Edito
10H56 - samedi 25 mai 2024

Jeux Olympiques de Paris 2024 : pour une trêve du cynisme. L’édito de Michel Taube

 

Les Jeux olympiques et paralympiques sont le plus grand événement planétaire. Universels, ils réuniront à Paris et en France 184 délégations représentant tous les États du monde et plusieurs milliards de téléspectateurs sur la planète.

Nous le savons, les Jeux olympiques sont la réinvention moderne d’une compétition antique, qui se déroulait en Grèce, à Olympie. En Grèce, le sens de ces Jeux, compétition sportive entre athlètes représentant les cités, était religieux : il s’agissait d’honorer Zeus. Et durant la période des Jeux, une trêve des combats était proclamée qui durait tout le temps nécessaire aux athlètes et aux voyageurs pour se rendre à Olympie et en revenir.

L’idée de trêve est évidemment excellente, et l’histoire contemporaine n’étant pas moins belliqueuse que l’histoire antique, elle a émergé jusqu’au vote par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993 d’une résolution pour « L’édification d’un monde meilleur grâce au sport et à l’idéal olympique », vœu renouvelé en 2021 à l’approche des Jeux olympiques d’hiver de Pékin l’année suivante.

Les Jeux de Paris se dérouleront-ils donc dans un monde où les armes se tairont pendant quatre semaines, du 29 juillet au 9 août.

Vœu pieux, naïveté, idéalisme ? Oui et non.

Non, tout d’abord parce que le sport, l’olympisme et la politique, et donc aussi la guerre, ont toujours été, bon gré mal gré, étroitement mêlés. Qu’on le veuille ou non, le sport est un opium du peuple, et donc le ferment d’une culture populaire véhiculant de nobles valeurs communes et offrant de magnifiques émotions. Mais le sport est aussi le théâtre, par sportifs interposés, d’affrontements politiques voire religieux, et il est également l’objet potentiel de toutes les manipulations de la part des dirigeants politiques, parfois touchantes et bon-enfant, parfois navrantes.

Toujours est-il que les Jeux olympiques ont été récemment le théâtre d’un rapprochement spectaculaire – évoqué par Jean-Pierre Mougin dans l’entretien qu’il accorde à Opinion Internationale -, celui du défilé commun des deux Corées, qui sont même allées jusqu’à présenter une équipe de hockey commune, composée de joueurs issus des deux pays, lors des Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang en 2018. Il y a bien d’autres exemples où les terrains de sport ont permis de dépasser en toute bienveillance les affrontements entre les États : c’est là une des vocations du sport et des Jeux olympiques.

Les Jeux paralympiques sont particulièrement concernés par cet enjeu : combien d’handicapés dans le monde ont été victimes de guerres et de conflits armés ? Des organisations comme Handicap International devraient relayer fortement cet appel à la trêve olympique !

Mais bien sûr, il ne faut pas être naïf. Le sport et les Jeux olympiques, évidemment, ne résoudront pas les conflits nombreux, certains très médiatisés, d’autres oubliés mais tout aussi meurtriers (pensons à la situation du Soudan ou de la République Démocratique du Congo). Et même, au contraire, on peut imaginer que certains dirigeants profitent du fait que l’attention mondiale soit focalisée sur l’événement olympique pour commettre à l’abri des regards certains méfaits qui, en-dehors de cette période auraient attiré l’attention et la réprobation du monde.

On se souvient que Vladimir Poutine a préparé l’invasion de l’Ukraine au moment des Jeux olympiques de Pékin et qu’il a lancé l’assaut quatre jours après leur clôture le 24 février 2022. Il a d’ailleurs clairement fait comprendre qu’il n’était pas question pour lui d’une quelconque trêve en Ukraine pendant Paris 2024. Mais qu’attendre d’autre que le plus parfait cynisme de la part du tyran de Moscou ?

Autre continent mais mœurs équivalentes entre dictateurs : cette année, il se trouve que l’« élection » présidentielle vénézuélienne, qui s’annonce particulièrement risquée pour le pouvoir de Nicolas Maduro ainsi que pour les principes élémentaires de la démocratie, a opportunément été fixée au 28 juillet prochain, deux jours après la cérémonie d’ouverture des Jeux…

Alors bien sûr, il faut saluer la volonté d’Emmanuel Macron de proposer une trêve olympique des combats pendant les Jeux de Paris. Début mai, première victoire pour la diplomatie française par le sport, le président chinois Xi Jinping, en visite officielle à Paris, a eu des propos très forts : « Le monde d’aujourd’hui est loin d’être tranquille. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et en tant que grand pays responsable, la Chine appelle avec la France à une trêve dans le monde entier à l’occasion des Jeux olympiques de Paris ».

Et pourquoi pas au final ? Pourquoi certains chefs d’État ou de factions en guerre ne se diraient-il pas qu’ils ont intérêt, ne serait-ce que pour en retirer un bénéfice d’image, de faire taire les armes cet été, épargnant ainsi des milliers de vies ?

C’est tout le sens du nécessaire Forum international organisé mardi 28 mai par le Comité Français du Fair Play, et le Comité National Olympique et Sportif Français sous le haut patronage d’Emmanuel Macron, pour la trêve à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Opinion internationale est le partenaire presse officiel de cet événement et nous soutenons sans réserve cette initiative. Avec l’espoir que les petites graines semées à cette occasion puissent fleurir çà et là sur notre planète parsemée de crises, et qu’elles offrent aux populations qui en sont victimes quelques moments de répit.

Nous avons cet espoir, mais sans naïveté, car le chemin est encore long avant que le sport et l’esprit olympique ne finissent par vaincre le cynisme des politiques.

Au final, imaginons un instant, fermons les yeux et écoutons : le silence des armes reposées à terre sur des terrains de guerre en Ukraine, à Gaza, à Goma… L’image serait poignante et d’une force inouïe.

 

Michel Taube