International
17H35 - vendredi 24 juillet 2020

La recherche du « bien commun » et la transition écologique passent-elles par la décroissance ? La chronique de Patrick Pilcer

 

Avec la pandémie liée au Coronavirus et la crise économique qui en découle, nombre de think-tanks s’interrogent sur la décroissance, voire sur les vertus supposées de la décroissance.

Poser la question de la décroissance économique, même si les auteurs de la question laissent souvent le terme économique en filigrane, en pleine sortie du Déconfinement, peut donner l’impression d’être quelque peu détaché du réel. En effet, ce confinement lié à la tristement fameuse Covid 19 fut une expérience de décroissance économique grandeur nature. La plupart des pays dits avancés ont vu leur économie chuter brutalement et fortement. PIB et PNB ont baissé de 10 à 20% ! Même la Chine, dont la production de chiffres économiques est sujette à caution, devrait connaître la décroissance.

En France, cette décroissance va coûter entre 100 et 200 milliards d’euros aux finances publiques, c’est-à-dire aux Français, à vous et à moi. A l’automne, la décroissance générée par le confinement, ajoutée aux gestes barrières, à la distanciation, non pas sociale, mais physique, détruira près d’un million d’emplois en France, peut-être même plus ; un million de chômeurs en plus ! un travailleur sur dix sera au chômage fin 2020, malgré le net redressement que connaissait notre économie depuis quelques mois, avant ce satané virus.

Poser la question de la décroissance peut donc paraître quelque peu provocateur. La décroissance est la baisse de la consommation et donc de la production. Il ne s’agit pas de changement de mode de consommation ou de production, comme l’alimentation bio, ou l’utilisation de matières recyclées, des changements de mode qui génèrent de la croissance également, mais de restreindre la consommation et en conséquence la production. Il s’agit en somme de confiner l’économie, la restreindre.

Mais commençons par nous concentrer sur les deux sujets de cette question, la recherche du bien commun et la transition écologique en définissant au préalable les termes.

Le bien commun, qu’est-ce donc que le bien commun ?

En Politique comme à l’Académie, on comprend souvent mieux un terme en le mettant au pluriel. La Liberté devient plus compréhensible en examinant les libertés. Ce pourrait être le cas du Bien Commun. Quels sont alors les Biens Communs ? Les ressources naturelles, l’air, l’eau, les sols peuvent être considérer comme des biens communs, mais la culture également. L’économiste Paul Samuelson, dans les années 50, s’attacha à définir avec précision les biens communs. Il définit les biens communs au moyen de deux critères : le critère de non-exclusion et le critère de non rivalité. Selon le critère de non-exclusion, un bien est commun quand personne ne peut en être exclu. Par exemple l’air. Selon le critère de non-rivalité, l’usage fait par un individu n’empêche pas l’usage que peut en faire un autre individu. Par exemple, la défense nationale, la justice, la police. Notre armée, notre police, notre justice, me protège mais protège aussi mes voisins, ou les habitants du bourg lointain.

Ce dernier point rejoint une autre lecture que nous pourrions faire du terme bien commun, en le traduisant en latin. On trouve alors rex publica, qui donne République. Jean Bodin définissait en 1576 la République comme « le droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine ». La République est donc l’intérêt général. Et la recherche du bien commun, c’est la République.

Si nous prenons cette définition, sauf à être malthusien et prônée la décroissance démographique, nous ne voyons pas trop en quoi la recherche du bien commun, la République, la recherche de l’intérêt général, la justice, nos forces armées, la police, notre sécurité, notre santé, notre culture, etc… passerait par le chemin de la décroissance. Sauf encore une fois à choisir la décroissance démographique, nos besoins en matière de santé, de sécurité, de justice, de défense, de culture, etc… devraient plutôt être amenés à croître qu’à décroître. La crise du Covid a démontré qu’il nous fallait dépenser plus et mieux dans notre système de santé, dans nos hôpitaux, nos Ephad, dans la rémunération des personnels soignants. Il nous faut dépenser plus et mieux dans la Justice, dans les prisons, dans nos forces de police, dans notre armée, dans nos forces de pompiers, dans nos écoles nos lycées, nos universités, nos théâtres, dans la préservation de notre patrimoine. Pour dépenser plus et mieux, il vaut mieux avoir des ressources, c’est-à-dire l’impôt, en croissance. Nos taux d’imposition étant déjà très élevés, certains diront trop élevés, difficile de les augmenter encore. Trop d’impôt tuerait l’impôt. Il nous faut augmenter l’assiette, faire en sorte que les revenus des Français, les bénéfices des entreprises françaises, la consommation en France augmentent de manière à générer plus de ressources pour l’Etat, plus d’impôt.

La crise sanitaire provoquée par la Covid a d’ailleurs braqué les projecteurs sur notre système de santé, et nous oblige à nous poser la question, la santé fait-elle encore partie de nos biens communs ? Tout le monde n’a pas pu avoir accès aux services de réanimation. Tous les seniors en Ephad n’ont pas eu droit aux meilleurs soins, certaines fois, même les bouteilles d’oxygène ne leur étaient pas accordées. Sans parler des tests ou de simples masques… En tant que Républicains, nous devons considérer la Santé comme un bien commun, et il faut que l’Etat alloue les moyens nécessaires pour que personne n’ait à choisir qui peut bénéficier des meilleurs soins, qui peut bénéficier de place en réanimation, qui peut bénéficier de bouteilles d’oxygène !

Dans le monde de l’éducation, c’est pareil. Si nous voulons que 80% d’une classe d’âge ait le baccalauréat, il faut que derrière il y ait les places en universités, sinon autant faire la promotion des filières courtes d’apprentissage.

Il nous faut donc investir, dépenser, et en conséquence trouver les moyens de financer, par l’impôt sécurité, justice, santé, éducation, culture, etc… Prôner la décroissance, c’est réduire les ressources que procure l’impôt, et donc avoir moins de financement à disposition, et finalement gérer la pénurie.

Nous, Républicains, glorifions le travail, et ne pouvons-nous résoudre à former les jeunes générations pour que 10 à 20% de ces jeunes restent au chômage ou dans l’oisiveté. Nous aimerions leur proposer de s’émanciper, entre autres, par le travail. Sauf à être malthusien et souhaiter la décroissance démographique. Mais alors, doit on limiter le nombre d’enfants par couple à un ou deux ? doit-on ne pas rechercher l’accroissement de la durée de vie, et surtout de la durée de vie en bonne forme ? qui choisit ? qui choisit qui peut avoir un ou deux enfants ? qui choisit qui a droit à une greffe d’organes après 65 ans, âge pivot dans la tête de certains gouvernants ? qui choisit qui a droit à la réanimation ? qui choisit qui a droit aux meilleurs protocoles du moment ou aux soins palliatifs ?

Nous, Républicains, ne pouvons faire le choix de la décroissance démographique !

Nous, Républicains, croyons au Progrès ! au progrès médical, au progrès scientifique au sens large, ce progrès qui a permis à nos pays de connaître des taux de croissance économique considérables depuis deux siècles. Certes le progrès n’est pas linéaire, l’évolution scientifique ne connaît pas la droite. Le progrès avance souvent par pallier. Il peut y avoir des périodes de faibles progressions, puis une découverte qui nous fait passer sur un autre palier et booste nos économies, nos sociétés. Ce serait être ancré dans le conservatisme, dans le traditionalisme que de penser que le progrès s’est arrêté, qu’il ne peut plus y avoir de révolutions technologiques comme celle de la machine à vapeur, ou celle du nucléaire, ou de la carte à puce, ou de la pénicilline, ou du voyage sur la lune ! Faisons-nous confiance, et investissons massivement dans la recherche et le développement. Nano technologies, cellules souches, clonage thérapeutique, ordinateur quantique, ressources naturelles d’autres planètes, etc… ce ne sont pas les domaines qui manquent pour faire progresser la science, nos industries, notre vie. Certes, comme disait de Gaulle des chercheurs on en trouve, et des chercheurs qui trouvent, on en cherche ! Mais cette phrase date de 1959, et cela n’a pas empêché de Gaulle d’investir massivement dans la Recherche, de multiplier les subventions et de garantir la liberté de pensée des chercheurs ! il nous faut, impérativement, continuer dans cette voie.

En conclusion de l’étude du premier terme de la question, nous pouvons farouchement dire, non, la recherche du bien commun ne passe pas par la décroissance économique, oui la République est l’amie, la sœur, la mère de la croissance économique.

Quid du second terme à présent, la transition écologique ?

La transition écologique peut se décliner sur de nombreux axes : développer des territoires durables et résilients, développer des modèles urbains durables, s’engager dans l’économie circulaire et sobre en carbone, être moins dépendant des ressources naturelles non renouvelables, réduire et prévenir la vulnérabilité énergétique, prévenir et s’adapter aux impacts du changement climatique, accompagner la mutation écologique des activités économiques…  La France a clairement défini ces axes via la Stratégie Nationale de la Transition Ecologique vers un Développement durable en 2014.

La France n’est pas le pays le moins bien placé dans cette transition écologique. Nous n’avons pas remplacé nos centrales nucléaires par des centrales à charbon ! nous bénéficions du prodigieux travail de nos ainés des années 50 et 60 et disposons d’un parc nucléaire important, qui garantit une partie de notre indépendance énergétique en rendant qui plus est notre énergie parmi les plus sobres en carbone dans le monde. Là encore, le progrès, le travail de nos chercheurs, des équipes de recherche et développement de nos entreprises et de nos universités, ont permis de mettre en place une alternative crédible, mûre et durable à la contrainte carbone, sans être dépendant de métaux et terres rares comme le sont les panneaux solaires. Ce n’est pas pour rien que ces métaux et terres sont dits rares ! on ne peut prétendre à l’écologie, à la transition écologique et lancer une course aux panneaux solaires sur tous les toits ou, pire, proposer de fermer nos centrales nucléaires et ouvrir des centrales utilisant des ressources fossiles que la France importerait. Il en va de l’écologie comme de notre souveraineté économique.

Sans parler des guerres que le besoin en ressources naturelles générerait. Guerres pour l’or noir ou pour des gisements gaziers, guerres pour les terres et métaux rares. On parle des dangers du nucléaire, mais personne ne parle de ces dangers de guerre ou des morts et maladies provoquées par le charbon.

Il ne nous semble pas y avoir de lien entre transition écologique et décroissance économique, au contraire. Plus notre économie croît, plus nous créons les conditions nécessaires à l’investissement dans la recherche et le développement, plus nous pouvons investir pour améliorer notre bien-être, notre cadre de vie, nos conditions de vie, nos outils de production, notre cadre de travail. Plus nous pouvons améliorer le monde qui nous entoure. Prôner la décroissance, c’est alors gérer la pénurie et ne plus avoir les ressources pour investir dans l’amélioration du monde ; ce serait mettre en danger nos conditions de vie, et par là même les liens de fraternité, d’égalité, de liberté. Prôner la décroissance, ce serait mettre en danger la recherche du bien commun, et donc la République.

Comme pour la recherche du bien commun, la transition écologique ne passe pas par la décroissance économique. Au contraire, mais elle passe, comme la recherche du bien commun, par le progrès, par l’innovation, par la recherche, par le développement. Bien sûr, il faut ajouter l’éthique à tout cela. Le nucléaire nous permet de faire fonctionner nos usines comme notre électro-ménager, le nucléaire peut aussi conduire à Nagasaki ou à une bombe sale. La réflexion est alors plus sur l’utilisateur des outils, que sur l’outil lui-même. Un marteau sert à enfoncer un clou, mais peut aussi défoncer un crâne ; ce n’est, par contre, jamais le marteau qui va en cour d’assise…

En conclusion, la recherche du bien commun et la transition écologique nous semblent passer par un chemin commun, celui de la recherche du progrès, celui de l’innovation, celui de la recherche. La Covid 19 ne change rien à cela. Le Monde d’Après est le même que le monde d’avant ! Comme dans les années 50 et 60, le chemin pour assurer le bien-être de nos populations, pour faire face, prévenir et s’adapter au changement climatique, pour permettre à nos concitoyens de s’émanciper, et particulièrement de s’émanciper par le Travail, passe par la Recherche et l’Innovation. Investissons massivement, comme nos aînés ont su le faire, mieux que nos aînés ont su le faire, dans la Recherche.

Nous, Républicains, sommes aussi porteurs de cette foi et cette espérance dans le Progrès. Soyons à la hauteur de l’enjeu.

 

Patrick PILCER

Conseil et Expert sur les Marchés Financiers

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