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15H07 - jeudi 10 février 2022

Nicolas Imbert : « One Ocean Summit, un choc de responsabilité et des engagements forts sont attendus de la France et de l’Europe »

 

L’urgence de sauver l’océan, engagement de tout une vie pour notre Président Jean-Michel Cousteau et qui fut déjà la raison d’être de la présence du commandant Jacques-Yves Cousteau au Sommet de Rio en 1992, est identifiée comme une urgence impérieuse par les Nations-Unies qui ont fait de la période 2022-2032 la décennie de l’Océan, un appel clair à un changement d’échelle et de priorité drastiques dans les engagements.

Ceci s’inscrit dans un contexte où l’urgence de sauver l’océan a été mise en avant de manière régulière par les rapports successifs du GIEC, rappelée au Congrès de l’UICN, très présente au sommet de Glasgow. Le One Ocean Summit de Brest est une première étape pour préparer le grand Sommet des Nations-Unies sur l’Océan (UN Ocean Summit), qui aura lieu fin juin début juillet à Lisbonne, 30 ans après le Sommet de Rio.

La France a une responsabilité toute singulière concernant l’océan, et cette responsabilité est désormais démultipliée par la Présidence Française de l’Europe, qui permet et qui nécessite un faisceau d’engagements opérationnels concrets d’ici à fin juin 2022.

Nous sommes le pays qui a accueilli la CoP 21 et l’Accord de Paris en 2015. Force est de constater désormais que seuls 30% des engagements pris à date ont été respecté aujourd’hui, et que notre pays n’est pas dans le peloton de tête sur les engagements pris. Les principaux retards sont sur les Aires Marines Protégées, la préservation des côtes et la lutte contre les pollutions, le verdissement des transports maritimes et l’arrêt des pêches illicites et prédatrices. Le projet de décret issu de la loi « Climat et Résilience », loin de faire adhérer les Aires Marines Protégées françaises au standard international, d’en démultiplier le rayonnement et l’effectivité, est à ce titre un signal de trop faible ambition qui nous éloigne et de nos engagements, et de la nécessité d’effectivité et d’exemplarité.

 

Par ailleurs, la France traine les pieds pour signer le moratoire sur l’exploration minière et extractive en eaux profondes. Une adhésion large à ce moratoire est pourtant vécue par de nombreux Etats européens comme internationaux comme le nécessaire point de départ pour une mobilisation plus large et ambitieuses sur les urgences de préservation de l’océan, et fait partie des éléments préalables nécessaires à la sérénité et à la qualité des engagements qui seront pris sous présidence chinoise lors de la CoP Biodiversité à venir.

Sur la pêche, nous avons des progrès importants et structurants à effectuer très prochainement, tant sur l’arrêt de la commercialisation des produits de la pêche illicite et prédatrice, que sur l’évolution forte des pratiques et outils pour une meilleure préservation des milieux. La politique européenne des quotas a montré toute son efficacité dans la reconstitution des populations de thonidés, et est un engagement fort à continuer et aller de l’avant. Comme le rappelait le Président Barack Obama dans son allocution aux dirigeants de la planète à la CoP 26 Glasgow, les outils de protection forte concernant la pêche sont économiques efficaces et bénéfiques, tant pour les pêcheurs que pour l’ensemble des populations qui vivent du tourisme et de la protection de l’environnement, en plus de générer des bénéfices sociaux et écologiques essentiels.

Avec une empreinte maritime de 11 millions de km2, soit la seconde ou la troisième superficie maritime mondiale, avec des industries touristiques, maritimes, nautiques, alimentaire parmi les poids lourds internationaux, avec un réseau d’entrepreneurs, de scientifiques, de navigateurs et de changemakers mobilisés partout sur la planète, la France a un rôle spécifique à jouer sur la préservation des océans, tant en haute mer que dans sa zone économique exclusive et dans ses eaux territoriales. La mer commence ici, message souvent repris sur les plaques d’égouts  communaux, est plus que jamais un message qui doit nous interpeller et nous pousser à agir. Et ce, tout autant en France Métropolitaine que dans les Outremers, avec une pensée toute particulière pour l’Océan Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie Française, Wallis et Futuna) et l’Océan Indien (la Réunion, Mayotte), où les phénomènes climatiques extrêmes comme les possibilités d’aller beaucoup plus vite et plus loin sur les Aires Marines Protégées, la lutte contre la pêche illégale et prédatrice et l’urgence de préserver les littoraux.

 

La Présidence Européenne actuellement exercée par la France permet de mettre en place une feuille de route ambitieuse pour être au rendez-vous de l’histoire sur ces différents sujets – aires marines protégées, protection des côtes, lutte contre les pollutions, verdissement des transports et pêche – d’ici à juin 2022, à Lisbonne.

Lors du One ccean summit, quelques progrès sont d’ores et déjà visibles, en particulier venant des entreprises: le sommet se tiendra en grande partie sur un navire propulsé au gaz et à préservant la qualité de l’air, inauguré pour l’occasion par Brittany Ferries. CMA-CGM premier armateur français et dans le trio de tête international y confirmera le verdissement massif de ses navires actuellemetn en cours.

Par contre, nous sommes beaucoup de représentants et figures de la société civile à demander un « choc de responsabilité » dans la tenue de ce forum. Une partie de la société civile a également organisé un contre-forum pour une action beaucoup plus ambitieuse.

La jeune activiste pour le climat Camille Etienne, soutenue par de nombreux réseaux de jeunes, a repris et adapté le message Don’t Look Up de Leonardo di Caprio – https://www.facebook.com/camilleetienneoff/ –  pour demander via les réseaux sociaux que la France rejoigne immédiatement le moratoire sur l’exploration minière en eaux profondes.

Le président de Green Cross Jean-Michel Cousteau a interpellé en décembre 2021 les Chefs d’État à travers un message « Sauvons nos Océans » avec 10 propositions concrètes, qui semblent des préalables nécessaires à la tenue de sommets internationaux sur l’Océan : zéro plastique, zéro pêche illégale commercialisée, zéro cétacé en captivité, zéro exploitation minière des grands fonds, une Méditerranée et un Pacifique Sud préservés, moins de bruit sous-marin, des eaux de qualité, un transport de marchandise basse émission et novateur, des plans de relance écologiquement ambitieux, une humanité préservée.

L’intégralité de l’appel et le message de Jean-Michel Cousteau sont disponibles ICI : https://bit.ly/SauvonsNosOceans

Comme le répète Jean-Michel Cousteau, « nous savons comment agir. Toutes les solutions sont disponibles pour préserver l’océan, et en préservant l’océan, on se préserve soi-même. Il est temps désormais de sortir du bla-bla et de l’inaction, et de prendre des engagements pour l’océan. L’océan pardonne, et en restaurant l’océan maintenant, nous pourrons en voir les bénéfices pour une humanité préservée en moins de 10 ans ».

C’est pour ceci que nous appelons à un choc de responsabilité lors du Sommet One ocean summit. Parmi les chefs d’Etats présents, certains auront des opportunités particulières à saisir, et tout particulièrement Malte – pays qui annonce avoir repris l’extraction minière en grandes profondeurs – l’Egypte – organisateur de la prochaine Conférence des Parties sur le Climat, la CoP 27 – le Portugal – qui accueillera avec intérêt les nouveaux engagements français et européens espérés et attendus avant la conférence de Lisbonne. Et, bien entendu, la France, dont les actions tant à l’échelle nationale que via la Présidence Européenne peuvent être décisives si nous sommes au rendez-vous de l’histoire et passons par le choc de responsabilité que nous appelons de nos vœux du retard de la mise en œuvre à l’effectivité des engagements.

Le défi est immense: il s’agit de passer d’une conférence de plus à une conférence qui compte. « Plus de bla-bla, des actes maintenant »  demandaient conjointement Greta Thunberg et Barack Obama à la COP 26 Glasgow. Leur message sera-t-il attendu à ce One Planet Summit ?

 

Nicolas Imbert

Directeur exécutif de Green Cross France et Territoires