L'humeur de Catherine
07H45 - samedi 20 février 2021

Molière, être ou ne pas être has been. La fougue de Catherine

 

Nicolas Mignard (1606-1668). Molière (1622-1673) dans le rôle de César de la « Mort de Pompée », tragédie de Corneille. Paris, musée Carnavalet.

Un relativisme culturel s’installe dans la société et il est malheureusement transmis aux jeunes par des parents démissionnaires, des enseignants convaincus et des réseaux sociaux au langage déstructuré. Déboulonner des statues, retirer des films culte des plateformes de streaming, réécrire la chute de pièces de théâtre, le nouveau monde qui advient efface l’histoire et, au fond, la réécrit comme une gigantesque fake-news. Il est urgent d’être vintage ! Michel Taube

 

Dès que j’eus vent de cette affaire, mes neurones bouillonnèrent, se mêlèrent, se bousculèrent – laissons tomber le passé simple et ce langage bien châtié, même si je l’aime bien –, incapables de se fixer sur une direction de pensée. La polémique soulevait tant de questions intéressantes ! Toutes aussi importantes… Pour ne pas lasser mon lecteur, je me concentrerai sur deux.

Commençons par une mise au point : réécrire Molière, ça va pas ?!!!! Voilà. Fallait qu’ça sorte. Pourquoi ? Ben parce que, allo, quoi ! Ma réponse simplifiée pour lobotomisés. Maintenant, pour les autres : parce que, à force de manger de la bouillie pour édentés, nos descendants naîtront sans dents. Comme les poules, oui, exactement. Faut-il traduire en youtubais pour ceux qui peineraient à comprendre les métaphores, et lire entre les lignes ? En effet, si l’on en croit le transformisme de Lamarck, bien que largement contesté, le corps humain s’adapte à son environnement et à ses nécessités. Nous aurions perdu par exemple nos beaux pelages d’origine, pas nous tous mais la plupart, à force de voler celui de nos amies les bêtes pour en couvrir nos corps – ma formation scientifique est approximative. Et donc, sans noisettes à croquer, ou viande rouge à mâcher, plus besoin de dentier. « Pas de bras pas de chocolat. » Excusez-moi le raccourci, j’en avais trop envie.

Ainsi, à vouloir épargner l’effort intellectuel à nos chères têtes blondes*, nous risquons de leur léguer, dans le meilleur des cas, des cerveaux de gallinacés, et, dans le pire, de moules – pour changer un peu des huitres.

Attention, cependant, pas toutes les têtes blondes ! Celles dont les parents savent seront initiées aux délices de la langue de Molière, et au second degré lorsque les autres auront YouTube et la téléréalité. Jusqu’au jour où, soudain, nous constaterons, horrifiés (enfin seulement à moitié, puisque ceux qui constateront seront du bon côté du manche), la séparation biologique de l’espèce française en deux – je grossis le trait pour les miros –, avec d’un côté les sachants, pour dominer et ordonner, de l’autre les ignorants, ou teubés, pour obtempérer. Et tout cela au nom des meilleures intentions du monde : aider, démocratiser, se mettre à la portée… 

Ici, avant de continuer, je cèderai la parole à Jean-Baptiste Poquelin pour un petit intermède : « L’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus (1) ». Trop compliqué ? Sans doute, à une époque où l’on hésite à appeler un chat un chat. Moi, je trouve ça plutôt brûlant d’actualité. Et pour ma transition vers mon deuxième volet, j’aimerais rebondir sur une autre citation : « Souvent on entend mal ce qu’on croit bien entendre (2) ».

Car l’autre problème essentiel dans cette vilaine affaire tient à la relation de trop nombreux journalistes aux faits qu’ils rapportent au public. Ainsi certains s’autorisent à les tronquer voire les biaiser pour les besoins d’une bonne cause ou simplement pour le plaisir de créer la polémique. Dans l’affaire qui nous préoccupe, un journaliste de France Culture – passons – a profité d’un programme d’apprentissage du français destiné à des étudiants polonais non francophones pour lancer le débat d’une réécriture « adaptée » aux nouvelles générations des textes de Molière, mettant le feu aux poudres. On sait pourtant à quelle vitesse, de « ta gueule » en « whesh whesh » le ton monte sur Twitter et autres réseaux sociaux. 

Pas si grave, dites-vous ? Peut-être pas lorsqu’on s’en tient à littérature. Mais très, si l’on déborde sur des sujets politiques ou des conflits sanglants, et que ces fausses informations servent d’armes à des démagogues, parfois de la pire espèce, pour saper la confiance du peuple dans leurs médias. Car ne nous leurrons pas, le Fake News ou fausse info n’est pas une création ex nihilo de l’esprit dérangé d’un mégalo.

 

Catherine Fuhg

 

 

 

 

 

 

 

 * Que les bruns et les roux m’excusent cette expression innocente. Quoi, ça n’existe pas ? Comment ça, excluante ?!!

  1. Dom Juan ou Le Festin de Pierre, Acte V scène 2.
  2. Dom Garcie de Navarre ou Le Prince jaloux, Acte I scène 3.

À lire absolument sur ce même sujet l’excellent article d’Anne-Sophie Chazaud paru le 15 février dans Le Figaro : https://www.lefigaro.fr/vox/culture/moliere-reecrit-le-mepris-et-l-abetissement-20210215 

 

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