International
06H30 - lundi 27 janvier 2020

De la crise des retraites aux élections municipales, entretien avec Francis Palombi, Président de la Confédération des commerçants de France

 

Opinion Internationale : Monsieur Francis Palombi, vous êtes le Président de la Confédération des commerçants de France (CDF). Quel est pour vous le vrai bilan économique du mouvement de grève entamé le 5 décembre 2019 contre le projet de réforme des retraites ?

Francis Palombi : Le bilan est très mauvais et il fait suite à plus d’un an de manifestations des gilets jaunes qui avaient déjà durement affecté le chiffre d’affaire des commerçants et des entreprises.

L’hôtellerie est encore plus affectée à Paris que les autres secteurs. Beaucoup de touristes ont fini par déserter notre capitale et par se raviser de venir en France car cela devenait intenable d’accéder aux centres villes. Si on ne peut pas se balader, si on ne peut pas visiter des monuments, aller dans de bons restaurants, vous n’avez plus envie de venir.

Sur le plan national, à fin décembre, tous secteurs confondus, la baisse d’activité est de 20 %. Mais à Paris intramuros, la baisse est de 30 à 50 % et dans le secteur de la restauration, on est bien au-delà de 50% !

 

L’impact de la grève contre la réforme des retraites est-il plus grand que l’impact des manifestations des gilets jaunes ?

Avec les gilets jaunes, l’impact a été très fort et très long. Certains secteurs ont vécu les samedis, jours de mobilisation, comme une mise à mort en termes de chiffre d’affaire, notamment pour les commerces situés sur les circuits des manifestations.

Les gilets jaunes ont eu un effet dévastateur car leur mouvement a commencé à affecter l’état d’esprit des consommateurs qui n’ont plus eu envie de venir dans les centres villes de peur d’être pris à parti par les manifestants.

Avec les grèves des transports publics depuis le 5 décembre, ce sont tous les jours de la semaine pendant plus d’un mois qui ont été touchés, pas que les samedis. Il n’y a pas eu de pause pendant les fêtes de fin d’année. En particulier, nos adhérents ont durement vécu le fait que les gouvernants et les syndicats s’accordent une trêve des négociations pendant les fêtes, alors que nous, acteurs de terrain, nous n’avons pas eu la trêve des manifestations qui ont continué à affecter le commerce !

 

Les médias insistent beaucoup sur les préjudices subis par les Franciliens mais la grève à la SNCF ayant aussi beaucoup frappé les TER, les centres villes des communes situées à 30 à 80 kms des grandes métropoles régionales n’ont-ils pas aussi connu, et dans quelle proportion, une forte baisse d’activité ?

Je serai tenté de dire au contraire. Les centres commerciaux périphériques ont dans certains cas effectué un chiffre d’affaire en hausse considérable sur l’année 2018

Pourquoi ? Parce que les consommateurs des banlieues ont hésité à venir à Paris intra muros ! La situation des transports à Paris a favorisé les plateformes telles Amazon, C discount et autres, en un mot les ventes sur internet.

 

Pensez-vous que le gouvernement a pris la mesure des conséquences de cette crise pour le commerce ? Y a-t-il des discussions, des négociations pour obtenir des compensations, des dégrèvements, des facilités pour les prochaines échéances de trésorerie ? Ou ces discussions sont-elles au point mort ?

Je vais être neutre et objectif. C’est beaucoup grâce à nos prises de paroles dans les médias que le gouvernement a organisé fin décembre des réunions de crise. Le ministre Bruno le Maire et la secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher nous y ont convié et nous avons obtenu le report des charges, mesure de base.

Mais cela ne suffit pas, il faut des indemnisations, des abattements fiscaux, l’abolition des malus pour les contrats courts et très courts dont l’hôtellerie a fortement besoin. Le gouvernement est prêt à reporter son instauration mais on doit aller plus loin, le chômage technique ne suffit pas. Bruno le Maire ne veut pas de faillites et nous a dit être prêt à aller au-delà si les mesures de report de charge ne suffisent pas.

Certes des programmes comme « cœurs de ville » aident à dynamiser les centres villes. La secrétaire d’état Agnès Pannier-Runacher invite aussi régulièrement les consommateurs à revenir en centre ville pour réaliser leurs achats.

Sur Paris, avec la collaboration des Mairies d’arrondissement, nous essayons de réunir toutes les unions commerciales pour rassembler les doléances et les faire remonter au Ministère pour faire avancer les dossiers. Il y a urgence car certaines requêtes, vieilles de quatre – cinq mois, ne sont toujours pas réglées par l’Etat ! Lors de ces rencontres avec les commerçants dans les mairies, nous convions des collaborateurs de la Direccte de Bercy. Ainsi nous complétons et nous renforçons l’action en cours des CCI de Paris, des CMA aussi. Je tiens à saluer l’opération pertinente de la CCI Paris Ile de France et relayée par les CCI sur tout le territoire : « J’aime mon commerce ».

Il faut bien comprendre que de nombreux commerçants sont excédés, veulent porter plainte contre l’Etat car ils ne peuvent plus exercer leur métier vue la récurrence de ce mouvement, et on ne sait pas encore aujourd’hui quand cela va se terminer.

L’Etat doit prendre ses responsabilités pour nous permettre de travailler normalement ! Car trop c’est trop… Le commerce indépendant implose, certains commerçants ont déposé le bilan, d’autres pourraient suivre. Réformer notre pays, c’est nécessaire mais surtout pas dans le chaos !

 

Une question plus politique : le commerce de proximité est-il un des enjeux des prochaines élections municipales ?

Oui et la Confédération des commerçants de France propose aux maires d’adopter notre proposition, inspirée du modèle canadien, d’un outil fort qui rassemble toutes les forces au sein d’un territoire, d’une ville, d’un arrondissement sous la forme de Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC).

Nous proposons avec cet outil de regrouper tous les acteurs privés, publics, les communes, les communautés de communes, le département, la région, les organisations financières coopératives s’il y a lieu. Nous prônons une nouvelle forme d’économie sociale et solidaire au service des centres villes. D’ailleurs, la Confédération nationale des SCOP et les Unions régionales des SCOP nous soutiennent. Ainsi, en novembre 2018, la CDF et la Confédération nationale des scops et leurs douze unités régionales, ont signé une convention nationale de collaboration.

Les maires doivent avoir le courage politique de réorganiser leurs centres villes, d’y partager le pouvoir entre public, privé, chambres consulaires, citoyens, salariés pour échanger de manière plus horizontale et mener à bien de grands projets. Bref une nouvelle gouvernance des centres villes est nécessaire pour leur redonner toute leur force et les redynamiser.

A Paris par exemple, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris est particulièrement mobilisée.

 

Il reste quelques jours pour les vœux ? Lesquels adressez-vous aux lecteurs d’Opinion Internationale ?

Un vœu majeur est que la France retrouve son équilibre et se remette au travail.

J’adresse des vœux d’optimisme pour réorganiser nos centres villes, nos territoires car le commerce de proximité est incontournable, immuable. Il est l’âme d’un pays et nourrit le lien social.

 

Propos recueillis par Michel Taube avec Daniel Aaron

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