La Citoyenne
11H34 - vendredi 9 août 2013

La pilule contraceptive, le scandale qui n’en était pas un

 

En 2013, les questions de société ont fortement secoué la France, en débutant par un nouveau scandale médical : la pilule contraceptive tuerait ! Cette révélation n’en était en fait pas une, car les risques thromboemboliques sont connus des professionnels de santé depuis des années. Pour éviter d’être dépassé par la situation et d’être mis en défaut, le gouvernement a pris les devants et a annoncé le déremboursement des pilules de troisième génération dès fin mars, un acte particulièrement décrié par la communauté des médecins. Au-delà de l’incident médical, ce scandale aura du moins permis l’ouverture du dialogue sur les questions de contraception en France.

La pilule Diane 35, à la base de toutes les peurs d'accidents thromboemboliques.

La pilule Diane 35, à la base de toutes les peurs d’accidents thromboemboliques.

 

En décembre 2012, une jeune femme accuse la prise d’une pilule de troisième génération d’être responsable de son accident vasculaire cérébral, déclenchant la polémique sur les pilules contraceptives. Très rapidement, avec l’accumulation des témoignages allant dans le sens d’une réelle dangerosité des pilules, la vente des pilules de troisième et quatrième générations a chuté. Selon l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), la baisse était de 29% entre décembre 2012 et avril 2013, par rapport aux ventes de la même époque l’année précédente.

 

Des risques reconnus par les agences médicales

 

« Depuis l’introduction des COC [contraceptifs oraux combinés, soit les pilules] sur le marché en 1961, le risque de thrombose veineuse [formation de caillots de sang] est connu », affirme l’ANSM. L’autorité sanitaire française a néanmoins tenu en février à demander à l’Agence européenne du médicament (EMA) une réévaluation des risques de Diane 35. Cette pilule, utilisée en premier lieu dans le traitement de l’acné, et à l’effet contraceptif contesté, était utilisée par près de 2 millions de femmes en France. En mai dernier – quelques semaines avant la publication du rapport – l’ANSM a décidé d’interdire la prescription de cette pilule et de ses génériques.

 

En l’occurrence, le communiqué de l’EMA indique que « le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne du médicament a conclu que le rapport bénéfice/risque de Diane 35 et de ses génériques est positif, à condition que certaines mesures soient prises pour minimiser les risques thrombo-emboliques ».

 

Depuis sa mise sur le marché en 1987, Diane 35 et ses génériques ont été responsables de 113 cas d’événements thromboemboliques veineux – dont une majorité d’embolies pulmonaires. Parmi ces cas, l’ANSM note la présence de facteurs de risque, clinique ou biologique, chez 52% des femmes, et 4 décès.

 

Un réveil tardif

 

De l’autre côté de la Manche, les médecins savent depuis plus de dix ans que ces pilules de troisième et quatrième générations doivent être prescrites avec prudence, uniquement dans le traitement de l’acné – et de l’hirsutisme -, et si aucun autre traitement n’a été efficace. La polémique que la France a vécue en début d’année a eu lieu en Angleterre autour de 1995. Lorsque des cas d’accidents thromboemboliques se sont déclarés, les peurs étaient si fortes que les pilules ont connu une baisse importante de leurs ventes, ce qui a eu pour résultat un nombre plus important d’avortements.

 

La note d’information de l’ANSM du 12 juillet 2013 conclut qu’un examen médical et biologique doit être exécuté lors de la première prescription d’une pilule contraceptive, afin de « repérer les facteurs de risque et d’adapter au mieux la contraception à chaque femme y compris dans le cas de contre-indication en lui proposant un moyen de contraception non hormonal (stérilet, préservatif…) ».

La Ministre des droits des femmes, lors de son discours au Grand Forum Marie Claire sur la contraception aujourd'hui en France.

La Ministre des droits des femmes, lors de son discours au Grand Forum Marie Claire sur la contraception aujourd’hui en France.

 

Il est temps de repenser la contraception

 

Ce dernier point a été particulièrement repris par le gouvernement français, qui a insisté sur le besoin de faire évoluer le modèle contraceptif. La ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a souligné début juin que les pilules de troisième et quatrième génération devaient être l’exception et non la règle.

 

« Le gouvernement prendra les décisions permettant de garantir le droit des femmes à disposer de leur corps », a-t-elle annoncé. Avant d’ajouter : « C’est-à-dire le droit à une contraception optimale pour une personne donnée à un moment donné. La contraception optimale est celle qui prend en compte ses besoins et ses désirs. »

 

Dans le but d’améliorer l’accès à la contraception, la pilule du lendemain est gratuite pour les mineures depuis le 31 mars. L’accent sera également mis sur la formation des professionnels de santé, dont la désinformation aurait contribué à créer le mouvement de panique du début d’année.

 

Ceci dit, cette volonté de ne plus avoir la pilule comme contraception première risque de ne pas se réaliser. En effet, la Commission européenne a imposé à la France, le 30 juillet, de remettre en vente la Diane 35, en vertu du risque relativement faible dont l’EMA a fait état. En plus de se battre contre l’industrie pharmaceutique, la France va donc devoir tenir tête à l’Europe pour diversifier les méthodes de contraception.

Journaliste à Opinion Internationale et coordinatrice de la rubrique La Citoyenne.

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