International
16H39 - vendredi 30 octobre 2020

Josué Pierre Dahomey, Ambassadeur d’Haïti en France : sortir de l’éternelle transition en Haïti ou la volonté du Président Jovenel Moïse

 

La Constitution haïtienne de 1987 a fait son temps. Elle était destinée à préserver le pays des autocraties qui s’y étaient succédées. Mais elle a outrepassé son rôle et ses trente ans d’existence ont fini par signer l’échec de l’ultra-parlementarisme qui la caractérise. Le 23 octobre, le Président de la République, dans une adresse à la Nation a annoncé officiellement le souhait largement partagé de donner au pays une nouvelle charte constitutionnelle qui soit un bouclier démocratique, et non plus une épée contre l’ancienne menace d’un régime dictatorial qui ne guette plus le pays.

 

Le problème constitutionnel haïtien

En voulant rompre avec les pratiques dictatoriales qui ont caractérisé l’ère des Duvalier, la Constitution de 1987 a consacré la légitimité de l’ultra-parlementarisme haïtien. Il est vrai que la Charte post-duvaliériste répondait à un impératif de l’heure : sans elle, les acquis démocratiques encore récents seraient mis en danger par les partisans de l’ancien régime. L’exclusion des duvaliéristes, sans doute nécessaire pour nous sortir définitivement de la dictature, a également permis que soient installés dans les esprits les principes d’élections libres et démocratiques et de la liberté d’expression.

Toutefois, en voulant tirer un trait sur l’autocratisme sanglant du régime présidentiel des Duvalier, la Constitution est parvenue à consacrer dans la foulée le règne d’un parlementarisme démesuré, avec comme conséquences délétères le déséquilibre des pouvoirs publics, l’immobilisme et l’instabilité politique chronique.

Le temps est donc venu de tirer les leçons des errements du passé et de rectifier les dérives de la Constitution de 1987. D’où la volonté du Président Moïse, conformément à l’exigence de modernisation politique du pays, de doter le pays d’une nouvelle charte constitutionnelle qui soit un bouclier des acquis démocratiques et non plus une épée contre le péril évanescent de la dictature. Il existe aujourd’hui une nécessité de réintroduire une vraie verticalité, tempérée par un parlement et un pouvoir judiciaire indépendants.

 

Vers une pédagogie indispensable à la stabilité politique

Haïti est aujourd’hui à la croisée des chemins. Le pays se trouve dans une situation qui rappelle la « valse » chronique des gouvernements sous les IIIème (1870-1940) et IVème (1946-1958) Républiques françaises. L’ultra-parlementarisme haïtien consacré par la constitution de 1987 est en effet source d’instabilité. Haïti a connu vingt-cinq premiers ministres et quatorze chefs d’États en trente-trois ans. Peu d’entre eux sont parvenus au terme de leur mandat. Une statistique éloquente qui en outre ne tient pas compte des longues périodes où le pays fut administré sans aucun gouvernement. Cette situation est due à un climat institutionnel délétère où chaque pouvoir semble avoir une seule finalité : parasiter les autres dans leur fonctionnement, notamment lors du mécanisme de nomination du premier ministre qui doit être confirmé selon un lourd processus bicaméral (présentation de sa politique générale à la fois devant la Chambre des députés et devant le Sénat). Donc, pour que le pays soit doté d’un Premier ministre, le président doit s’assurer de disposer d’une majorité dans les deux chambres alors même que les temps électoraux sont discordants. Un processus verrouillé via la gabegie électorale autour des sièges au parlements, facilitant le contrôle des chambres par certaines élites détenant les leviers économiques du pays.

Néanmoins, comme chacun peut le percevoir clairement, si les dispositions qui attribuaient l’essentiel du pouvoir politique au parlement avaient quelque valeur autrefois, elles sont plutôt contre-productives aujourd’hui. Nous avons hélas affaire à l’un des plus grands paradoxes de la vie politique haïtienne : la constitution qui est censée garantir l’équilibre des pouvoirs apparait elle-même comme l’une des principales sources de l’instabilité conduisant le pays au blocage voire carrément à l’impasse politique.

C’est une des conséquences du conflit marqué de légitimité entre un parlement de représentants élus, et un président disposant de la légitimité démocratique du suffrage universel mais qui se trouve en incapacité de gouverner voire de s’assurer que le gouvernement puisse fonctionner. Haïti fonctionne ainsi, en présence d’un gouvernement sensé disposer d’un pouvoir exécutif fort mais dans les faits réduit à l’impuissance par l’instabilité parlementaire.

Il convient donc de sortir de cette impasse. Pour ce faire, la volonté du Président Jovenel Moïse et de toute son équipe gouvernementale est de s’inspirer de la manière dont la cinquième République en France s’est donnée la Constitution d’un régime stable par voie référendaire dès l’année prochaine.

 

Une double exigence de réinvention pour sortir du terreau de l’immobilisme de l’instabilité chronique

Instaurer un nouvel équilibre des pouvoirs publics à travers une autre Constitution et réaliser des élections législatives, locales et présidentielle au cours de l’année 2021, telle est la double exigence de l’action gouvernementale indispensable à la stabilité politique et à la paix sociale.

Haïti doit donc réussir à relever deux défis majeurs : celui d’une nouvelle constitution et celui des élections devant assurer l’alternance démocratique du pouvoir exécutif le 7 février 2022. Au demeurant, le président Moïse a annoncé ne pas souhaiter se représenter sous l’empire de la nouvelle Constitution.

Nous sommes déterminés à sortir de l’immobilisme et à poser les jalons pour sortir de l’instabilité. Dans cette optique, le choix de la nomination d’un Conseil Électoral majoritairement issue de la société civile est en parfaite cohérence avec la vision du Chef de l’Etat. Ce choix tient compte de la pluralité politique du pays en intégrant des éléments issus de l’opposition. Tout est donc fait pour donner à Haïti des conditions électorales optimales, sous la supervision étroite des institutions, partenaires et amis de la communauté internationale.

La République d’Haïti compte donc sur le soutien de la France pour l’aider à réaliser ce qu’elle même avait fait en institutionnalisant la cinquième République par voie référendaire. Enfin, les Haïtiens souhaitent une Constitution qui soit un creuset à la fois humaniste et progressiste. La vision qui guide l’action du Président de la République d’Haïti va dans le sens du plus grand respect des droits fondamentaux au service du mieux-être de tous les citoyens et de la recherche d’un meilleur équilibre des pouvoirs susceptible de garantir la stabilité politique, la paix sociale et le progrès économique.

 

S.E. Josué Pierre Dahomey

Ambassadeur de la République d’Haïti en France

 

 

 

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