Planète verte
17H10 - mardi 24 octobre 2023

La forêt tropicale, un acteur clé du climat. La tribune de Brice Lalonde

 

A six semaines de la COP28 de Dubaï se tient à Brazzaville le Sommet des trois bassins forestiers qui représentent la quasi-totalité de la forêt tropicale mondiale, l’Amazonie, le Congo, l’Asie du Sud-Est. C’est le second du genre. Le président Sassou-Nguesso, qui est l’un des dirigeants africains les plus concernés par la protection de la nature, n’a pas ménagé sa peine pour organiser ce sommet, allant de COP en COP, de sommet en sommet depuis trois ans.

La protection des forêts est un enjeu majeur de la lutte pour le climat puisque non seulement elles stockent dans les arbres et le sol des quantités considérables de carbone que leur destruction enverrait dans l’atmosphère, mais en outre elles captent le gaz carbonique de l’air pour grandir, du moins quand elles sont en bonne santé. Plus de 10% des émissions mondiales proviennent de la destruction des forêts.

C’est pourquoi les conférences climatiques qui se succèdent ont voulu encourager la lutte contre la déforestation en créant un mécanisme financier qui récompense la réduction des émissions due aux actions de sauvegarde, de bonne gestion des forêts ou de plantation nouvelle. Ces émissions évitées donnent lieu à des crédits carbone qui peuvent être achetés par quiconque veut compenser ses propres émissions, entreprise, congrès, voyageur, voire philanthrope cherchant à financer une bonne action.

L’échange de ces crédits a créé un marché carbone volontaire de plusieurs millions de dollars qui connait des hauts et des bas en fonction des critiques qui lui sont parfois adressées : comment garantir la durée de vie des arbres, comment éviter un déboisement aux alentours du projet sélectionné, comment mesurer le gain réel en matière d’émissions évitées ? Il reste que les actions ont réellement préservé des forêts avec leurs services sociaux et écologiques même si leur comptabilité en carbone est difficile à établir.

Le président du Congo-Brazzaville veut introduire un nouvel acteur dans ce marché : les Etats forestiers. Ce sont les Etats qui garantiraient au plan national la protection des forêts et, offrant des crédits souverains, pourraient les vendre pour financer leur développement tout en les portant à leur actif dans le cadre de l’accord de Paris. La création d’un organisme rassemblant les Etats forestiers tropicaux mettrait un peu d’ordre dans un marché où les Etats auraient pu être tentés de brader la forêt ou d’en exiger des prix excessifs.

Le chemin sera sans doute long pour incarner la coalition voulue par le président Sassou-Nguesso dans une communauté rassemblant les Etats forestiers tropicaux qui serait capable d’organiser un marché mondial de crédits carbone souverains et d’en garantir la qualité, c’est-à-dire d’assurer sur le terrain une gestion rigoureuse des forêts.  Au moins l’initiative est lancée, l’objectif est annoncé. Sa dimension politique s’inscrit clairement dans une dimension Sud-Sud. Il est temps que les Etats forestiers s’affirment comme un acteur majeur des négociations climatiques. C’est l’occasion.

 

Brice Lalonde

Président d’Équilibre des Énergies et ancien ministre de l’environnement