La Citoyenne
08H26 - lundi 17 juin 2013

L’article 475 doit être abrogé !

 

Au Maroc, l’article 475 du Code pénal propose aux violeurs de se marier avec leur victime. Il représente en cela une forte discrimination envers les femmes, une discrimination combattue plus fermement depuis l’« affaire Amina » de mars 2012. Le 27 janvier dernier, le gouvernement marocain a annoncé qu’il prévoyait de changer cet article. Il y a urgence.

Le poster d'Amina Filali était tenu bien haut durant les manifestations qui ont suivi son suicide.

Le poster d’Amina Filali était tenu bien haut durant les manifestations qui ont suivi son suicide.

62,8% des femmes marocaines victimes de violences en 2011

 

La violence sexuelle envers les femmes fait état de chiffres alarmants au Maroc, notamment dans le milieu familial puisque plus de 50% des cas sont des actes de violence conjugale. Le viol marital, cependant, n’est pas reconnu comme un acte de violence domestique, ce qui réduit les victimes à un silence pesant.

L’exemple fortement médiatisé d’Amina Filali montre que cette pression peut être fatale. L’adolescente âgée de 16 ans et originaire de Larache, s’est suicidée en mars 2012 afin d’échapper à un mariage forcé et abusif avec Moustapha Fellak, 25 ans, qui l’avait violée l’année précédente. Peu après cette tragédie, la victime avait déposé plainte contre Fellak auprès du procureur de Tanger.

Toutefois, comme la majorité des plaintes déposées, cette démarche l’a davantage défavorisée que protégée. Alors que l’article 475 punit l’enlèvement d’un mineur par une peine de un à cinq ans de prison, le mariage est paradoxalement proposé comme solution puisque la loi annonce que « lorsqu’une mineure nubile enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l’annulation du mariage et ne peut être condamné qu’après que cette annulation du mariage a été prononcée ». Le scandale de la sordide affaire d’Amina met en avant les failles du système marocain. Abadila Maelainin, une activiste pour les droits des femmes, a déclaré dans un message devenu célèbre, « Amina a été violée à trois reprises ; par le violeur lui-même, par la tradition et par l’article 475 ».

 

Khadija Ryadi : « Nous demandons une loi qui protège la femme et non l’honneur »

 

En 2004, la Moudawana, le Code familial marocain, a été fortement modifiée avec l’ajout du droit au divorce et d’une loi qui fixe l’âge légal du mariage à 18 ans. Mais les taux de violence envers les femmes restent trop élevés. A la suite de l’affaire Amina, des centaines de femmes sont descendues dans les rues de plusieurs villes marocaines pour protester et revendiquer, sous l’égide de plusieurs associations de défense des droits des femmes, l’abolition de l’article 475 du Code pénal. Une campagne intitulée « We are all Amina Filali » a même été lancée, appelant les personnes à signer une pétition contre cet article discriminatoire par le biais d’une page Facebook.

 

La contradiction interne à l’article 475 montre que les droits des femmes au Maroc sont encore trop bafoués, ce qui porte atteinte à la démocratie elle-même. Khadija Riyadi, présidente de l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDE), a déclaré, « nous demandons une réforme de toutes les sections de la loi qui sont nuisibles aux droits des femmes ». L’AMDE a relevé l’absence de loi spécifique sur la violence contre les femmes. L’article 19 de la Constitution annonce pourtant que les hommes et les femmes sont égaux devant la loi.

 

Les obstacles au changement du Code pénal

 

La question principale qui se dessine désormais est la pertinence de ce changement de loi. La mentalité de la société est un obstacle considérable dans la mesure où la sexualité des femmes est un thème tabou. Ainsi, une femme qui perd sa virginité hors mariage est une femme répudiée. Puisqu’une loi interdit aux hommes d’épouser une femme non vierge, il s’agit d’une honte que seul le mariage forcé peut sauver.

 

A la pression familiale s’ajoute l’attitude trop passive du gouvernement envers cette injustice. Alors que le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane ne voyait en Amina qu’une femme « maltraitée oui mais pas mariée de force », la Ministre de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, Bassima Hakkaoui, conteste les chiffres officiels. « Le nombre de 60% n’est pas correct ; seulement 35,3% des femmes marocaines sont victimes de violence de genre » a-t-elle dit. Si la peine envers les agresseurs s’est durcie jusqu’à trente ans de prison, l’abdication de l’article 475 qui était prévue pour ce printemps est encore attendue.

 

Etudiante en journalisme à Londres

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