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13H56 - jeudi 27 juin 2013

Réforme de la nationalité en Italie : « Jus soli » ou « Jus sanguinis » ?

 

L’Italie réfléchit à modifier les conditions d’octroi de la nationalité. Aujourd’hui, seuls des enfants nés de parents italiens peuvent obtenir la nationalité italienne. Alors que le droit du sol prime dans la plupart des pays européens, il n’est pas certain pour autant, dans un climat de crise économique et sociale, que cette réforme voie le jour, comme l’envisage le gouvernement car c’est un sujet clivant, notamment chez les partisans de Berlusconi ou de la Ligue du Nord, alors que Beppe Grillo, lui se prononce en faveur d’un référendum.

"Italia, sono anchi'o" (L'Italie, c'est moi aussi).Campagne lancée en 2011 par 19 organisations en faveur du droit su sol.

« Italia, sono anchi’o » (L’Italie, c’est moi aussi), campagne lancée en 2011 par 19 organisations en faveur du droit su sol.

 

Mohammed est un réfugié du Burkina Faso. En 2010, il a quitté Ouagadougou pour rejoindre l’Italie, où on lui a accordé l’asile. Dans son pays d’origine, Il était enseignant en littérature française et dirigeait un syndicat de professeurs qui « osait » demander un régime pécuniaire différent. Il a été arrêté lors d’une manifestation, mais a réussi à s’évader et à fuir son pays. Aujourd’hui, il vit à Naples. Il a eu un fils, Mamadou, avec une Sri-lankaise, elle aussi réfugiée.

Son histoire ressemble à celle de nombreux autres immigrés Nigérians, Ghanéens, Ivoiriens, Tunisiens et Congolais qui ont quitté leur pays d’origine et ont débarqué en Italie où, malgré d’innombrables difficultés, ils parviennent à fonder une famille. C’est à ces « nouveaux Italiens » que le parlement consacre le débat actuel sur la citoyenneté. La discussion porte sur le choix du droit du sol (« jus soli »), c’est-à-dire l’octroi de la citoyenneté aux personnes qui naissent en Italie, et le droit du sang (« jus sanguinis »), c’est-à-dire seulement si l’enfant est fils d’Italiens, comme c’est actuellement le cas.

 

« Jus soli » ou « Jus sanguinis » ?

 

C’est la ministre de l’Intégration, Mme Cecile Kyenge (du parti Parti Démocrate), qui entreprend cette réforme, mais la proposition est loin de faire l’unanimité. La Ligue du Nord qui, ces dernières années a mené une bataille démagogique anti-immigration mais aussi de nombreux représentants du centre-droit, pour lesquels « l’Italie n’adoptera jamais le droit du sol ». Beppe Grillo, en bon populiste a écrit sur son blog, qu’il souhaiterait un référendum pour savoir si les Italiens approuveraient ce changement.

Ces dernières années, la politique et une bonne partie de la presse ont dû affronter de manière détournée le sujet de l’immigration. Face aux débarquements des Tunisiens ou des Libyens, rescapés de leur Printemps respectifs, on parlait d’« émergence » ou d’« invasion » : Il s’agissait là de distraire l’attention publique des incapacités politiques en la portant sur la dernière roue du carrosse. En Italie, on entend souvent dire : « Il n’y a pas de travail pour les Italiens à cause des immigrés ». Une autre rengaine très courante lui fait écho : « Nous n’avons pas assez à manger, car nous devons nourrir les immigrés ».

 

Le droit du sol, la norme dans de nombreux pays européens

 

 

Et pourtant, l’Italie n’est pas le premier pays qui doit faire face à la question du droit du sol, car de nombreux pays européens sont parvenus à trouver un point d’équilibre voilà une dizaine d’années. En 1999, l’Allemagne a adopté une loi qui introduisait le droit du sol en octroyant la citoyenneté par naissance à tout enfant né sur son territoire d’un parent résidant légalement dans le pays depuis au moins 8 ans.

Au cours des années suivantes, le Luxembourg, la Suède, la Belgique, le Portugal et la Finlande ont à leur tour adopté des formes différentes de droit du sol. L’Irlande a choisi le parcours inverse : en partant d’un droit du sol absolu en 2004, elle l’a modéré avec des éléments du droit du sang.

La France reconnaît quant à elle, la citoyenneté aux étrangers nés sur son territoire, si au moins un des deux parents sont eux aussi nés en France. Toutefois, les enfants nés de parents étrangers, ayant vécu durablement en France  ce principe a récemment été abordé par Jean-François Copé, président de l’UMP, qui a proposé de modifier la loi afin de refuser la citoyenneté aux enfants nés en France de parents en situation irrégulière, rejoignant ainsi le discours et les propositions formulées par le Front National depuis de nombreuses années.

 

 

Un doit du sol « modéré » pour l’Italie ?

 

Pour revenir à l’Italie, on ne connait pas encore les amendements que portera le parlement. En toute vraissemblance, on devrait se diriger vers un droit du sol « modéré », afin de conjurer le « risque » soulevé par le président du Sénat,  Pietro Grasso, à savoir que de nombreuses femmes pourraient se rendre en Italie uniquement dans le but d’y accoucher…

La seule chose dont nous sommes certains, c’est que dans un moment historique caractérisé par d’importants flux d’immigration économique ou humanitaire, Rome ne peut plus reculer et doit se confronter avec la réalité et par conséquent légiférer. Le problème, comme dans de nombreux pays européens, c’est qu’en profitant d’une crise économique qui a mis au chômage des millions de personnes, les immigrés deviennent les boucs émissaires du mécontentement général.

Serena Grassia, journaliste italienne