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18H58 - vendredi 10 décembre 2021

Guerre d’Algérie, chantage mémoriel : mais à quoi joue Emmanuel Macron ? L’édito de Michel Taube

 

Le président Emmanuel Macron continuera-t-il encore longtemps à céder au chantage mémoriel des autorités algériennes ? Que cèdera-t-il le 19 mars 2022, jour de commémoration du cessez-le-feu qui mit fin, il y a soixante ans, à la guerre d’Algérie ? Et le 8 avril 2022, soixante ans après le référendum qui scella les Accords d’Evian et l’indépendance annoncée de ce bout d’Afrique ? Nous serons à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle.

Au surlendemain d’une séance de courbettes du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian devant les autorités algériennes, Emmanuel Macron a envoyé Roselyne Bachelot, la plus inutile et carriériste de ses ministres, expliquer au micro de BFMTV que la France allait devancer de quinze ans l’ouverture des archives de la Guerre d’Algérie.

Et pas n’importe quelles archives ! Celles « relatives aux enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police qui ont rapport avec la guerre d’Algérie ». De quoi dévoiler l’extrême vilénie des troupes françaises, et donc, de la France pendant ces années de plomb, et la complicité d’une justice aux ordres.

« La ministre des Archives, c’est moi », a dit la ministre. Ce midi, lors d’une conférence de presse en présence de son homologue allemand, le nouveau chancelier Olaf Scholz, Emmanuel Macron expliquait, que dans le prolongement du rapport de l’historien Benjamin Stora, « les différentes composantes mémorielles de la France » doivent être reconnues.

« On a des choses à reconstruire avec l’Algérie », précisait madame Bachelot ce matin, ajoutant que cette amitié ne pourrait « se reconstruire que sur la base de la vérité ».

La vérité, certes, mais toute la vérité. Y compris celle des exactions commises par le FNL, ses massacres de civils, ses tortures.

Non, voyons ! Ça, il faut le taire. Seule la France aurait falsifié l’histoire : « C’est la falsification qui amène toutes les errances, tous les troubles et toutes les haines », précise même la ministre qui a toujours su choisir ses amis, elle qui présida naguère le groupe d’amitié France-Irak à l’Assemblée nationale, à l’époque de Saddam Hussein.

Réciprocité ? Comme nous le rappelle Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, « quid des massacres de harkis, des Européens d’Algérie massacrés à Oran, des milliers de disparus européens à la suite des enlèvements orchestrés par le FLN pendant la guerre d’Algérie ? »

Comment Emmanuel Macron a-t-il pu pousser ce qui s’apparente à une soumission au régime algérien, en tout cas à un chantage mémoriel, jusqu’à mettre dans le débat de la campagne électorale la thèse unilatérale d’une Algérie alors engagée dans une guerre d’indépendance ? Que cherche le chef de l’Etat ?

Serait-il si inquiet du résultat de sondages non publiés qu’il en arrive à racoler la même clientèle que Jean-Luc Mélenchon, peut-être bientôt supplanté par Christine Taubira, aujourd’hui plus indigéniste que socialiste ? Ce serait, de surcroit, se tromper de « cible », car outre le fait que la principale immigration maghrébine est aujourd’hui marocaine et non algérienne, cette allégeance au régime d’Alger revient à considérer qu’il a le soutien massif de tous les Algériens de France. La fausse démocratie algérienne a-t-elle menacé la France de représailles terroristes ? La vérité, que dame Bachelot invoque, serait d’expliquer les vraies raisons de cette soudaine précipitation, deux jours après la visite de Monsieur Le Drian à Alger.

Emmanuel Macron avait qualifié la colonisation de crime contre l’humanité. Dans ce cas, il devrait directement proclamer l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, sans référendum, et en faire de même pour tous les territoires ultra marins (et pourquoi pas le Pays basque, la Savoie, la Corse, la Bretagne ou l’Alsace). Il devrait aussi exiger la restitution de l’Amérique aux Indiens et celle du Maghreb aux Berbères.

Nous n’irons pas jusqu’à dire que la colonisation est née avec l’humanité, lorsque les premiers hominidés traversèrent la rivière, et qu’ils s’aperçurent que l’autre rive était plus viable que la leur. Plus forts et plus déterminés, ils en chassèrent les hominidés qui l’occupaient déjà, les massacrèrent ou les réduisirent en esclavage. C’était il y a environ huit millions d’années. Les indigénistes voudraient nous faire remonter aux origines de l’humanité pour bien nous faire porter le poids de l’histoire, de toute l’histoire. Damnés de la terre, bonsoir !

Dire que la colonisation est un crime contre l’humanité, c’est projeter sur le passé des catégories certes de progrès mais nées bien plus tard que les forfaits commis. Elle est, ou du moins elle fut, l’incarnation de l’humanité à une époque, comme le fut la guerre trop longtemps… Mais les vices de l’homme ne caractérisent pas à eux seuls toute l’humanité.

Il fallut du temps pour arriver à la démocratie, aux droits de l’homme et à l’acceptation de ce que la colonisation et l’esclavage sont des crimes, des vices et des fautes, même si ledit esclavage est encore pratiqué dans certaines contrées, ce qui dérange les indigénistes et wokes d’Occident.

Esclavagisme contemporain, disions-nous. Mais aussi autocratie contemporaine. Gangréné par la corruption, le régime algérien n’a rien d’une démocratie moderne fondée sur un État de droit et de grands principes humanistes. Il est belliqueux, antisémite et haineux de la France (sauf lorsqu’elle se prosterne devant lui). Il maintient son peuple dans un état de pauvreté et de désespoir qui l’a conduit à chercher des exutoires et à allumer des contre-feux pour tenter de rétablir un semblant de cohésion nationale. La jeunesse algérienne, celle du Hirak qui descendit dans les rues tous les vendredis pendant deux ans, en sait quelque chose.

Revenons à l’histoire. La guerre d’indépendance de l’Algérie fut le théâtre de nombreuses exactions, comme toutes les guerres. L’armée française n’a pas été en reste, à l’instar des Marines américains et des Viêt-Cong au Vietnam. Faut-il aussi blâmer la France pour avoir massacré des Allemands à Verdun (et réciproquement) ? Faut-il blâmer les Américains pour nous avoir sauvés, sur les plages de Omaha Beach, ou en bombardant Dresde ou Berlin ?

Si la France ouvre prématurément ses archives de la Guerre d’Algérie, il faudrait a minima exiger la réciprocité. Mais l’autocratie algérienne ne le voudra jamais.

Le refus d’Emmanuel Macron de conditionner ce travail de mémoire au même traitement côté algérien est une faute politique majeure.

 

Michel Taube

Directeur de la publication