Human Rights
12H08 - mardi 6 mars 2012

Fin de sanctions contre le Zimbabwe : quelles conséquences ?

 

Le 17 février 2012, l’Union européenne a décidé l’abandon d’un tiers des sanctions pesant sur le pays. Cette décision intervient dans un climat inquiétant. Les réformes politiques sont restées au point mort et la situation des droits de l’Homme ne s’est en rien améliorée.


Les sanctions ont été abandonnées pour certaines personnalités du régime, notamment 2 ministres du parti Zanu-PF. DR

Au cours de la révision annuelle des sanctions, adoptées en 2001, l’Union européenne a décidé de lever l’interdiction de visas et le gel des avoirs pesant sur 51 personnes et 20 entités.

 

Une levée de sanctions méritée ?

L’UE, se « félicitant des progrès réalisés pour créer un climat propice à la tenue d’élections libres, régulières, pacifiques et transparentes », entend ainsi « saluer ces évolutions et encourager de nouveaux progrès » dans les réformes.

Pourtant, la situation politique au Zimbabwe est tout sauf satisfaisante. L’organisation Human Rights Watch avait ainsi appelé l’UE à maintenir ses blocages au regard des graves violations des droits de l’Homme commis par le régime. L’Union européenne a néanmoins reconnu les limites des réformes politiques au Zimbabwe et maintenu deux tiers des sanctions portant sur les personnalités et entités (conservées pour 112 personnes et 11 entités), ainsi que l’embargo sur les armes.

 

Un pays enlisé dans la transition

La phase de transition amorcée en 2008 semble dans l’impasse. Malgré la mise en place d’un gouvernement de coalition, après des élections controversées, Mugabe et son parti le Zimbabwe african national union patriotic front (Zanu-PF) conserve les rênes du pouvoir et, bien que venant de célébrer le 21 février dernier ses 88 ans, n’entend pas les transmettre de sitôt.

Le gouvernement d’unité national, mis en place avec le soutien de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), n’a qu’une dimension symbolique. Le premier ministre Morgan Tsvangirai et son parti le Movement for democratic change (MDC), n’ont pas de pouvoir effectif.

L’Accord de politique global (APG), décidé sous l’égide de la SADC, est perpétuellement piétiné par le régime de Mugabe. Il ne respecte en rien les mesures de réformes politiques énoncées dans la feuille de route de l’APC pour sortir le pays du processus de transition. La tenue des élections, pierre d’achoppement des mesures de réformes, est continuellement repoussée. Le référendum d’adoption de la nouvelle constitution, préalable au commencement du processus électoral, a encore été repoussé au mois d’août 2012. L’horizon du changement s’éloigne, alors que la répression politique se poursuit. La presse est sous contrôle strict. Le Zanu-PF, parti de Mugabe est soumis à une véritable chasse au sorcières, témoignant de la paranoïa du régime.

Le 7 février 2012, les autorités ont fait arrêter plusieurs militants du Woza, groupe de défense des droits de l’Homme (Women and men of Zimbabwe arise) qui manifestaient. Le 17 février, jour de la levée partielle des sanctions, 29 nouvelles ONG opérant dans les domaines allant de la sécurité alimentaire au soutien des handicapés, se sont vues interdire toute intervention sur le territoire.

11 années de sanctions internationales n’ont donc apparemment pas affaibli Mugabe. Président depuis l’indépendance du pays en 1980, il semble confortablement installé dans une « dictature durable ».

 

Aucun isolement malgré les sanctions

Malgré les sanctions, le pays dispose d’une certaine latitude dont la portée est limitée par plusieurs facteurs.

D’une part le Zimbabwe, avec la présence d’importants gisements de diamants, dispose d’une indépendance économique qui lui permet d’asseoir la dictature. Le régime de Mugabe assure un contrôle total sur l’économie, subordonnée au politique. La rente issue des matières premières finance la répression. La redistribution et le clientélisme permettent d’assurer les bases sociales du régime. Le MDC, quant à lui, est miné par des conflits internes.

D’autre part, les sanctions étant pour le Zimbabwe la cause de ses maux économiques, ne sont pas totales et n’isolent pas le pays. Un isolement total pourrait avoir des effets contreproductifs ainsi qu’un impact négatif sur la population. Les puissances occidentales ont donc opté pour des mesures ciblées. Les aides à la coopération n’ont pas été abandonnées.

Mis à part l’embargo sur les armes, les relations commerciales se sont poursuivies avec les États-Unis et l’Europe. Les échanges avec l’Union Européenne ont même doublé depuis 2009 et elle est le 2e partenaire commercial du Zimbabwe.

Selon les analyses du Think tank international crisis group, les sanctions, même si elles ne sont pas à l’origine de la situation désastreuse de l’économie, ne suffisent pas. Mieux, elles nécessitent d’être complétées par des politiques engagées et proactives pour sortir le pays de l’impasse, nécessitant par là même de nouvelles négociations. L’Union européenne a donc levé les interdictions de visas pesant sur les ministres des Affaires étrangères et de la Justice, tous deux membres Zanu-PF. Il s’agit maintenant d’assortir ces mesures d’actions concrètes, telles que le « dialogue politique sérieux » évoqué par l’UE.


D’autres forces de résistance

Autre point fort pour le Zimbabwe, lui permettant de résister aux pressions occidentales : ses autres appuis sur la scène internationale. Le pays est indépendant vis-à-vis de ses partenaires occidentaux, grâce à sa « Look east policy », mise en place en 2003. Celle-ci a visé à remplacer les investisseurs occidentaux par des apporteurs asiatiques, moins regardants sur les droits de l’Homme. La Chine est devenue un partenaire essentiel. Elle fournit non seulement des armes, mais permet également au pays de réaliser des investissements publics et industriels. Ces derniers permettent au Zimbabwe de se maintenir économiquement. La Chine a également posé son véto au sein de l’ONU pour éviter plusieurs motions du Conseil de sécurité contre le gouvernement Zimbabwéen.

Quant à la SADC, divisée entre pros et antis Mugabe, elle a affiché une de tolérance passive vis-à-vis des abus du Zimbabwe et des violations de l’APC.

Sans l’adoption d’une ligne commune au niveau de la SADC, de l’Union africaine et au niveau international, notamment par la coopération des pays asiatiques, la portée des pressions actuelles restera limitée. Cependant la levée partielle des sanctions occidentales pourrait bien être perçue comme un feu vert ouvrant la voie aux exactions du parti de Mugabe dans le contexte pré-électoral.

Carine Dréau