Planète verte
17H49 - samedi 28 octobre 2023

L’intervention vidéo du Président de la République Emmanuel Macron devant le Sommet des Trois Bassins à Brazzaville. Verbatim

 

Monsieur le président Sassou-Nguesso, cher Denis,

Mesdames et messieurs les Chefs d’Etat et de gouvernement,

Mesdames et messieurs les ministres,

Mesdames et messieurs les ambassadrices et ambassadeurs,

Mesdames et messieurs, en vos grades et qualités respectives,

J’ai été honoré de votre invitation à participer au sommet des trois bassins à Brazzaville.

Malheureusement je n’ai pas pu me déplacer en raison de l’actualité internationale et nationale, mais vous savez combien la protection des forêts tropicales est une priorité majeure pour la France. Je voulais donc vous dire à cet égard quelques mots.

Moins de 14% de la surface de la planète concentre 75% des stocks de carbone irrécupérable et 91% écosystèmes des espèces vertébrées. Ces stocks de carbone et de biodiversité, largement concentrés dans les trois plus grands bassins forestiers du monde, sont des trésors dont l’Humanité ne peut tout simplement pas se passer.

La protection de ces forêts doit donc être l’affaire de tous.

A la COP de Glasgow, il y a deux ans, nous avons pris un engagement : mettre fin et inverser la déforestation d’ici 2030. Cet engagement, tout le monde le partage aujourd’hui. Mais quelle doit être notre méthode ?

C’est la question que nous avons posée à plusieurs à Libreville, il y a quelques mois, lors du sommet « One Forest », au cœur du bassin du Congo. Notre conclusion était claire : nous ne pouvons pas protéger la nature aux dépends des populations. Nous l’avons redit à Paris avec plus de quarante chefs d’Etat et de gouvernement les 22 et 23 juin derniers. C’est le premier principe du Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète, le 4P : nul ne doit avoir à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la protection de la planète.

Ce dont nous avons besoin, ce sont donc des partenariats justes avec les pays forestiers qui abritent sur leur sol les plus grands stocks de carbone et de biodiversité, et qui sont aussi confrontés à des défis économiques majeurs.

Je veux saluer ici les avancées considérables qui ont été faites par les grands Etats forestiers.

Je pense à la politique de gestion exemplaire sur le plan forestier du Gabon, qui doit être préservée à tout prix. Je pense à l’engagement personnel du président Sassou. Je pense au bilan impressionnant du président Lula qui, depuis le début de son nouveau mandat, a fait chuter lesalertes à la déforestation au Brésil. Je pense au président Widodo : le taux de disparition desforêts en Indonésie a diminué de moitié depuis 2015. Je pense à mon ami le Premier ministre Marape, et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, avec qui nous avons noué un accord historique il ya quelques mois.

Ce que je vous propose, c’est maintenant d’aller plus loin, de créer les conditions d’un partenariat véritablement international pour la protection des trois bassins. C’est un partenariat environnemental, mais c’est aussi un partenariat économique. Il tient en plusieurs principes simples, qui sont ceux de Libreville :

– Le premier : les réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité, comme les tourbières, doivent faire l’objet d’une haute protection, car c’est indispensable pour la planète.

– Le deuxième : la communauté internationale a une responsabilité. Nous devons rémunérer cette action de conservation. Nous ne pouvons pas limiter l’accès aux financements aux pays qui doivent reforester, et laisser les pays qui protègent activement leurs forêts sans soutien.

– Troisièmement : au-delà de ces réserves vitales, une forêt protégée, ce n’est pas une forêt fermée à l’homme. C’est une forêt gérée durablement. Et là encore, nous avons besoin de coopération internationale, pour faire émerger une véritable bioéconomie à l’échelle globale, dans laquelle le capital naturel soit à la fois protégé et créateur de valeur ajoutée localement.

C’est le sens de l’action européenne : au lieu d’importer la déforestation, nous voulons installer de nouvelles filières forestières durables à l’échelle mondiale, dans lesquelles nous partageons et partagerons encore mieux demain la valeur ajoutée. Nous voulons sortir de l’économie de rente qui détruit les forêts et la biodiversité, et entrer dans la bioéconomie.

Ce partenariat autour du capital naturel, j’en suis convaincu, est une des priorités majeures des prochaines années si nous voulons tenir nos objectifs en matière de climat et de biodiversité.

C’est un agenda des « deux COP ». La France y prendra toute sa part.

Nous avons ainsi promis à Libreville, sur la base de ces principes, de nouer de nouveaux partenariats, plus équitables. C’est ce que nous faisons, avec le soutien de tous nos partenaires.

En six mois, nous avons lancé un chantier de grande ampleur avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée, comme avec le Bangladesh en Asie, avec le Congo Brazzaville, la République démocratique du Congo, le Ghana en Afrique, avec la Colombie et le Brésil, en Amérique latine.

Nous avons promis un fonds d’amorçage pour les pays qui en expriment le besoin : ce fonds est désormais opérationnel.

Nous avons promis de réformer le marché des crédits carbone, pour mieux prendre en compte la valeur des stocks de biodiversité. Une taskforce internationale a été lancée et nous donnera son rapport à la COP28.

Sur tous ces sujets, la France sera au rendez-vous. Parce que nous croyons à l’efficacité du multilatéralisme pour sauvegarder nos biens communs. Mais aussi parce que la France est elle- même un pays forestier, en métropole et en particulier en Amazonie, avec la Guyane, et qu’elle a tout à gagner de ces nouveaux partenariats.

Nous nous retrouverons done à Dubaï, pour la COP28, pour annoncer de nouveaux progres. Nous regardons bien sûr aussi vers la COP30, à Belém, au cœur de l’Amazonie. Cette COP devra être le point d’aboutissement de nos travaux pour bâtir les fondations d’une économie nouvelle, qui met le capital naturel au cœur de son projet.

Voilà les quelques mots que je voulais partager avec vous. En vous remerciant pour cette initiative et en vous souhaitant à tous de bons travaux.

Merci à chacune et chacun pour votre attention.

 

Emmanuel Macron

28 octobre 2023