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02H12 - samedi 20 mars 2021

Coup de chiffon sur l’Académie française. La fougue de Catherine

 

Jusqu’à présent, j’imaginais l’Académie française occupée à abriter du vent de la modernité les vestiges d’un brillant passé. Craignant peut-être qu’il ne s’envole avec la poussière qui le couvre. Dans mon esprit, mal tourné ?, l’institution s’incarnait en momies bien assises dans des fauteuils sous une coupole. J’y ai regardé de plus près, afin de respecter mon devoir de recherche, et fus bien étonnée de m’être si peu trompée.

Conscient du rôle de la langue dans l’unité d’une nation, le cardinal de Richelieu entreprit de fonder l’Académie française, en 1635, pour donner au français ses lettres de noblesse. Il poursuivait ainsi l’œuvre de François 1er qui avait ordonné, un petit siècle auparavant, l’adoption du français « vulgaire » comme langue juridique officielle, à la place du latin. Il s’agissait désormais de doter cette langue populaire des termes qui lui permettraient de traiter des arts et des sciences, et de l’accompagner dans son évolution. L’enjeu très politique de cette nouvelle institution n’échappa pas aux membres du parlement de Paris qui en bloquèrent le projet pendant deux ans et demi. Une fois la crise passée, au fil des ans, l’Académie gagna en autorité et aussi en prestige. En 1672, le roi Soleil l’installa au Louvre et lui offrit quarante fauteuils, tous identiques, pour ceux qui y siégeaient. Enfin, vint l’uniforme qui lui date de 1801.

Depuis, côté tradition, on dirait que rien n’a changé.

Engluée dans le décorum, l’institution ressemble à une grenouille dans le formol. Quant aux académiciens, enivrés par l’honneur de leur statut d’immortels, ils acceptent sans broncher de s’affubler d’un uniforme non seulement ridicule mais ridiculement onéreux. Composé d’un bicorne, d’un gilet et d’un pantalon ornés de rameaux d’olivier brodés en vert et or, il coûte à la fabrication jusqu’à 35 000 euros. Sa confection est confiée à de grands couturiers, Lacroix, Lanvin, Cardin, Balmain… Il y a aussi l’épée qu’on dispense les dames de porter – mais c’est à elles, bien sûr, voyons !, de décider – conçue et réalisée pour la plupart par des artistes joailliers, parmi lesquels Cartier, Arthus Bertrand, Boucheron, et dont le prix atteint, lui aussi, des sommets. Je conclurai, enfin, cette partie accessoire, et tellement profane !, avec des chiffres. Le patrimoine immobilier de l’Académie française est évalué à ce jour à 341 millions d’euros. Selon la Cour des Comptes, la seule année 2013 (dernières données dont on dispose), les académiciens ont coûté aux contribuables, au total, en indemnités, 2,6 millions d’euros. Soit, divisé par quarante, 65 000 euros par tête de pipe – seulement !

Mais cessons là les mesquineries. Qu’en est-il donc de l’essentiel ?

À mon avis, l’Académie faillit à sa mission. Car pour y réussir, il ne suffit pas d’inventer quelques néologismes pour résister à l’intrusion d’anglicisme dans notre langue, de veiller à l’assouplissement de certaines règles orthographiques ou au maintien du bon usage. Il ne suffit pas plus de juger de l’extérieur, voire de haut, les évolutions mais d’en être les acteurs. Ce qui est loin d’être le cas.

Ainsi l’Académie, en 2014 encore, rejetait la proposition de féminisation des noms de professions. Arguant de la neutralité des termes masculins. Les féminiser, selon elle, aurait eu l’effet contraire de celui escompté : un effet dévalorisant. Il a fallu attendre février 2019 pour parvenir enfin à faire bouger cette ligne. Comment un forum composé de membres élus à vie, dont 15 % seulement de femmes et 0 % de jeunes, peut-il prétendre assimiler les changements fulgurants, profonds, de notre langue ?

Alors que faut-il faire ?

Comme disait mon grand-père : « Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ». Aussi, je proposerais plutôt que de fermer boutique de s’atteler à l’écriture d’un nouveau cahier des charges, et changer l’esprit maison, en commençant par  y asseoir dans des fauteuils, jaunes, bleus, rouges, roses, des rappeuses, des slameurs, poètes, ou écrivaines, de celles et  ceux qui parlent, qui chantent, composent le français, qui le pétrissent au quotidien pour en extraire toute la beauté. De celles et ceux qui oseront tomber les habits d’apparats, et secouer les puces des vieilles institutions.

 

Catherine Fuhg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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