Elysée 2022
13H52 - mardi 22 mars 2022

Emmanuel Macron, chasseur-cueilleur de la présidentielle 2022

 

Durant une conférence de presse de plus de quatre heures, le président-candidat a discouru sur ses actions et son programme présidentiel le 17 mars dernier. Plus de deux heures de questions ont suivi au monologue d’une heure et demie de Macron, qui a affirmé « se ficher totalement » des clivages droite-gauche que son programme allait nourrir. Mais Emmanuel Macron ne serait-il pas un chasseur-cueilleur d’idées plutôt qu’un politicien convaincu par ses propres charmes ?

Sur les dizaines d’approches évoquées lors de la conférence, nombre des rivaux d’Emmanuel Macron ont tiqué sur les ressemblances avec leurs propres propositions. Annie Genevard, numéro 2 du parti Les Républicains, n’a pas mâché ses mots en qualifiant le programme de Macron de « pillage. » Pourtant les candidats n’ont pas le monopole des bonnes (ou mauvaises) idées, et un consensus entre tous les candidats sur des points de leur programme ne pourrait pas faire de mal dans une société clivée.

Le magicien et son chapeau

Dans les lignes communes entre Emmanuel Macron et les autres candidats, des sujets divers et variés : la lutte contre le harcèlement (scolaire et en ligne), le mal-logement en France (qui atteint des records depuis la crise sanitaire), l’armement de la France ou encore les déserts médicaux. Macron rejoint ainsi Hidalgo dans la lutte contre le cyberharcèlement, et propose de réguler les réseaux sociaux. Surprise, la candidate du Parti Socialiste a placé dans son programme la « création d’une commission nationale de suivi des réseaux sociaux », et instauré les deux harcèlements comme étant son « sujet de grande mobilisation du quinquennat. »

De leur côté, les enchères sur la rénovation des logements en France ont été très animées, notamment par les candidats de gauche. Entre Jean-Luc Mélenchon qui compte obliger les bailleurs à réhabiliter, Anne Hidalgo et ses 760 000 logements rénovés par an, et Yannick Jadot qui en promet 800 000, le monopole du logement n’est pas encore acquis. Alors ni une ni deux, Macron s’est emparé du sujet et annoncé la rénovation annuelle de 700 000 logements à son tour.

Autre sujet, et non des moindres : les déserts médicaux. Soigner un pays qui semble traiter la démocratie comme une maladie, rien de mieux que des renforts de personnel. Des milliers de Français doivent en effet parcourir parfois des kilomètres pour consulter un médecin ou se rendre dans un centre de soin, une aberration en 2022. Emmanuel Macron entend verdir ces déserts, notamment par la création de « permanences ponctuelles dans les territoires les moins dotés » et grâce au développement la téléconsultation. Concernant la présence physique permanente de médecins dans les zones rurales, le président-candidat veut obliger les généralistes y vivant à une quatrième année d’internat. Si Emmanuel Macron s’aligne avec Poutou et Hidalgo sur la question, le traitement réservé diffère entre les candidats (Hidalgo proposant la formation de 15 000 nouveaux médecins par an et une année de formation des médecins-assistants). Quoiqu’il en soit, le président-candidat se révèle également magicien, avec des idées semblables mais bien meilleures que les propositions des adversaires.

L’art de chiffrer le programme des autres

À l’heure où l’Europe tente de ne pas glisser vers la troisième guerre mondiale, les candidats veulent également mieux préparer la France à tout conflit. Dans la lignée de son quinquennat actuel, Emmanuel Macron tient à hisser le budget militaire du pays à 2 % du PIB annuel d’ici 2025. Le pourcentage est pourtant celui visé par le président depuis 2018, et n’est donc point une nouvelle promesse, comme il semblait s’en vanter durant la conférence.

Sans compter les idées « volées »… Le président-candidat qui ne souhaite point débattre avec ses pairs se permet néanmoins de leur répondre dans les grandes lignes de son programme. La polémique visant les odieux propos d’Éric Zemmour sur les familles monoparentales, qu’il faudrait « sanctionner », a noirci les pages du président-candidat. Il promet un « meilleur accompagnement des familles parentales » sans pour autant en préciser la portée. Pour un éventuel prochain quinquennat, il luttera en faveur l’inclusivité totale des handicapés à l’école et à l’université, que Zemmour avait voulu isoler. Sur le sujet, Emmanuel Macron rejoint son grand et puissant ennemi Philippe Poutou, qui l’avait terrassé lors d’un débat télévisé en 2017. Pas un mot sur l’allocation handicapé AAH de 903 euros cependant, en dessous du seuil de pauvreté national de 1063 euros.

En bref, là où la plupart des candidats s’accordent à mettre des mots, Macron s’accorde à y mettre des chiffres. Une aubaine pour le candidat du renouveau, qui n’a alors plus besoin de changer grand-chose.

 

Maud Baheng Daizey

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