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10H55 - mardi 30 janvier 2024

La méthode Attal. L’édito de Laurent Tranier

 

Le nouveau Premier ministre Gabriel Attal prononce mardi 30 janvier sa Déclaration de politique générale dans un contexte explosif. À lui de démontrer que la méthode qui a fait son début de succès à l’Éducation nationale peut s’appliquer face au monde agricole et à l’échelle du pays tout entier.

En quelques phrases, Gabriel Attal avait su redonner un cap au paquebot à la dérive de l’Éducation nationale : l’exigence contre la médiocrité, la police contre le harcèlement, la laïcité contre l’abaya. Et comme par miracle, tout le monde s’était aligné à l’appel de ces grands principes et du bon sens.

Saisi lui aussi par l’effet de cette parole claire et nouvelle, Emmanuel Macron a fait de Gabriel Attal le Premier ministre de la France. Quelques semaines après, il est déjà sur tous les fronts. Il écoute, il comprend, il console, il n’en rajoute pas.

La Déclaration de politique générale qu’il prononce ce mardi 30 janvier devant les députés est encore plus attendue que d’habitude. Non seulement parce qu’il doit traduire les grandes lignes dessinées par Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 16 janvier, mais parce qu’entre-temps, le monde agricole s’est embrasé et menace de bloquer la France.

 

Redonner aux agriculteurs le sens de leur travail

Nous nous sommes familiarisés avec les demandes des agriculteurs, aussi diverses que justifiées, qui vont de la réduction de la multitude de règles contradictoires qu’ils doivent respecter, à l’obtention d’un revenu décent pour un travail considérable, en passant par la fin de la concurrence déloyale qu’ils subissent depuis trop longtemps. Mais en réalité la question que posent les agriculteurs aux politiques est existentielle : ils ne comprennent plus quel est leur rôle, ce que l’on attend d’eux, ce qu’ils doivent faire : produire davantage ? Restaurer les écosystèmes ? Produire moins ? Produire mieux ? Produire moins cher ? Abandonner certaines méthodes de production ? En adopter de nouvelles ? Sont-ils des pollueurs qui détruisent la planète ou sont-ils les bienfaiteurs de l’humanité qu’ils nourrissent ?

Dans son discours de politique générale, Gabriel Attal doit redonner un cap à notre agriculture, comme il a su le faire à l’Éducation nationale. Sauf que dans le monde agricole, l’équation se complique avec deux séries d’attentes contradictoires qu’il faudra aussi satisfaire, sous peine que la contestation qui s’éteindrait d’un côté ne se déplace sur un autre front. 

 

Grande distribution, industriels de l’agroalimentaire et écolos dans la ligne de mire

Clairement, une grande partie des règles qui rendent insupportable le quotidien des agriculteurs et qu’ils rejettent massivement, ont pour finalité la protection de l’environnement. Non que les agriculteurs soient indifférents à l’environnement, bien au contraire : il s’agit de leur cadre de vie et ils savent mieux que quiconque que sa préservation est la condition de la pérennité de leur activité. 

Mais la cause est entendue : on est allé trop loin, trop vite, trop fort, sur le sujet de l’énergie comme sur celui de la gestion des ressources en eau, sur le sujet de la restauration des espaces naturels comme sur celui de la réglementation des pesticides et des engrais. Dans l’Europe entière, les opinions publiques s’insurgent : l’influence démesurée de l’écologie politique, celle des écolos radicaux, a désormais un effet contre-productif de repoussoir ; un certain nombre de contraintes environnementales annoncées, qu’elles soient issues de France ou d’Europe, doivent être suspendues, repoussées, remisées. C’est peut-être regrettable, mais c’est la logique du balancier de l’histoire que de revenir en boomerang à ceux qui l’ont poussé trop loin. Gabriel Attal n’aura aucun mal à le justifier, en convoquant les grands principes de la souveraineté alimentaire, de la justice économique et sociale que nous devons aussi aux agriculteurs et du bon sens.

L’autre série d’attentes, et c’est là toute la difficulté de la mission du politique, semble parfaitement contradictoire avec l’objectif d’améliorer le revenu des agriculteurs. Car pour cela, il faudrait augmenter le prix auquel ils vendent leur production, ce qui aurait logiquement un effet inflationniste sur les prix de l’alimentation payés par les consommateurs. Or, il se trouve que depuis la flambée inflationniste de 2022, avec l’augmentation des prix de l’énergie, mais aussi déjà celle de l’alimentation, ou encore la hausse des taux d’intérêts qui fait du logement un problème souvent insoluble, le principal objectif du gouvernement est… la lutte contre l’inflation pour préserver le pouvoir d’achat des ménages !

Sur ce point encore, Gabriel Attal devra convoquer grands principes et bon sens. Car en réalité, dans l’immense majorité des cas, les agriculteurs ne sont pas dans un face à face avec les consommateurs. Ils sont dans un rapport de force déséquilibré avec des transformateurs et des distributeurs qui, peu avares d’une communication généreuse sur leur prétendu engagement contre l’inflation et pour la juste rémunération des producteurs, sont en réalité les profiteurs du système, bien cachés derrière leurs marges confortables.

Les lois EGALIM 1 et 2 devraient donner les moyens à l’État de faire plier ces intermédiaires. Gabriel Attal ne devra pas trembler et exiger qu’elles soient appliquées dans toute leur rigueur, quitte à proposer un nouveau texte s’il est nécessaire d’aller plus loin. Mais cela sera-t-il suffisant pour apporter un revenu décent aux 18% d’agriculteurs qui vivent et travaillent sous le seuil de pauvreté ? Certainement pas, et il faudra trouver autre chose, qui pourrait ressembler à un revenu minimum agricole garanti.

La force de la Loi, les principes de la République et le bon sens : la méthode Attal se dessine. Elle pourrait bien être le futur du macronisme que cherchent désespérément ceux qui se voyaient déjà en orphelins perdus de l’actuel Président de la République après 2027. 

La déclaration de politique générale prend à cette lumière une toute autre dimension, celle d’une possible candidature à la présidentielle en 2027…

 

Laurent Tranier

Rédacteur en chef d’Opinion Internationale et fondateur des Éditions Toute Latitude