Opinion Sport
05H02 - samedi 8 février 2020

Gatien Letartre (TrainMe) et Vincent Bucaille (Krank Club) : « comment la sportech accompagne l’évolution de la pratique du sport »

 

En 2018, en France, nous avons dépensé 38,1 milliards d’euros par an pour faire du sport (1), dont la moitié « sponsorisée » par l’État. « On constate qu’une écrasante majorité des Français aimeraient faire plus de sport, mais ils se détournent des offres des fédérations pour se diriger vers une pratique libre, accessible, conviviale et fun, axée vers le bien-être et l’expérience », selon Gatien Letartre (TrainMe) et Vincent Bucaille (Krank Club) membres du Collectif SporTech, qui rassemble les fondateurs des plus grosses startups du sport en France.

Cette (r)évolution est en train de transformer le paysage français du sport auprès de ses pratiquants mais aussi de ses acteurs. La SporTech accompagne et accélère cette mutation à travers de nombreuses initiatives et une vision commune : « Faire de la France un acteur majeur sur le marché du sport mondial ». Ils nous expliquent comment ils accompagnent cette évolution…

 

LA NAISSANCE DELA PRATIQUE « LIBRE »

Historiquement, le sport était pratiqué quasi- exclusivement au sein d’un club, qui lui-même dépendait d’une fédération. Le sport était alors synonyme
de compétition, et nécessitait d’être présent aux entraînements la semaine et aux compétitions le week- end. Ce niveau d’engagement n’étant pas compatible avec un travail et une vie de famille : passé 25 ans, nous arrêtions souvent la compétition et parfois le sport tout court pour certains.

Hérité des réflexions scientifiques des années 70, le thème des bienfaits du sport pour la santé s’est démocratisé dans les années 80 pour s’ancrer profondément dans la conscience collective depuis les années 90. Continuer le sport après 25 ans s’impose donc comme une évidence. Une question se pose alors : comment continuer le sport après avoir quitté son club ? Il faut un sport accessible qui tolère les contraintes de la vie active : l’essor de la pratique dite « libre » apparaît, porté par la démocratisation de la course à pied qui deviendra le running.

Pas besoin d’infrastructures, pas besoin de partenaires, avec un peu de motivation, on peut courir quand on veut et où l’on veut. En 1980, personne (ou presque) ne courait, en 2015 on recensait près de 13,5 millions de coureurs (2).

Malgré cette fabuleuse croissance du running, 84% des Français souhaiteraient pratiquer une activité sportive plus régulièrement (3) – statistique assez étonnante quand on sait que le sport n’est pas une ressource limitée comme le pétrole ou l’argent. Qu’est-ce qui nous empêche de chausser une paire de running et d’aller courir ? La course à pied serait-elle une réponse insuffisante ?

Aujourd’hui, le sport est le premier loisir des Français. On recherche avant tout une pratique plaisir, tournée autour de l’expérience, qui se décline en quatre thématiques : s’amuser, se dépasser, se faire coacher et pratiquer avec ses amis.

Depuis dix ans, on voit l’offre sportive se réinventer pour coller à nos nouveaux besoins grâce à une explosion du nombre de création de startups dans la SporTech.

LE SPORT POUR SE DÉPASSER

Finie la figure du winner et de la performance à tout prix des années 1980-2000, bonjour celle du finisher ! Rien ne sert de gagner, il suffit de participer, si possible en franchissant la ligne d’arrivée. Avec la démocratisation du sport, il ne s’agit plus de gagner à tout prix mais de faire travailler son corps dans un contexte qui a du sens. Désormais, tout le monde peut performer, et on admire des nouveaux héros : ceux du quotidien. A l’instar de Joan Roch, connu sur Youtube pour courir 20km par jour sur son trajet domicile-travail ; ou plus simplement une voisine, qui poste sa dernière sortie vélo ou la course solidaire à laquelle elle vient de participer sur les réseaux sociaux.

Tout le monde peut se dépasser, en suivant par exemple sa performance via des applications mobiles de tracking d’activités (Garmin, Fitbit, Withings, Strava…) ; d’ailleurs, 75% des Runners sont aujourd’hui connectés. On se dépasse aussi car on est encouragé par des récompenses à gagner ou pour une cause : en transformant ses kms en dons. On satisfait aussi son estime de soi en partageant ses exploits sur les réseaux sociaux. Selon Boris Pourreau, fondateur de Sport Heroes, « On se dépasse à sa manière, à son niveau, où, quand, et avec qui on veut. C’est pourquoi aujourd’hui les fédérations prennent la vague du sport connecté avec nous. Aujourd’hui, les communautés de Sport Heroes rassemblent 1,2M de membres, et à l’instar d’autres services digitaux, prennent du poids dans l’écosystème du sport ».

 

LE SPORT EN ÉTANT COACHÉ

Le Coaching va apporter la motivation (autre élément clef dans la pratique sportive) et du sur mesure par rapport aux attentes du pratiquant. La personnalisation est dans la pratique mais aussi dans l’approche de la consommation du sport : « où je veux et quand je veux » et à portée de main (via des applications mobiles).

Le Coaching sportif, que ça soit chez les particuliers ou en entreprise, devient une pratique de plus en plus commune et c’est un phénomène très récent. En effet, au début de la création de l’entreprise TrainMe, en 2015, les gens ne comprenaient pas ce que c’était le Coaching ou que c’était réservé aux élites. Maintenant, les personnes ne demandent pas « Pourquoi ? » mais « Comment? »

Le Coaching est en pleine explosion, on en compte plus d’une vingtaine dans une société de ce secteur, un nombre de Coachs en constante augmentation (+10% par an) et ce n’est pas près de s’arrêter car c’est dans le top 5 des jobs de rêves des 15-18 ans. En résumé, les personnes cherchent dans le coaching, un accompagnement personnalisé et de la qualité, ce qui correspond aux nouveaux modes de consommations (vacances personnalisés VS vacances de masse). Le Coaching permet de ramener le sport aux individus, c’est le sport qui vient à soi. Et les Français commencent à être prêts
à payer pour cette pratique sportive personnalisée, en témoigne aussi l’explosion des concepts de « fitness- boutique » (Episod, Dynamo, Chez Simone…).

Le sport sur ces dernières années s’est mis en quelque sorte au diapason des autres secteurs de la consommation grand public.

 

LE SPORT POUR S’AMUSER

Les gens veulent s’amuser en faisant du sport. Il faut leur proposer des alternatives au running et à la salle de sport. « A tous âges, on aime s’amuser. Et quels sports on pratique ? On « joue » au foot, au basket, au tennis. Le problème c’est que ces sports nécessitent des infrastructures accessibles & réservables à l’heure », explique Joseph Viéville co-fondateur du Groupe LE FIVE. En partant de ce constat, au milieu des années 2000, des entreprises ont pris le pari de créer des infrastructures sportives en complément de l’offre publique, et d’y proposer de nouveaux formats de sports accessibles pour le plus grand nombre comme le Foot à 5. Plus facile, plus libre et plus fun.

Pari Gagné ! En 2009, il y avait 2 millions de footballeurs licenciés, soit autant qu’en 2019. Mais on estime qu’il y a 4 millions de footballeurs supplémentaires qui jouent entre amis, dans ces terrains de Foot à 5, et qui ne dépendent pas de la Fédération Française de Foot. « Nos clients ont entre 20 et 50 ans, il y a de plus en plus de filles, ils viennent entre amis. Faire du sport devient un jeu, c’est convivial. On reste boire une bière après ».

C’est un marché de plus de 100 millions d’euros en France, en croissance depuis 15 ans. Le modèle s’exporte dans le monde entier, et se transpose à d’autres sports comme le basket, le paddle, le tennis ou l’escalade.
« Il reste encore tout à construire : dans 10 ans, les infrastructures sportives privées représenteront un marché entre 5 et 10 Milliards d’euros, en Europe » conclut Tony Jalinier, co-fondateur du Groupe LE FIVE.

 

LE SPORT AVEC SES AMIS

Les activités sportives créent un cadre chaleureux propice aux rencontres et permettent de partager des moments privilégiés entre amis et en famille. En plus de la convivialité et du lien social, le fait de faire du sport en groupe génère de la motivation, probablement le principal levier pour nous aider à faire plus de sport.
Le problème, c’est que si on pratique en dehors d’un cadre associatif, on doit se débrouiller par ses propres moyens pour s’organiser : se constituer un groupe
de partenaires, réserver des terrains ou trouver des coachs, inviter tout le monde, gérer les désistements de dernière minute, animer les sessions… Heureusement, dans tous les groupes de sportifs, il y a au moins un capitaine pour s’occuper de tout ça.

Les « capitaines » ? Vous savez, nos bons copains qui nous proposent régulièrement de venir faire du sport, ces bonnes âmes qui portent volontairement le fardeau de tout organiser pour le groupe. Ils sont devenus très importants dans le développement de la pratique sportive dite « libre ». Sans eux les groupes de sportifs resteraient inertes. Des dizaines d’applications telles que SportEasy, Weedoo It, Anybuddy, se sont développées pour faciliter le travail de ces « capitaines », les assister dans leurs tâches, et leur faire gagner du temps… On verra émerger d’ici les JO 2024 un réseau social international dédié au sport, à l’instar de LinkedIn pour le monde du travail. Et peut-être même que ce champion sera Français.

 

Gatien Letartre (TrainMe) et Vincent Bucaille (Krank Club), membres du Collectif SporTech

 

1 https://www.economie.gouv.fr/entreprises/chiffres-cles-marche-sport-en-france

2 Etude réalisée par BVA pour Union sport & cycle, l’organisation professionnelle du secteur économique du sport

3 Enquête menée par Ipsos sur Internet du 14 au 19 décembre 2018 auprès d’un échantillon de 2000 personnes, constituant un échantillon national représentatif de la population française, âgée de 15 ans et plus.

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