Edito
10H46 - mardi 5 mars 2024

Super Trump contre papy-Biden : sur vos écrans le 5 novembre ! L’édito de Michel Taube

 

Lundi 4 mars, les neuf juges de la Cour suprême des États-Unis ont levé la principale menace qui pesait sur la participation de Donald Trump à l’élection présidentielle.

Le Super Tuesday de la campagne des primaires présidentielles américaines qui se déroule ce 5 mars, voit quinze États – dont les deux plus peuplés, la Californie et le Texas – choisir dans chaque camp, Démocrate et Républicain, le champion qui les représentera lors de la présidentielle du 5 novembre.

Le match semble déjà plié : Donald Trump est sur un boulevard vers la Maison Blanche.

Mais paradoxalement Nikki Haley prend date pour l’après Trump et impose déjà sa marque.

Chacun se souvient de ce 6 janvier 2021 qui avait stupéfié le monde entier : les partisans du président battu dans les urnes deux mois plus tôt, refusant de reconnaître leur défaite, avaient envahi et saccagé le Congrès des États-Unis à Washington. Bilan : 5 morts, des milliers d’arrestations, des centaines de peines de prison ferme prononcées pour sédition, et un traumatisme durable au sein de la première puissance mondiale.

En théorie, Donald Trump risquait gros : la Cour suprême de l’état du Colorado avait en effet interdit ça participation à la primaire du Parti républicain, le considérant comme responsable des événements du 6 janvier et d’une violation du 14e amendement de la Constitution des États-Unis qui interdit l’accès à « toute charge civile ou militaire » à quiconque « après avoir prêté serment (…) de défendre la Constitution des États-Unis, aura pris part à une insurrection ou à une rébellion contre eux ». Donald Trump est engagé dans de nombreuses autres procédures judiciaires, qui vont de la faillite frauduleuse au paiement par de l’argent public d’une ancienne actrice porno avec qui il aurait eu une liaison (pour éviter qu’elle ne la raconte dans les médias), en passant par la non-restitution de document classés « top secret » alors de son départ de la Maison Blanche. Mais aucune ne devrait connaître de verdict définitif avant le 5 novembre. Si, ce jour-là, Donald Trump est élu président, elles seront toutes suspendues durant la durée de son, ou de ses, mandats.

Le verdict de la Cour suprême fédérale pouvait-il être différent ? Le vrai-faux suspense n’a jamais vraiment pris, pour une raison qui tient à la fois au mode de nomination et au profil de ces juges nommés à vie par le président des États-Unis. Six d’entre eux ont été nommés par un président Républicain dont trois, avec un profil très conservateur, par Donald Trump lui-même lors de son premier passage à la Maison Blanche. Une de leurs décisions les plus spectaculaires a consisté à revenir sur la célèbre jurisprudence Roe versus Wade qui autorisait depuis 1973 l’avortement aux États-Unis.

Pendant que se déroule le feuilleton des aventures judiciaires de Donald Trump, qui lui permet d’occuper constamment le devant de la scène en se faisant passer pour une victime du système qu’il dénonce et piétine sans retenue par ailleurs, la marche vers la présidentielle américaine se déroule selon l’immuable rituel qui passionne tous les quatre ans les citoyens des États-Unis : celui des primaires qui, dans chaque état, désignent le favori des électeurs issus de chaque camp.

 

Super Tuesday : Super Trump avance tranquillement vers la désignation par son camp, écrasant tout sur son passage.

Ses adversaires Républicains, avec lesquels il n’a jamais dénié débattre, contrairement à la tradition établie, se sont tous retirés de la course, lui apportant leur soutien, dont il n’a du reste pas grand-chose à faire.

La seule restante en lice, malgré l’enchaînement des défaites (lors des neuf premières primaires), est son ancienne ambassadrice auprès de l’ONU : Nikki Haley. Ancienne gouverneur de la Caroline-du-Sud, elle a été battue à plates coutures (avec 39% des suffrages) dans son propre État et ne l’a remporté que dans un seul territoire, le District Fédéral de Washington, dans lequel les Républicains sont très minoritaires et peu nombreux, lequel a voté pour Joe Biden… à 92% lors de la dernière élection présidentielle.

Encore cette victoire de Biden la semaine dernière à Washington DC a-t-elle finalement rendu service à Donald Trump, qui vilipende Washington à longueur de discours populistes, la capitale fédérale étant désignée comme le symbole de tous les maux causés par un système supposément bureaucratique, éloigné des préoccupations des citoyens, liberticide, et pour tout dire corrompu jusqu’à la moëlle. L’un de ses slogans de campagne est d’ailleurs « Drain the swamp » (« Il faut assécher le marigot de Washington »). Nikki Haley est donc devenue, dans un sarcasme tout trumpien, la « Queen of the swamp », la « Reine du marigot », et donc une sorte de symbole de ce que les Républicains doivent combattre…

Alors que le Super Tuesday s’annonce comme un nouveau raz-de-marée en faveur de Donald Trump, Nikky Haley se trouve paradoxalement beaucoup mieux placée que lui, car bien moins clivante (et âgée), pour battre Joe Biden le 5 novembre prochain. Les sondages lui donnent en moyenne une avance de 5% sur le président sortant (Selon The Conversation, 4 mars 2024), alors que Donald Trump est lui aussi généralement donné en tête, mais avec un écart beaucoup plus faible de 1,5% des voix (dans un système d’élection indirecte où ce sont des « grands électeurs » désignés dans chaque État qui choisissent in fine le Président, et où on peut être élu… tout en étant minoritaire en nombre de voix, comme le Républicain George W. Bush en 2000 face à Al Gore).

Car il faut bien l’admettre, le candidat Démocrate sera Joe Biden, fort d’un bon bilan économique, l’Amérique n’ayant jamais été aussi prospère et en pleine réindustrialisation portée notamment par ses investissements dans l’intelligence artificielle et dans la transition écologique.

 

Âge, immigration, Gaza : des obstacles insurmontables pour papy-Biden ?

Oui mais voilà, Joe Biden, qui aura 82 ans en fin d’année, et à qui Donald Trump avait attribué dès 2020 le sobriquet de « Sleeping Joe » (« Joe l’endormi ») en raison des petites pauses que s’accordent parfois son adversaire dans des réunions ou des conversations, est considéré comme trop âgé par 73% des Américains (42% considèrent que Donald Trump, qui aura 78 ans en juin, est lui aussi trop âgé), dont 55% de ses propres électeurs de 2020 (Selon The New York Times, 3 mars 2024).

Et ce n’est pas tout : le camp Démocrate, qui a l’habitude de se déchirer entre gauchistes-wokes et centristes pro-business, dont Joe Biden est le représentant le plus éminent, avant de se réconcilier toujours dans la douleur, est aujourd’hui plus divisé que jamais. Sur la question de l’immigration, dont Donald Trump fait son miel depuis ses débuts en politique, et qui bat des records à la frontière sud avec le Mexique, Biden est débordé à la fois sur sa gauche par les démocrates qui y sont favorables et sur sa droite par ceux qui y sont hostiles.

Un autre thème, venu de l’étranger, est en train lui aussi de miner la cohésion du Parti démocrate, alors que les sujets internationaux ne sont traditionnellement pas un enjeu des campagnes américaines : celui de l’attitude d’Israël dans la bande de Gaza. La primaire démocrate du Michigan a démontré que la fracture est profonde entre Joe Biden et les communautés d’origine arabe et musulmane, qui se désolidarisent de son soutien à l’État hébreu et pourrait bien lui coûter très cher dans le Michigan, et d’autres « swing states, qui peuvent très bien basculer d’un côté ou de l’autre à chaque élection et qui sont donc les seuls véritables enjeux des campagnes présidentielle.

Ainsi, sauf un apaisement au Proche-Orient, sauf un sursaut de l’électorat en faveur des Démocrates – qui s’était d’ailleurs produit lors des élections de mi-mandat de 2022 – qui pourrait venir du facteur X Taylor Swift, et sauf énormité proférée par Donald Trump (mais il est déjà allé très loin en la matière et cela lui réussit plutôt bien…), le retour du trumpisme à la Maison Blanche semble inéluctable.

Tant pis pour les minorités américaines et tant pis pour tous ceux qui, dans le monde, comptent sur le soutien des États-Unis face aux autoritarismes et aux dictatures. A nous de nous y préparer et de prendre nos responsabilités, notamment en matière de défense, et de soutien à l’Ukraine : les Etats-Unis de Donald Trump n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts, les leurs.

 

Michel Taube

Directeur de la publication

« Quelle m… ce Trump » : l’édito de Michel Taube

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