Edito
09H06 - mercredi 27 janvier 2021

Le sens d’Auschwitz… en 2021. L’édito de Michel Taube

 

Il y a 76 ans, le 27 janvier 1945, l’Armée rouge libérait le camp d’extermination d’Auschwitz, situé en Pologne, dévoilant ce dont la folie humaine pouvait être capable. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, on dénombra 6 millions de Juifs exterminés, dont 1,5 million d’enfants, en partie par balles, mais surtout dans des usines de mort. 6 millions sur une population totale de juifs estimée à l’époque en Europe à 9 millions de personnes. 64% des juifs d’Europe ont donc été exterminés !

La Shoah est l’incarnation de la barbarie humaine parce qu’elle fut hors humanité. Des abattoirs industriels dirigés par des fonctionnaires et optimisés par des technocrates qui étaient au-delà de la haine. Au procès de Nuremberg, ils n’exprimèrent aucun regret. Ils avaient fait leur travail. Pour Adolph Hitler et les nazis, les Juifs étaient l’explication évidente de la crise économique et sociale que traversait l’Allemagne. La France de Vichy partagea ce constat, en y ajoutant la responsabilité de la débâcle militaire. Les Juifs étaient tous des capitaines Dreyfus !

L’antisémitisme est une forme de racisme aussi ancienne et universelle que la dissémination des Juifs dans le monde, au gré des persécutions, des pogromes, des exterminations. Il fut propagé sur la planète par l’Église catholique, comme produit dérivé de sa propre entreprise de colonisation. Unique peuple minoritaire de l’Antiquité qui ait traversé les siècles, les Juifs ont régulièrement été les parfaits boucs émissaires des sociétés malades, celles qui se désagrègent jusqu’à dégénérer dans un totalitarisme. 

C’est pourquoi l’antisémitisme n’est pas seulement l’affaire des Juifs. Tel un thermomètre, il est un indicateur de l’état de la société.

Le seul fait que les Juifs aient survécu à toutes les tentatives d’éradication est en soi un prétexte à l’antisémitisme, sur le mode « il n’y a pas de fumée sans feu ». Proverbe abject quand on y pense. 

Auschwitz est mort en 1945 mais Auschwitz, que certains voudraient transformer en parc d’attraction (« Auschwitzland » ?!), vit encore dans l’esprit de nombreuses personnes en 2021 ! Et elles sont plus nombreuses aujourd’hui qu’en l’An 2000 par exemple ! Tel est le triste sort de notre époque…

Quelle époque ! Epoque du complotisme galopant… Or il n’y a pas de complot sans Juif, dans l’esprit de tout complotiste qui se respecte. Le protocole des sages de Sion, pamphlet concocté par la police du tsar en 1903 pour accuser les Juifs de vouloir détruire la chrétienté et dominer le monde, est encore un best-seller dans plusieurs pays, et une référence pour de nombreux complotistes. 

Et s’il n’y avait que ça : peuple déicide pour le clergé post époque de Jésus (qui lui, était juif, et non antisémite !), accusés d’avoir inventé le capitalisme (le vilain Rockefeller et aujourd’hui les Rothschild) et le marxisme (ce cher Karl et ses apôtres juifs, comme Trotski), accusés au Moyen-Âge d’avoir contaminé les puits avec leur invention satanique, la peste noire…, la liste des prétextes au massacre des Juifs est longue. Trop longue. 

À l’heure de la pandémie de Covid, les Juifs et les Chinois se partagent, sur les réseaux sociaux, la palme des accusations de complot, mais les premiers ont pris la tête, notamment pour les extrémistes de droite, de gauche et de l’islam radical. Le succès de la campagne de vaccination israélienne a alimenté leur folie. Avoir commandé massivement des vaccins payés au prix fort, alors que l’Union européenne chipotait sur le prix, et maîtriser la logistique un peu mieux que notre formidable administration française, voilà qui est nécessairement suspect, quand ce n’est pas la preuve. La preuve de quoi, au juste ?

Aujourd’hui, le monde, par le truchement de l’ONU, commémore le 76ème anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz, lieu le plus horriblement emblématique de la Shoah, une commémoration certes virtuelle, pandémie oblige. C’est bien de pleurer sur le sort des Juifs morts mais pensons aussi à ceux qui aujourd’hui sont victimes d’antisémitisme. 

Dans les pays occidentaux, et tout particulièrement en France, l’extrême gauche, complice de l’islam politique et radical, prétend condamner l’antisémitisme alors qu’elle l’alimente avec constance, en s’abritant derrière un antisionisme qui finit même par lasser les pays arabes sunnites, ceux du Golfe persique en particulier. A l’extrême droite, l’antisémitisme est tout aussi virulent, entre autres déclinaisons du racisme : « on est chez nous », nous, Français blancs et chrétiens. Les minorités séduites par le discours du RN devraient en être conscientes. Aux États-Unis, les actes antisémites se multiplient, qu’ils soient le fait d’extrémistes de droite, comme ceux qui avaient envahi le Capitole, des antifas et extrémistes des Black lives matter, ou de musulmans radicalisés, ivres de haine. 

À l’inverse, l’antisémitisme semble reculer dans une partie de l’Afrique, de l’Asie et du monde arabe. Des pays comme le Maroc assument et revendiquent leur part de judaïté.

Plus jamais ça, n’avait-on juré à la libération d’Auschwitz. Aujourd’hui sur les réseaux sociaux, d’aucuns regrettent, dissimulés derrière leur pseudo, qu’Hitler n’ait pas « terminé le travail ». 

Au Rwanda, en 1994, environ 800.000 Tutsis furent assassinés par des Hutus en trois mois, à l’arme blanche dans la plupart des cas. C’est la Fondation pour la mémoire de la Shoah qui est le premier bailleur mondial du travail de mémoire du génocide rwandais. « Nous sommes tous des juifs noirs », comme nous l’avons écrit à plusieurs reprises

Si la Shoah restera singulière, à jamais, l’homme est toujours capable du pire, comme du meilleur bien sûr. Plus jamais ça ? La meilleure manière de s’en assurer est de commémorer, encore et encore, pour que jamais ne s’efface la mémoire, et de ne rien laisser passer des relents d’antisémitisme et de racisme.

Tiens, Messieurs Zuckerberg et Dorsey, et si vous bannissiez tous les propos antisémites de vos toiles numériques ?

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

 

Directeur de la publication