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18H57 - mardi 31 août 2021

La mascarade d’Affelnet

 

Le 29 juin dernier, les résultats d’affectation en lycées sont tombés. Tombés est bien le mot pour les élèves et leurs familles tant la déception, l’incompréhension et maintenant la colère sont de mise au collège César Franck, en effet, la quasi-totalité des enfants non boursiers ont « obtenu », leur 10ème et dernier choix dans le cadre de la nouvelle réforme du système Affelnet (affectation des élèves par le net), et ce quel que soit leur niveau scolaire. 

Cette réforme, nous en avons défendu le principe, et nous sommes l’un des seuls collèges du centre de Paris dans ce cas, tout en étant conscients qu’elle réduisait les choix de nos enfants, au nom de la justice sociale. Elle a en effet pour ambition de corriger les inégalités dans l’affectation en lycées. Pour ce faire, elle donne un bonus très important (600 ou 1200 points) à tous les élèves (quel que soit leur niveau social) qui ont fait leur scolarité dans un collège dont « l’indice de position sociale » est déterminé par l’éducation nationale comme étant sous la moyenne parisienne. « Déterminé » est bien le mot, car personne ne sait comment cet « IPS » est calculé pour chaque établissement, avec quelles données statistiques ou déclaratives. À César Franck, il a été déterminé comme étant à 124,5, soit 0,5 point au-dessus de la moyenne parisienne. Il faut bien inventer une limite n’est-ce pas ? Autre mesure, chaque collège se voit désigner 5, et seulement 5, lycées dits « de secteur 1 » dont le choix donne plus de points. L’idée étant de proposer à la fois des lycées attractifs, moyens et peu attractifs (dans notre cas Charlemagne et Victor Hugo, Simone Veil et Arago et enfin Voltaire) à proximité de distance, mais aussi de temps de trajet (plutôt une bonne idée puisque les lycéens peuvent prendre le métro). 

Il a été assuré aux familles que, si elles indiquaient les 5 lycées de ce fameux secteur 1 dans leurs 10 vœux, les élèves auraient forcément l’un d’entre eux. On ne nous a pas totalement menti : 29 élèves sont affectés au lycée Voltaire, soit 67 % des affectations dans l’un des 5 lycées du secteur 1. L’immense majorité d’entre eux ne l’avaient « choisi » que très fortement « incités » par l’administration et donc en 10ème position sur 10. Nombre des élèves ainsi affectés, contre leur gré et leurs aspirations, ont des moyennes supérieures à 17 voire à 18. La quasi-totalité des très rares élèves affectés dans l’un des 4 autres lycées du secteur sont les boursiers, qui font l’objet, désormais (3ème pan de la réforme), d’une affectation préalable, ce qui est aussi a priori une mesure juste. Sauf que, concrètement, le résultat est qu’une fois les boursiers passés, il n’y a pas eu de place pour les autres élèves de César Franck dans aucun des 5 lycées du secteur 1, à part à Voltaire. À César Franck, il n’y a pas eu de choix… du tout. 

Le rectorat a communiqué sur le fait que 80 % des élèves auraient obtenu un de leurs trois premiers vœux à Paris. Au collège César Franck, ce pourcentage est seulement de 40 %, dont 20 % de premier vœu soit… à peu de choses près le pourcentage de boursiers. 

Ce sont sans doute de nos enfants (qui sont des personnes réelles et pas des chiffres) dont parle madame Claire Mazeron, directrice adjointe de l’éducation nationale chargée des lycées de Paris, quand elle déclare dans la presse « les lycées traditionnellement évités par les familles attirent aussi davantage de bons élèves cette année, qui cite l’exemple de Voltaire : l’enjeu était d’y faire entrer des têtes de classe, et nous y arrivons. Car l’an dernier seulement 7 élèves avaient plus de 15 de moyenne. Cette année ils sont 52, ce qui signifie qu’il y aura 4 ou 5 élèves par classe, ce qui est intéressant pour relancer la dynamique ».

En effet, « ils y arrivent » même si ce lycée n’a « attiré » personne. Mais ce que nous aimerions savoir c’est comment. Comment un algorithme dont personne ne connaît la recette a pu donner comme résultat miraculeux que quasi tous les moyens et bons élèves de César Franck ont été affectés à Voltaire ?

Et surtout, dans ce cas, pourquoi avoir menti aux familles et aux élèves en leur demandant de faire des vœux ? Pourquoi cette mascarade de remise des affectations à la sortie même de l’épreuve du brevet, dernier contact des enfants avec leur collège, qui s’est transformé en crise de larmes généralisée, avec de très bons élèves soudain persuadés, à tort bien sûr, mais mettez-vous à leur place, qu’ils allaient rater leur vie ? 

Pourquoi ne pas avoir affecté directement les enfants sans leur donner le choix, cela aurait été au moins plus honnête et moins destructeur pour les élèves ! Ils auraient alors su que, pour César Franck, cette année c’était Voltaire ou rien. Et que cela n’était peut-être pas si grave, à condition qu’on en parle sereinement avant, qu’on affecte bien les élèves de tout Paris de manière juste, avec tous les types d’élèves dans tous les lycées de tous quartiers de toute classe sociale et de tous niveaux et ce sans monter les quartiers les uns contre les autres. Mais non, l’éducation nationale a préféré dire aux gens qu’ils avaient le choix. Aujourd’hui, nous lui demandons d’assumer ce mensonge face aux enfants et à leur famille.

Cette réforme doit être évaluée et revue en fonction de la réalité de ses effets : Le rectorat doit baisser l’IPS des collèges qui, comme le nôtre, sont dans un quartier favorisé, mais comportent beaucoup de boursiers, créer plus d’échelons d’IPS pour limiter les effets de seuil, surveiller et harmoniser le système opaque et très disparate de l’attribution des fameuses « compétences » qui compte pour la moitié de l’évaluation des élèves —Il semble qu’à César Franck ce soit la rigueur qui prime ce qui pénalise incroyablement les élèves —, ré-échelonner le système de prise en compte des notes (aujourd’hui 15 et 19 de moyenne valent le même nombre de points) et enfin diminuer le nombre d’établissements qui peuvent avoir accès aux lycées les plus demandés.

Nous croyons à la nécessaire révision du système des lycées de niveaux, à la logique de proximité fondée sur le temps et non la distance, et donc un choix un peu restreint pour les enfants vivant dans les quartiers favorisés. 

Mais, pour l’instant, c’est une cohorte entière d’élèves, futurs citoyens, après près de deux ans d’expérience scolaire dégradée dans le cadre de la pandémie, qui aura désormais du mal à faire confiance à la parole publique, comme elle a depuis des mois l’impression que l’éducation nationale ne les met plus du tout au cœur de ses préoccupations. Que devons-nous leur répondre en tant que parents ? 

Espérons que cette cohorte sera la première et la dernière dans ce cas. En tant que parents, parce que nous devons à nos enfants de leur montrer qu’ils peuvent avoir confiance dans l’école de la République, qu’ils ont des devoirs, mais aussi des droits, nous nous battrons pour cela à nouveau à la rentrée. 

Nous précisons que notre demande d’audience au rectorat a reçu une réponse favorable… en nous laissant moins de 2 heures pour fournir les noms des parents présents pour un rendez-vous le lendemain, avant d’être… annulée. Nous n’avons reçu aucune autre réponse à nos questions et interpellations depuis. 

Notre position est sans doute trop nuancée… ou trop naïve ?

 

Les représentants élus des parents du collège César Franck, Paris 2ème arrondissement