Edito
09H54 - jeudi 18 janvier 2024

L’écologie punitive est morte, vive l’écologie ! L’édito de Michel Taube

 

Déjà à la tête d’un vaste ministère, Bruno Le Maire a encore élargi son périmètre à la faveur du changement de gouvernement : le domaine de l’énergie est ainsi revenu dans le giron de Bercy pour la première fois depuis 2007. Petite révolution à la tête de l’Etat ! Les choses sérieuses vont pouvoir commencer.

L’histoire de l’écologie politique est d’abord celle d’une prise de conscience : les premiers vulgarisateurs du sentiment écologique ont voulu transmettre l’idée que notre environnement était fragile et menacé, et que notre mode de vie portait à terme le risque de la destruction de notre environnement, c’est-à-dire des conditions de notre existence.

Et ce message est bien passé dans nos sociétés démocratiques. L’idée que notre environnement naturel, pour continuer à nous accueillir dans de bonnes conditions, mérite que nous adaptions notre mode de vie, est désormais très largement partagée.

Le problème n’est donc plus dans la prise de conscience, il est dans le passage aux actes. Trop longtemps, les propositions ont été laissées à l’écologie politique, aux écolos qui, réunis dans de petits partis politiques radicalisés, ont cultivé l’idée que les efforts à fournir pour atteindre le changement nécessaire, seraient terribles. D’une influence démesurée dans le débat politique au regard de leur poids réel dans l’opinion et dans les urnes sur des sujets aussi essentiels que celui de l’énergie, ils ont pris en otage des nations entières, comme l’Allemagne qui, ayant fait le choix catastrophique en 2011, par leur faute, de sortir du nucléaire, exportait encore gaillardement en 2022 de l’électricité à bas coût produite dans des centrales… à charbon !

On ne le souligne jamais assez : la radicalité d’Anne Hidalgo contre la voiture à Paris tient beaucoup au pouvoir exorbitant qu’exercent les écologistes dans sa majorité municipale. Il en était de même sous François Hollande ou Jospin premier ministre.

Sans remonter à cette « gauche plurielle » des années Jospin, largement influencée de sa composante écolo, la droite elle-même a longtemps subi l’influence moralisatrice des anti-nucléaires : c’est ainsi que Nicolas Sarkozy avait en 2007 rebaptisé la « direction générale de l’énergie », devenue « direction générale de l’énergie et du climat », et l’avait retirée au Ministère de l’Industrie et donc à Bercy pour la confier au Ministère de l’Environnement. Le Grenelle de l’environnement était passé par là.

Le juste retour des choses qui la voit aujourd’hui faire le chemin inverse après quinze ans de tergiversations doit permettre à celui qui tient les cordons de la bourse d’être aussi celui qui a la responsabilité de l’un des plus grands défis de notre temps : décarboner à vitesse accélérée notre production d’électricité, c’est-à-dire financer en même temps la construction d’une nouvelle génération de centrales nucléaires et le déploiement d’un parc d’énergies renouvelables. Alors que six sites d’implantation de nouveaux EPR ont déjà été choisis, le projet de loi sur la Souveraineté énergétique prévu cette année doit en désigner huit supplémentaires.

L’air de rien ce mouvement signe une grande avancée de l’écologie responsable. Il est une défaite pour l’écologie radicale qui a fini par devenir la meilleure ennemie de la protection de l’environnement en laissant prospérer l’idée que, pour préserver l’essentiel, soit les conditions environnementales de notre existence, il nous fallait sacrifier une autre part de ce qui nous est tout autant essentiel : notre mode de vie. Que prendre l’avion, partir en vacances, mais aussi prendre la voiture, allumer un radiateur, acheter un vêtement, un jouet, un fruit exotique, manger de la viande… tout cela faisait de nous, non seulement les complices, mais les coupables de l’assassinat de notre planète. Et ces écolos radicaux nous expliquent depuis des décennies que nous devons abandonner tout cela : ils l’appellent la décroissance.

Rétrospectivement René Dumont, candidat à l’élection présidentielle en 1974, a eu bien tort de culpabiliser les Français. L’agronome avait frappé les esprits et tenté de sensibiliser les Français en buvant un verre d’eau en direct à la télévision : « Nous allons bientôt manquer de l’eau et c’est pourquoi je bois devant vous un verre d’eau précieuse puisqu’avant la fin du siècle, si nous continuons un tel débordement, elle manquera… ». Sandrine Rousseau fera-t-elle de même en 2027 ? Certes, l’eau est devenue un bien de plus en plus rare mais de là à paniquer la population, ce fut une stratégie plus anesthésiante qu’efficace.

 

Pour le mix énergétique

La guerre en Ukraine nous a placés dans une situation inédite : celle d’être soudain privés de l’énergie qu’exige à chaque instant notre mode de vie. Elle nous a menés aux portes d’un monde où l’énergie serait rare, chère, et où sa consommation devrait être drastiquement réduite. Dans un premier temps, nous avons tous été saisis d’une grande peur, celle de devoir faire face au manque d’une ressource indispensable. L’inflation a été très forte, les entreprises, les ménages et les États ont été déstabilisés, mais reconnaissons que la réponse politique, le pragmatisme et la capacité d’adaptation des consommateurs ont permis d’éviter la catastrophe d’une récession brutale de l’économie.

Ce qu’il est ressorti de tout cela, c’est un glissement du débat, de la réduction drastique de notre consommation d’énergie avec les conséquences brutales sur notre mode de vie que nous avons évoquées, vers une réflexion, entre gens responsables, sur de nouvelles sources d’énergie, à consommer avec modération bien sûr, et décarbonées. Il ne s’agit plus de renoncer à l’énergie, car nous savons désormais que les besoins ne diminueront pas (bien au contraire !), mais d’améliorer l’efficacité énergétique globale et d’en trouver de nouvelles sources compatibles avec la préservation de notre environnement à long terme.

C’est ainsi que l’énergie nucléaire, une des grandes réalisations de cette France visionnaire du siècle dernier, portée par des hommes politiques tels que le général de Gaulle et Georges Pompidou, est redevenue non seulement notre avenir, mais celui de toute la planète, ainsi que l’a notamment reconnu la COP 28 de Dubaï. Pas toute seule bien sûr, pas la même que celle conçue dans les années 1960, mais celle issue des progrès que la science, les technologies et l’industrie n’ont jamais cessé de faire.

2023, année de fureurs et de crises, année de guerres et d’attentats, année de la COP 28 organisée dans un émirat pétrolier, a aussi été l’année du retour de l’espoir. 2023 a vu refleurir l’idée que le progrès scientifique, exemple de l’énergie nucléaire à l’appui, redevient une solution d’avenir.

2024 s’annonce comme l’année de la maturité écologique et des travaux pratiques, mais sans les écolos : fin de la punition.

 

Michel Taube

Directeur de la publication