La Citoyenne
10H05 - mardi 12 novembre 2013

Le combat pour les droits des femmes passe aussi par les régions

 

Nathalie Lanzi, Vice-Présidente en charge des Droits des femmes, de la Commission Vivre ensemble, de la Région Poitou-Charentes, a accordé une interview à Opinion Internationale pour discuter des initiatives de la région en faveur de l’égalité hommes-femmes. Dans le nouveau contexte politique, en particulier avec la création d’un Ministère des droits des femmes, les actions du Conseil régional ont davantage d’impact et envoient un message fort contre le sexisme, contre les violences de genre, et pour l’égalité hommes-femmes, notamment dans l’accès à l’entreprenariat.

 

Photo: Site internet de la région Poitou-Charentes.

Quelles sont les initiatives phares de la région Poitou-Charentes pour améliorer la situation des femmes et promouvoir l’égalité hommes-femmes ?

Avant que je ne sois élue, la Présidente de la Région, Ségolène Royal, avait déjà créé les bourses régionales « Désir d’entreprendre » pour tous les créateurs d’entreprise, avec une bonification de 20% pour les femmes. Il y avait également des aides liées aux associations de femmes, aux associations culturelles, etc. A partir du moment où la délégation du Droit des femmes a été créée, en 2010, et qu’elle m’a été confiée, nous avons avancé de façon transversale, en impulsant une dynamique dans les neuf délégations (le transport, l’eau, l’économie, le vivre-ensemble, etc.).

D’un point de vue économique d’abord, à travers les bourses régionales « Désir d’entreprendre », nous nous sommes rendus compte que la bonification n’engageait pas forcément davantage les femmes parce qu’il y avait toujours un frein à entrepreneuriat. Cette année, et avec le ministère des Droits des femmes, il a été possible de signer une convention pour entrepreneuriat féminin. Il s’agit de donner une aide financière encore plus forte aux femmes, grâce à l’aide de la Caisse des Dépôts et Consignations, accompagné d’un soutien juridique et personnel. Nous allons chercher dans les mois à venir à mieux comprendre encore les freins qui empêchent encore les femmes d’être Chef d’entreprise

Concernant l’autre aspect maintenant, ce que j’appelle le vivre-ensemble, nous avons mis l’accent sur la lutte contre les violences conjugales – une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint. L’objectif est vraiment de soutenir les associations qui ont été délaissées pendant dix ans, lorsqu’il n’y avait pas de ministère des Droits des femmes, et donc que la question était quelque peu négligée. Désormais nous sommes présents en amont, pour les soutenir dans les appels à projet, ou pour sensibiliser dans les milieux ruraux (qui semblent davantage touchés par cette violence). Nous avons lancé une campagne avec un petit dépliant sur le sujet, que nous distribuons dans toute la Région.

La deuxième phase va consister à le distribuer chez les médecins et dans les lycées. En l’occurrence, dans les lycées, les animateurs culturels (poste créé par la Présidente de la Région, ce sont des femmes et hommes qui travaillent au service des jeunes) vont s’emparer du sujet de l’égalité hommes-femmes pour travailler sur les violences conjugales, car nous nous sommes rendus compte que les lycéens se rendent souvent chez l’infirmière scolaire pour parler de ce qu’ils vivent à la maison.

Dans un deuxième temps, puisque les femmes, pour suivre une formation, nous disent souvent qu’elles n’ont pas le permis de conduire, nous leur offrons une aide à la formation, une aide au permis et aux transports, et une aide à la garde d’enfants.

Enfin, en ce qui concerne la culture et le sport, nous avons décidé lors de la dernière commission de conditionner nos aides aux associations culturelles en fonction du concept d’égalité hommes-femmes. Par exemple, les directeurs de troupes de théâtre sont majoritairement des hommes, tandis que les femmes sont actrices et ne se voient pas donner d’autre opportunité. Nous allons donc être extrêmement vigilants sur cet aspect de l’égalité hommes-femmes. Quant au sport, nous allons travailler avec les Commissions sport sur Sport, Femmes, Sport et Santé, et Femmes Seniors, afin de permettre aux femmes, quelque soit leur milieu et leur origine, d’accéder à tout type de sport – ce qui contribue notamment à vivre plus longtemps et éviter les maladies cardio-vasculaires, etc…

 

Comment ouvrez-vous en faveur de cette égalité ? Vous pratiquez une politique de quotas ou plutôt une politique d’encouragement ?

Ségolène Royal n’est pas tellement en faveur des quotas, même s’ils sont nécessaires pour que nous ayons notre place en politique. L’idée pour nous est vraiment l’encouragement, mais aussi l’obligation, par la Commission culture, d’être extrêmement vigilants et vigilantes sur le soutien que nous pouvons apporter aux compagnies. Par exemple, nous nous sommes rendus compte que parmi les affiches des associations auxquelles nous versions des subventions, beaucoup étaient sexistes, ou tout du moins ne respectaient pas la parité. Je vous donne trois exemples : le premier concerne les affiches pour les portes ouvertes des lycées il y a deux ans, sur lesquelles on pouvait voir quatre garçons, du bébé au jeune étudiant, mais aucune fille.

De même, dans les manuels de l’Onisep (pour l’orientation) que nous offrons aux lycéens, il n’y a pas d’équilibre hommes-femmes. Puisque nous n’avons pas de quota, nous n’obligeons à rien, mais désormais, si la parité n’est pas respectée, nous ne versons aucune subvention.

Les deux autres exemples sont des affiches d’associations absolument immondes, qui ont fait réagir la Présidente de la Région. L’année dernière, sur l’affiche pour un concours de vaches de race, un corps de femme avec une tête de vache était représenté, dans le genre de la  Vache qui rit. Dans ce cas précis,  nous n’avons pas donné de subvention, nous avons tenu bon.

Une autre affiche plus récente pour un tournoi de tennis  représentait une balle dessinée sous les traits d’une bouche pulpeuse et également une jeune femme sur talons aiguilles avec une balle entre les jambes qu’un jeune homme allait ramasser. Ségolène Royal a été intransigeante, et n’a pas non plus octroyé de subvention. Nous sommes d’ailleurs soutenus par l’Etat sur le sujet.

Mais il faut surtout que les gens comprennent le sens de notre action, nous discutons avec ces personnes-là. Or, le premier m’a dit qu’en mettant un corps de femme il vendait davantage de viande à la boucherie et le second m’a répondu que personne ne viendrait au tournoi de tennis si les affiches étaient différentes. De telles affiches ouvrent la porte ouverte à tous les abus. Donc nous sommes extrêmement vigilants à tous les visuels. Dans le dernier journal de la Région par exemple, nous veillons à l’équilibre des photos, avec autant de femmes que d’hommes, autant de jeunes filles que de jeunes hommes, et idem dans les témoignages.

De même, dans les lycées, nous sommes extrêmement vigilants sur toutes les formations, sur l’équilibre des formations entre garçons et filles. C’est sûr qu’il y a davantage de filles dans les formations d’infirmière, mais ce qu’il faut avant tout c’est casser les stéréotypes de Genre.

En 2010, j’avais d’ailleurs lancé l’opération « En avant les filles ! » dans ce but : on faisait intervenir dans les collèges et les lycées des personnes qui travaillaient dans des secteurs apparemment plutôt masculins ou féminins, et figuraient en tant que tels comme des exceptions.

 

Vous avez évoqué les bourses régionales « Désir d’entreprendre ». Quels en sont les premiers résultats ?

Il semblerait que les femmes n’ont plus d’obstacle à la banque. Cela paraît bête, mais il y a de cela cinq-six ans, si une femme voulait créer une entreprise, on demandait  à ce que son mari, son frère ou son oncle se portent caution ! Je me souviens par exemple d’une ostréicultrice, qui n’avait pas pu créer son entreprise parce qu’elle n’avait pas de mari à l’époque, alors qu’elle avait des moyens financiers. Aujourd’hui, les banques semblent avoir assoupli leurs critères, sûrement parce qu’il y a désormais une forte volonté politique.

De plus, les banques peuvent aujourd’hui proposer le microcrédit* pour aider les femmes, qui représentent 85% des demandeurs. Cela peut être pour un coup de pouce, pour une voiture ou une installation lors de la création d’une entreprise. Surtout, cela remplace le crédit à la consommation, plus difficile à rembourser. Et puis ce sont 85% de familles monoparentales ; nous savons aujourd’hui que créer son entreprise est beaucoup plus difficile pour les femmes seules, qui n’ont pas de conjoint sur lequel s’appuyer, c’est-à-dire pas d’équilibre hommes-femmes, de parité. Ceci est notre prochain défi.

Enfin, il semblerait que le propre de entrepreneuriat féminin, ce sont des femmes qui s’installent dans des secteurs où les hommes ne vont pas parce qu’au départ ce n’est pas très rémunérateur – bien que très novateur ! Cela peut être pour un projet de couches lavables pour personnes âgées incontinentes, ou bien investir dans la production de fromage de chèvre, ou encore dans des métiers dits plutôt masculins – l’une des femmes qui a obtenu le Prix de entrepreneuriat était paysagiste et racontait qu’on la prenait tout le temps pour l’employée, non la patronne. L’autre jour, j’ai rencontré une boulangère qui fait du pain bio. On sent que finalement, il y a une réelle dynamique sur le territoire. Dans les autres régions, il y a une volonté politique avec des plans et des textes, mais peu de concret. En Poitou-Charentes, ce qui est intéressant, c’est que nous passons de la volonté à l’action.

 

 

Microcrédit en Poitou-Charentes : Mis en place à travers trois banques, la Caisse d’épargne, le Crédit Mutuel et la Banque postale, le microcrédit est la grande fierté de la région. Il peut même être contracté par exemple par les parents qui veulent installer leurs enfants étudiants et n’ont pas les moyens de payer deux mois de caution mais aussi pour un coup dur, pour un permis de conduire, une formation, un four micro-ondes, etc.

 

Propos recueillis par

Journaliste à Opinion Internationale et coordinatrice de la rubrique La Citoyenne.

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