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14H06 - jeudi 10 décembre 2015

Kasher ou pas kasher, là n’est même pas la question

 

Parler d’alimentation en Israël n’est ni hasard ni caprice : le sujet est sérieux. En la matière, on touche souvent à l’’argent, au pouvoir et à la religion.

 

Capture d’écran. Images qui apparaissent lorsque l’on tape en hébreu sur Google : « certificat de kashrout ». Leur multitude, leur variété suffisent-elles à garantir de leur intégrité ?

Capture d’écran. Images qui apparaissent lorsque l’on tape en hébreu sur Google : « certificat de kashrout ». Leur multitude, leur variété suffisent-elles à garantir de leur intégrité ?

 

D’abord une explication, « kasher » signifie en hébreu « valide » ou « apte » et en particulier « conforme à la loi juive ». En matière d’alimentation donc : propre à la consommation.

Cette conformité, ou « kashrout », au temps de la production de masse et de la grande distribution, est devenue l’affaire d’organismes spécialisés. Il en existe une multitude, de par le monde, dont les exigences sont aussi variées que les degrés d’orthodoxie et les interprétations des textes. Cependant, une sorte de « standard minimum » est fixé dans chaque pays par le rabbinat.

En Israël, des « comités de kashrout », au sein des consistoires locaux, et sous l’autorité du consistoire central, s’assurent du respect de ces règles dans les usines alimentaires, commerces et restaurants, afin de leur délivrer, ou pas, un « certificat de kashrout » qui sera affiché à l’intention des clients.

Petite précision d’importance, le non-respect des règles alimentaires n’est pas illégal en Israël. Si les entrepreneurs, même non observants, tiennent tant à ce certificat, c’est qu’il élargit leur marché considérablement en l’ouvrant à la clientèle religieuse ou pratiquante. Ainsi beaucoup s’imposent les démarches et efforts – un vrai « parcours du combattant » – nécessaires à l’obtention de ce sésame.

Dans un monde parfait, les responsables des comités de kashrout se féliciteraient de ces efforts et les encourageraient. Ils soutiendraient de leur présence et de leurs conseils éclairés tous ceux qui le souhaitent, profitant de cette occasion pour opérer un rapprochement avec les plus réticents en matière d’observance. Dans ce monde parfait, on imagine aussi que les rabbins, répondant à une morale d’un ordre « supérieur », verraient dans leur travail de supervision un service à la communauté. Mais le monde n’est pas parfait, et nombre de superviseurs, grâce au pouvoir que leur confère leur position, se sont rendus coupables de diverses malversations, allant de l’intimidation à l’extorsion.

Pour mieux comprendre comment, il faut savoir que la validité du certificat de kashrout est de six mois seulement et que la seule personne habilitée à l’annuler ou le renouveler est le superviseur, délégué par le consistoire. Dans la théorie, ce superviseur – dont le salaire est payé par ceux qu’il « supervise » – est tenu à trois permanences de deux heures par semaine dans chaque entreprise où il doit faire œuvre de conseil comme de surveillance. Dans la pratique, certains, apparemment beaucoup, mais de toute façon trop, n’y font qu’un seul et bref passage au moment de récolter leur salaire. Par ailleurs, selon les témoignages, il en est qui usent de méthodes indignes – parfois même musclées – pour racketter ceux qu’ils devraient servir, exigeant d’eux des dessous de table et autres « petits » bénéfices.

Que ne ferait-on pas pour se garantir un marché ? Aussi, les entrepreneurs longtemps ont cédé aux divers chantages, et ces pratiques malhonnêtes sont demeurées lucratives pour des voyous qui s’engraissaient tranquillement, se croyant à l’abri des retours de bâton. Mais c’était sans compter avec l’ironie de l’histoire.

D’autres voies sur le chemin de la kashrout

En effet, ces dernières années, deux « rébellions » se sont rejointes pour casser le monopole des consistoires en la matière et créer des alternatives.

La première, on pouvait s’y attendre, est née dans les rangs des restaurateurs. Ne voulant plus se soumettre, ils ont tenté de « résister ». Certains sont allés jusqu’à s’octroyer eux-mêmes le label « kasher sans certificat », en faisant la promotion sur leurs sites Internet ou pages FaceBook. Bientôt, évidemment, des procédures pour fraude et abus de confiance étaient lancées contre eux, mettant provisoirement leur mouvement en échec.

La surprise est venue de la deuxième rébellion, issue de la communauté orthodoxe. Son propos n’est pas de dissidence et s’inscrit dans un programme qui dépasse largement le cadre des règles alimentaires. Dans ce domaine, il ne s’agissait pas non plus pour eux de contester les règles mais les institutions, leurs modes de supervision, de délivrance des certificats, et leur art consommé d’aggraver ainsi les antagonismes entre religieux et laïques. Inventifs et malins, certains, constitués en association, ont inauguré le « pacte de loyauté », pour contourner l’incontournable certificat de kashrout. Et c’est ce pacte qu’affichent aujourd’hui avec fierté les restaurateurs conquis par leur initiative.

 

 

Cet article inaugure une série de sujets sur la société israélienne qui annoncent la création d’une rubrique « Israël » début 2016.

Mercredi 16 décembre : « Kashrout sans certificat officiel : le combat pour la tolérance alimentaire. Le nouvel enjeu des restaurants kasher qui refusent le diktat des consistoires. »

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