La Citoyenne
11H53 - jeudi 20 juin 2013

Almas Jiwani : « Nous sommes sur le chemin de l’égalité entre les genres » (version française)

 

Le 2 mai dernier, Almas Jiwani a reçu un MDG Meritorious Award lors du Forum pour l’Avancement des Femmes 2013 à Johannesburg, pour son travail continu en faveur des droits des femmes et contre les inégalités. Aujourd’hui PDG d’ONU-Femmes Canada, elle a été précédemment vice-présidente de l’Aga Khan Council du Canada, où elle a travaillé exclusivement avec des femmes réfugiées. Grâce à son expertise en développement d’entreprise, elle a travaillé sur des projets d’éducation des femmes dans les pays en développement, et a contribué à créer des entreprises sociales.

Au moment de recevoir sa récompense – une parmi tant d’autres – elle revient pour Opinion Internationale sur le travail d’ONU Femmes Canada, sur la situation des femmes à travers le monde, et évoque ses espoirs de voir un futur où règnerait l’égalité entre femmes et hommes.

Almas Jiwani

Almas Jiwani 

Pourquoi avez-vous décidé de dédier votre vie à la lutte pour les droits des femmes ?

Lorsque j’ai émigré au Canada au début de mon adolescence, venant d’Afrique, j’ai remarqué que de nombreuses communautés avaient des attitudes apathiques vis-à-vis des femmes et ne leur offraient pas un environnement propice à leur croissance sociale et intellectuelle. C’est à ce moment-là que j’ai connu le travail d’Aga Khan IV, qui cherche à changer cette attitude générale de dis-autonomisation que diverses communautés ont envers les femmes et filles. J’ai alors réalisé l’importance de faire une différence dans la vie des défavorisé(e)s, en réduisant la pauvreté et élevant les femmes dans la société. Cette prise de conscience m’a inspiré à devenir volontaire dans des initiatives de promotion des femmes et à prêcher leur autonomisation.

 

La violence basée sur le genre est toujours présente au Canada. Que fait ONU Femmes Canada contre cela ?

Les comités nationaux soutiennent la mission d’ONU Femmes par des programmes d’adhésion, d’éducation publique sur ONU Femmes et les grandes questions des femmes, de levée de fonds dans le secteur privé qui financent les programmes d’ONU Femmes à travers le monde. Nous avons maintenant 18 comités nationaux d’ONU Femmes, dont le Comité Canadien. Notre plus grand impact au Canada est d’influencer les politiques, de constituer des partenariats avec des organisations locales, et d’engager la population dans la lutte contre la violence contre les femmes.

 

Quels sont les derniers résultats d’ONU Femmes Canada dans ce combat pour l’autonomisation des femmes ?

ONU Femmes travaille dur pour les droits des femmes dans le monde. Au Canada, en tant que Comité National d’ONU Femmes, nous sommes partenaires de nombreuses initiatives importantes. Récemment, nous avons rejoint la Fondation Aga Khan Canada dans sa Marche Mondiale de Partenariat pour combattre la pauvreté dans le monde, qui a été un réel succès. Notre but est d’ouvrir un bureau régional d’ONU Femmes Canada dans plusieurs provinces, afin de s’assurer que toutes les femmes du Canada sont représentées et que notre travail a un impact sur tout le territoire. Je suis également heureuse de dire qu’ONU Femmes Canada s’étend à l’international. En tant que Présidente et PDG d’ONU Femmes Canada, j’ai eu le privilège de voyager aux quatre coins de la planète, d’Ouganda à Paris, d’Afrique du Sud en Tunisie, pour ne nommer qu’eux, pour célébrer nos réussites et parler des problèmes qui requièrent notre attention.

 

En temps de crise économique, les questions comme les droits de l’homme, l’environnement, etc., sont mises de côté. En quoi est-ce que cela peut être préjudiciable pour le monde ?

L’économie n’opère pas en dehors du monde. Nos sociétés et économies sont inextricablement liées à notre environnement, ainsi que le prouvent les impacts économiques négatifs des désastres naturels, sécheresses et famines qui en résultent. De même, en l’absence de droits de l’homme et d’égalité, nos conditions sociales peuvent mener à des interruptions économiques significatives sous forme d’émeutes, de coups d’Etat ou de mouvements tels ‘Occupy’. Le progrès et la croissance économique sont interdépendants ; pour atteindre des avancements sociaux et une croissance économique qui soient durables et significatifs, nous ne pouvons pas nous focaliser uniquement sur des mesures fiscales.

 

Que suggèreriez-vous aux femmes, de manière pratique, pour s’autonomiser ?

Les femmes peuvent devenir maitres de leur vie en cherchant des opportunités éducatives et d’amélioration de leurs compétences. Il y a un nombre grandissant d’organisations qui offrent des séminaires gratuits et des programmes de formation pour développer des compétences en business, en finance, pour enseigner une seconde langue, pour encourager à la constitution de réseaux et de conseils. C’est important que les femmes prennent le contrôle de leurs ressources et connaissent les produits et services financiers. Ainsi elles peuvent s’assurer de recevoir les meilleurs services et produits possibles en fonction de leurs besoins, et comprendre les risques et opportunités qui vont avec.

Les femmes peuvent également acquérir leur autonomisation en étant politiquement engagées et informées, et en votant pour des représentant(e)s qui vont défendre leurs intérêts, protéger leurs droits et encourager des politiques et législations qui prennent en compte l’égalité de genre.

En outre, les femmes doivent être éduquées et informées sur leurs droits ; elles doivent savoir quelles ressources leur sont disponibles dans le cas où leurs droits sont bafoués et les possibilités de recours en justice.

 

Bien que le rôle des femmes ait changé au fil des ans, elles occupent encore assez peu des postes à responsabilité. Quelles en sont les raisons et comment améliorer cette situation ?

Malgré un réel progrès, les femmes font en effet toujours face à un certain plafond de verre. Dans les pays développés, cela peut être en partie attribué aux emplois du temps de travail, élaborés lorsque les hommes seuls travaillaient et que les femmes restaient à la maison. Ainsi, les coûts de garde d’enfants sont extrêmement élevés, particulièrement pour les enfants en bas âge, ce qui limite la possibilité pour les femmes d’aller au travail suivant les horaires conventionnels de 9h-17h, qui ne s’accordent pas aux horaires d’école des enfants. De plus en plus, les femmes tombent également dans cette génération ‘sandwich’, où elles se retrouvent à s’occuper à la fois de leurs jeunes enfants et de leurs parents vieillissants. Alors que les femmes demeurent les premières personnes à s’occuper de la famille, ces responsabilités leur demandent beaucoup de temps et sont éprouvantes ; elles ne peuvent donc pas chercher ou accepter des promotions professionnelles qui requerraient davantage d’investissement personnel. Dans les pays en développement, les problèmes sont dus à des cycles de pauvreté et au manque d’investissement dans l’éducation des filles.

 

Etes-vous néanmoins optimiste pour l’égalité entre hommes et femmes ?

Je crois fermement que nous sommes sur le chemin de l’égalité. Grâce à mes engagements variés en Asie, Afrique, Europe et Amérique du Nord et du Sud, je peux affirmer que des changements progressifs ont lieu dans la manière dont les sociétés pensent et dont ceux au pouvoir approchent ces questions. Les inégalités entre les genres existent toujours dans tous les pays. Cependant, en général, les gouvernements sont contraints par la société civile à s’engager en faveur d’un réel changement dans ce domaine.

Malgré les obstacles, je crois fermement que nous avons accompli des victoires significatives dans plusieurs domaines des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), et qu’il n’y a pas de raison pour que ces résultats n’apparaissent pas également en matière d’égalité entre les genres. Les plus récentes études du rapport après-OMD 2015 du High-Level Panel mettent en avant le puissant potentiel de la société civile et du système onusien pour améliorer les vies de millions de femmes d’ici 2030. Je pense que nous avançons dans la bonne direction, et en s’assurant que le combat pour l’égalité entre les genres reste au premier rang dans les agendas nationaux et internationaux, je suis convaincue que la vague de changement pour l’égalité des sexes continuera de submerger les pays, régions, villages et villes par ses courants positifs.

 

Propos recueillis par Cléo Fatoorehchi

Journaliste à Opinion Internationale et coordinatrice de la rubrique La Citoyenne.

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