Elysée 2022
08H17 - vendredi 1 avril 2022

Face à la tempête médiatique de la transition écologique, l’éolien souffle un vent d’enthousiasme

 

Les énergies renouvelables sont devenues un objet éminemment politique de la campagne présidentielle. Parmi elles : l’éolien, dont le portrait vire à la caricature à droite, en dépit de sa forte capacité de production et sa pérennité, tandis que son impact sur la santé humaine reste difficile à mesurer.

L’avenir de l’éolien électrise autant le débat présidentiel que les foyers français. A fortiori depuis que l’invasion russe en Ukraine a bousculé le déroulement de la campagne électorale. Dans les JT de la plupart des chaînes télévisées, une mise en garde : 17 % du gaz français vient de Russie. Ou plutôt venait, car en fermant le robinet de ses précieux oléoducs – en représailles des sanctions européennes à son égard – le Kremlin a involontairement contraint les candidats à centrer le débat sur l’énergie. Comment faire pour se passer de l’aide russe ? Et surtout, comment envisager le futur énergétique de la France ? Si la part énergétique des énergies renouvelables s’élevait qu’à 19.1 % en 2020, elle devra néanmoins « doubler d’ici 2030 », afin « d’atteindre les 40 % », en vertu de la Loi de transition énergétique pour la croissance verte. Le secteur de l’éolien, qui représente à ce jour 8.1 % de l’énergie consommée en France selon éCO2mix, continue à se développer dans ce sens. Mais des candidats de droite et d’extrême droite tournent au ridicule ce choix. À commencer par Éric Zemmour, qualifiant l’éolien de « mauvaise énergie qui coûte une fortune ».

Une production quasi continue et renouvelable à 93 %

Mauvaise, sûrement par sa dépendance au vent. En dessous de 10 km/h, la puissance du vent est insuffisante pour faire tourner une éolienne. Un vent trop fort provoque de l’autre côté l’arrêt de l’éolienne, car le risque d’usure de la structure est alors trop important. « Ces cessations d’activité pour cause de vents forts ne dépassent pas les 10 jours par an », rassure toutefois une étude de l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. À ces jours d’inactivité s’ajoutent les opérations de maintenance nécessitant une suspension de la production. Couplées ensemble, ces deux périodes de coupure entraînent une mise à l’arrêt du système 5 à 25 % de l’année en moyenne. Le rapport précise « qu’en fonction de la force du vent », une éolienne « produit autant d’électricité que si elle avait tourné à 25 % du temps à sa capacité maximale ». Une production d’énergie qui sera sans doute améliorée par le progrès technique, qui augmenterait la création d’électricité de 30 % d’ici 2030, pour un même type d’éolienne qu’aujourd’hui.

L’ademe a par ailleurs estimé qu’une éolienne avait intérêt à être recyclée au bout de 20 à 25 ans d’exploitation. Parmi les matériaux entièrement réutilisables : « L’acier et le béton, constituant 90 % du poids d’une éolienne terrestre, [ainsi que] le cuivre et l’aluminium, équivalant à moins de 3 % de son poids ». Ni ses aimants permanents, ni ses pales, sont en revanche recyclables en totalité.

Crédit : L’éolien en 10 questions.

Plus cher que le nucléaire mais moins polluant

Il est toutefois vrai que le coût de production d’un mégawatt-heure (MWh) d’une centrale nucléaire est particulièrement compétitif. Il s’explique par la faible sensibilité aux coûts des matières premières dont requiert le site nucléaire. En comparaison, une éolienne coûte entre 7 et 13 euros de plus que les 53 euros nécessaires à la production d’un MWh pour une même quantité énergétique.

Mais le coût de privilégier une énergie nucléaire, comme le suggèrent plusieurs présidentiables à droite de l’échiquier, impacte plus l’environnement que les caisses de l’Etat. Alors que « le taux d’émission du parc français est de 12,7 g équivalent Co2/kWh pour l’éolien terrestre, et 14,8 g Co2/kWh pour l’éolien en mer », d’après un autre bilan de l’Ademe, les 58 sites nucléaires français en service atteignent les 16 g Co2/kWh. Vieillissant, le parc nucléaire que possède la France depuis sa construction, entre 1970 et 1990, est en somme proche de sa fin de vie. Outre la création de futurs sites d’exploitation, il faudra donc rénover les centrales en service rapidement en cas de prévalence pour le nucléaire.

Des conséquences sur la biodiversité étudiées au peigne fin

Les parcs éoliens en mer français étant moins nombreux et plus récents que les parcs éoliens terrestres, les impacts sur les mammifères marins sont encore difficiles à quantifier. Que ce soit en revanche du côté de nos voisins danois et britanniques, « l’existence d’un effet de « récif artificiel », favorable à la reproduction des poissons et des mollusques, a été très nettement observée sur des parcs installés », récapitule une enquête scientifique. Ce récif artificiel correspond à une structure immergée volontairement, à des fins d’étude scientifique, dans un lieu d’études donnée, en l’occurrence des parcs éoliens aquatiques.

Pour les animaux terrestres aussi, et principalement les oiseaux, des études sont également parues, dont une de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), parue en 2017. Elle conclut que les éoliennes terrestres tuent bien moins les oiseaux que leurs prédateurs naturels. Sur 35 000 prospections, seuls 800 cadavres ont en effet été comptabilisés. Pour limiter toutefois tout risque accru envers ces animaux, « des analyses détaillées de l’occupation du site sur la faune terrestre s’avère indispensable » en amont de tout projet éolien afin de « garantir » le bien-être des oiseaux « sont réalisées », relève un diagnostic. Elles prohibent par exemple l’installation d’éoliennes dans les couloirs de migration de l’espèce vivante.

L’impact de l’éolien sur la santé humaine toujours inconnu

En déplacement à Saint-Brieuc en janvier dernier, Marine Le Pen a capitalisé sur l’hostilité envers l’éolien en déclarant « soutenir le nucléaire face à cette absurdité dangereuse pour la santé ». Mis en cause : le bruit que génèrent les infrastructures. Faibles mais audibles, elles sont la conséquence logique des vibrations mécaniques du souffle sur les pales. Les scientifiques estiment le son émis à environ 35 décibels lorsque l’éolienne se situe à 500 mètres du point de mesure. C’est à partir de cette distance des habitations qu’une éolienne est autorisée à être construite par le droit français. Le son qu’elle dégage à compter de ce périmètre de sécurité correspond à un bruit inférieur à celui émis par une discussion à voix basse.

Crédit : L’éolien en 10 questions.

L’étude explique que « ces bruits peuvent, selon les circonstances, être à l’origine d’une gêne parfois exacerbée par des facteurs autres que sonores », comme l’esthétisme de ces dernières par exemple. L’expression « syndrome éolien » a même été utilisée pour la première fois en juillet 2021, afin de définir les troubles sanitaires constatés auprès d’un couple résidant dans le Tarn. Origine de son existence ? Les maux de tête persistants qu’engendrerait la proximité des deux habitants avec des éoliennes, situées entre 700 et 1 300 mètres de leur domicile. Une estimation à laquelle croit en tout cas le tribunal de Toulouse, malgré le faible impact sonore du parc éolien constaté à cette distance. La justice a d’ailleurs reconnu que ces éoliennes pouvaient avoir des effets nocifs sur la santé des riverains. Et elle a choisi de condamner son exploitant à indemniser les deux victimes.

Même si un investissement majeur dans l’éolien assurerait suffisamment de garanties sanitaires d’après plusieurs études, la plupart des citoyens directement concernés par des projets d’installation d’éoliennes se montrent réticents. Comme pour le nucléaire, ils sont pris en otage par la peur d’observer leur environnement s’enlaidir au profit de précieux sites énergétiques. Que ce soit pour les centrales nucléaires comme pour les parcs éoliens, il faut croire que les Français en veulent, mais loin de chez eux. 

 

Noé Kolanek

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