Non classé
06H54 - mercredi 28 septembre 2011

Censure Internet en Malaisie

 

Promouvoir le droit de vote en Malaisie peut coûter cher.

Le quotidien en ligne The Malaisian Insider rapporte dans son édition du 25 septembre 2011 la censure que tente d’imposer le gouvernement malais sur la vidéo produite un musicien malais, Pete Teo. Celle-co est disponible sur le site Undilah.

Vidéo entraînante, moderne, musicale, le clip intitulé UNDILAH (« faisons unité » en malais) met en scène des citoyens de toutes générations et de toutes conditions. Il incite en musique à s’inscrire sur les listes électorales et voter lors des prochaines élections. Fil conducteur de la vidéo, l’ancien Ministre des Finances, Tengku Razaleigh bin Tengku Mohd Hamzah, dit Ku Li, invoque son amour du pays et les difficultés rencontrées par les habitants pour inciter chacun à prendre son avenir en main.

La vidéo n’a rien d’une propagande anti-gouvernementale : le clip commence par vanter la beauté du pays. Jusque là, il y a de quoi rassurer les autorités. Seulement voilà, la vidéo n’a pas plu : un mail de l’autorité de communication gouvernementale a été envoyé à toutes les chaines de télévision pour leur ordonner de ne pas diffuser le clip. UNDILAH, au lieu de « faire unité », risque davantage de semer la discorde entre le gouvernement et les citoyens.

Pete Teo s’étonne de cette censure et rappelle les propos récents du Premier Ministre Datuk Seri Najib Razak s’engageant, le 15 septembre, à lever les contrôles sur les médias, à renforcer les libertés civiles dans le pays et à abroger l’ISA (Internal Security Act) qui régit, entre autres, la censure dans le pays.

Sur la une du site, un rappel important : le clip censuré n’est en rien partisan. Il encourage  les Malaisiens à prendre leurs responsabilités de citoyens. « Le pouvoir est dans nos mains », « l’avenir de la Malaisie est dans nos mains », « Ne soyez pas silencieux ! », « Ne dormez pas ! », sont autant de slogans mis en valeur dans cette création.

La censure risque d’être vaine et même de produire l’effet inverse. Seul un réseau de télévision a dérogé aux ordres de censure, NTV7, en diffusant le clip. Mais Internet a fait le reste et déjà 300.000 connexions ont été enregistrées sur le site.

La Malaisie, fédération de 28 millions d’habitants, est dirigée par le Barisan National (Front national), une coalition multiethnique de 14 partis, depuis son indépendance en 1957.

L’opposition, qui avait réalisé une percée aux dernières élections en 2008, est à la tête de plusieurs Etats. Une manifestation de l’opposition avait déjà réuni des milliers de participants le 9 juillet : elle a été dispersée dans la violence, et assortie d’interpellations de membres de l’opposition. Manifestement, le pouvoir se crispe.

En attendant, pour soutenir cette initiative citoyenne en Malaisie et découvrir une musique qui pourrait faire florès en Europe, rendez-vous sur http://www.undilah.com/

Michel Taube

 

« La Malaisie ne doit pas avoir peur de l’engagement politique de sa jeunesse. » Entretien avec le producteur du clip censuré, l’artiste Pete Teo.

Pourquoi avoir produit ce clip ?

La Malaisie est à un carrefour de changements. La Malaisie a beaucoup de problèmes sociaux, écomomiques et politiques : augmentation du coût de la vie, corruption systématique, déclin de la compétitivité économique et fuite des cerveaux… 4 des  15 millions de citoyens en âge de voter ne sont pas enregistrés ni inscrits sur les listes électorales. 75% d’entre eux ont moins de 30 ans. C’est à ces jeunes que s’adresse « UNDILAH = vote ! ».
Je crois à la démocratie participative pour le bien de la Malaisie. D’autant que, depuis 50 ans, un seul parti est au pouvoir, même si une opposition a émergé lors des dernières élections en 2008. Le seul moyen de réveiller la démocratie malaisienne est d’encourager le public à prendre conscience des ses droits en participant à l’élection du gouvernement. Ce sera la meilleure façon de développer le sentiment d’appartenance des Malaisiens à leur pays.

Que pensez-vous des tentatives de censure sur la diffusion de vos clips ?
En fait, nous avons été bloqués par la télé car nous n’avions pas eu l’approbation du comité de censure. La directive qui ordonnait la censure a été envoyée aux deux grandes chaînes malaisiennes, comparables à TF1, France 2 ou Canal +. Nous avons cru comprendre que la raison de la censure est due au contenu du clip. Celui-ci débute par une déclaration de l’ancien Ministre des Finances (et membre du parti gouvernemental) affirmant que le pays a « beaucoup de problèmes ». Beaucoup de personnes pro-gouvernementales sont contre le fait que l’opposition bénéficie d’un temps d’antenne ou qu’un parti admette que le pays est en difficulté.
Je pense que cette censure a été guidée par la peur. D’abord parce que la mobilisation de nouveaux électeurs risque de défier le régime actuel. Celui-ci veut limiter notre popularité sur Internet et notre audience en ville (la plupart des villages n’ont pas de connexion Internet).

Les artistes se sentent-ils concernés par la politique ?

Oui, ils le sont. Certains des artistes qui sont dans le film soutiennent les centristes, d’autres l’opposition. Mais tous sont d’accord sur le fait qu’il est nécessaire d’ouvrir la démocratie en Malaisie.

Vous-mêmes, pensez-vous pouvoir influencer vos concitoyens ?

J’espère que beaucoup de jeunes citoyens s’inscriront sur les listes électorales et qu’ils iront voter à la prochaine élection générale. Au-delà de cela, je n’entends en rien influencer les choix de chaque électeur. Notre vidéo n’est pas partisane et nous avons veillé de façon très scrupuleuse à ce que les deux grands partis soient représentés de manière égale. Je crois aussi que si les jeunes s’inscrivent pour voter, la moyenne d’âge du corps électoral diminuera, ce qui influencera grandement l’orientation des politiques publiques.

« I have a dream »… Si vous aviez un rêve pour votre pays, quel serait-il ?

Je voudrais que mon pays soit multiculturel, progressiste et paisible.

Propos recueillis par MT

Le 14 février, je t’aime mon coeur !

Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez la femme en France. Manque de prévention, de recherche, inégalités de traitement et de prise en charge, c’est inacceptable. Rejoignez le mouvement…
Michel Taube