souvenir de football de ma vie de passionné.

Pourquoi être devenu président de Saint-Étienne plutôt que de Marseille, que vous avez failli reprendre ?

Il faudrait être fou pour reprendre l’Olympique de Marseille ! L’Association sportive de Saint-Étienne est un club qui correspond à mes valeurs de partage, d’humilité et de travail, et il fait partie du patrimoine du sport français, c’est un club mythique et historique.

Le club en 2003 était au bord du dépôt de bilan, et menacé de rétrogradation, je n’ai pas beaucoup réfléchi et j’ai foncé assez inconsciemment d’ailleurs (il est rentré au capital du club). L’année de mon arrivée, le club est monté en Ligue 1. Ma chance a été de rencontrer Roland Romeyer, un pur Stéphanois passionné comme moi, franc et honnête, comme souvent avec les gens du Forez. J’ai tenu à ce que Roland devienne mon associé, il l’est resté jusqu’à ce jour. C’est d’ailleurs lui qui dirige le club au quotidien de 8 heures du matin à minuit : il a beaucoup de mérite.

Quel est pour vous l’esprit de l’Asse ? Et quelle est votre définition de l’esprit du sport (aujourd’hui) en général ?

L’Asse a toujours privilégié les valeurs humaines aux financières, dans la vie on peut être riche d’argent mais aussi d’affection et d’amitiés ; le sport doit véhiculer le partage et le sens de l’autre. Le jour où, dans le monde, il n y aura plus d’ego mais seulement du partage, ce sera le paradis. La finale de 1976 a été une aventure humaine partagée par des millions de personnes, c’est pour cela que, malgré la défaite, ce fut un succès pour les Verts. Leurs valeurs ont transcendé le football français et permis de lancer les succès de 1982, 1984, et 1986 avec l’équipe de France.

L’esprit du sport, c’est faire passer l’aventure humaine avant le succès individuel.

Vous connaissez bien Michel Platini, pourtant on a l’impression qu’il a moins laissé de traces auprès des supporters Verts qu’Oswaldo Piazza ou Patrick Guillou : êtes-vous d’accord ? Et si oui, pensez-vous que pour les fans de l’Asse, les notions de cœur, d’abnégation et d’engagement, priment sur tout aujourd’hui encore ?

Tout dépend des générations : chacune a son héros. Oswaldo a été un exemple pour ses qualités de générosité et de combativité et l’un des symboles des premiers grands succès des Verts, Michel a été l’un des deux meilleurs joueurs de l’histoire de notre football et le meilleur joueur de l’histoire de Saint-Étienne.

Maintenant c’est vrai que les supporters considèrent avec raison que la qualité numéro un d’un joueur des Verts est la rage de vaincre qui se traduit sur le terrain par un engagement irréprochable.

Dominique Rocheteau est la passerelle entre les générations 1976 et 2016 : que représente-t-il à vos yeux et que transmet-il aux joueurs, notamment aux jeunes (lui qui a connu la gloire à vingt ans) ?

Dominique est un homme d’exception car il est toujours dans la relativisation des résultats et il a raison. C’est un gagneur qui tire toujours des leçons des défaites pour aller chercher ensuite les victoires. Il apaise les tensions et permet de progresser. Et vis-à-vis des jeunes, c’est le parfait symbole des vraies valeurs des Verts.

Vous avez déclaré un jour « ne pas vous sentir lié à l’argent », mais comment avez-vous réussi à faire passer ce message (à contre-courant) à vos joueurs dans le contexte du foot au xxie siècle ?

Trop de gens se comportent comme s’ils voulaient un jour être les plus riches du cimetière : est-ce le but de la vie ? Il ne faut pas être prisonnier de l’argent car on perd alors sa vie à la gagner. Après il est normal qu’un joueur veuille gagner de l’argent car la carrière est courte. À trente-six ans, la plupart des joueurs veulent avoir les moyens de ne pas se trouver un jour en difficulté financière. À l’Asse, les joueurs ne viennent pas pour l’argent mais pour le projet sportif et les supporters. Jouer à Geoffroy-Guichard est un privilège. Mon plus grand bonheur est de voir un Stéphanois réussir une grande carrière comme Gomis, Aubameyang, Payet, Matuidi, Ghoulam, Guillavogui… Et la plupart de ces garçons nous disent vouloir revenir un jour jouer à l’Asse pour terminer leur carrière.

D’autres valeurs vous sont chères, comme la lutte contre le racisme. Comment lutter efficacement contre ce fléau dans le foot ?

Pour lutter contre le racisme, il faut faire vivre ensemble des gens d’origines différentes et ce dès le plus jeune âge. Ma fille ignore le racisme car à partir de quatorze ans elle a, aux États-Unis, vécu dans une école de tennis avec des jeunes issus de 35 nationalités et de toutes les couleurs. Faire voyager les jeunes est aussi une solution pour qu’ils comprennent que l’autre, c’est soi…

Vous avez créé des centres d’appel, présidez un club, prônez les relations avec les supporters : le maître mot chez vous n’est-il pas le dialogue ?

Dialogue vient de Dialogos en grec, qui signifie « vérité à deux ». Seul, vous pouvez vous tromper, à  deux grâce au dialogue, il y a moins de risques. Je ne suis jamais sûr d’avoir raison, parfois je le crois et en discutant avec Roland Romeyer ou Christophe Galtier (l’entraîneur), je réalise que je me trompe. Je me méfie des gens qui expriment des certitudes et j’apprécie les personnes de convictions. Dans toute organisation humaine, il faut donner le droit à l’erreur sinon les hommes ne tentent rien : on est sûrs de rater les buts qu’on n’ose pas tirer, il faut donc essayer quitte à ne pas marquer.

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