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12H59 - vendredi 28 septembre 2012

Printemps du cinéma arabe à Paris : une deuxième édition entre vitalité et nouveaux défis

 

L’association du cinéma euro-arabe (ACEA) organise ce week-end la deuxième édition du Printemps du cinéma arabe. Le cinéma La Clef, rue Daubenton à Paris, abrite le festival. Après une première édition et des films inscrits au cœur des événements, l’édition 2012 est l’occasion d’une mise en perspective. « La trentaine de films que nous présentons sont très diversifiés, c’est ce qui fait leur richesse, expose Marie-Claude Behna, présidente d’ACEA. Ils témoignent des bouleversements dans ces pays, mais la création a aussi sa propre logique, indépendante de la situation. »

Les révolutions arabes ont créé un véritable appel d’air pour la création cinématographique. « Il y a clairement un avant et un après », affirme Marie-Claude Behna. Énormément de petites sociétés de production indépendantes sont apparues. Malgré leurs petits moyens, elles ont plus de liberté et le courage de faire du cinéma comme elles l’entendent, sans compromissions. La présidente d’ACEA cite Babylon, documentaire tunisien programmé le 30 septembre : «Il a été fait avec trois-francs-six-sous, mais son sujet est très libre ». Consacré au sort des immigrés africains chassés de Libye au printemps 2011, le film a reçu en juillet dernier le Grand prix international au festival du documentaire de Marseille.

Ce cinéma indépendant naissant est tributaire de la tournure des révolutions en cours dans le monde arabe. Pour le moment, malgré plusieurs épisodes inquiétants, notamment en Tunisie, Marie-Claude Belhoun affirme qu’« on n’en est pas encore à un bras de fer entre islamistes et cinéastes, aucun tournage n’a encore été arrêté à ma connaissance ». Mais « tout le monde est conscient que ce bras de fer va venir, ajoute-t-elle. Les gens sont conscients des contradictions entre les idéaux et une réalité moins rose. Pour continuer à exercer leur art, ils sont prêts à entrer en résistance et à contourner les obstacles potentiels créés par les islamistes ». Plusieurs réalisateurs débattront des nouveaux défis auxquels ils sont confrontés lors d’une table ronde samedi.

Les réalisateurs sont d’ailleurs de plus en plus souvent des réalisatrices. Plus de la moitié des films présentés sont réalisés par une femme, seule ou avec un homme. Beaucoup sont de jeunes cinéastes tout justes diplômées. « Les 3 films de fin d’études que nous projetons ont tous été réalisés par des femmes », précise Marie-Claude Belhoun. Le film In the shadow of a man (Dans l’ombre d’un homme) de la réalisatrice égyptienne Hanan Abdalla, est l’œuvre « d’une femme qui filme les femmes, explique la président de ACEA. Issues de tous les milieux sociaux, elles parlent de leur vécu en toute franchise. C’est un film qui aurait pu être fait avant la révolution. » Malheureusement, la projection en avant-première jeudi du film de Khadija al-Salami Le Cri, sur les femmes yéménites, a dû être annulée, la réalisatrice ayant dû se rendre au chevet de sa mère gravement malade.

La clôture du festival, dimanche soir, promet d’être un moment fort, selon Marie-Claude Behna. Sa programmation est un condensé de la vitalité et de la liberté étonnante du cinéma arabe contemporain. Elle s’ouvrira sur deux courts métrages d’animation de la Syrienne Yasmeen Fanari. Réalisés en 2010, ils se sont avérés prémonitoires de la situation actuelle en Syrie. Suivra Café Regular, Cairo, de l’Indien Ritesh Batra, un court métrage de comédie sur un couple de jeunes fiancés égyptiens. Mademoiselle veut absolument faire l’amour avant le mariage, son promis tente de la raisonner. Enfin, le printemps du cinéma arabe n’oubliera pas de porter un regard aigu sur la situation en France, à travers Rengaine, de Rachid Djaïdani. Un film au sujet encore tabou malgré sa gravite : le racisme mutuel entre Noirs et Arabes.

Yannick Le Bars

IIe Printemps du cinéma arabe, du 28 au 30 septembre au cinéma La Clef, 34 rue Daubenton, Paris (5e arr.)