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08H55 - samedi 25 janvier 2020

Elections municipales : résister à la tentation de la manipulation ! La chronique de Didier Maus

 

 

Les élections municipales de mars 2020 concernent 34 498 communes (chiffre au 1er mars 2019), dont 96% ont moins de 9000 habitants et représentent environ 50% de la population française.

Ce chiffre, qui pourrait être complété par bien d’autres, est au centre de la controverse née de la circulaire du ministre de l’Intérieur relative « à l’attribution des nuances politiques aux élections municipales et communautaires des 15 et 22 mars 2020 ». En relevant le seuil de l’attribution d’une nuance politique de 1000 à 9000 habitants et en proposant une grille raffinée à l’excès, M. Castaner vise tout simplement à faciliter une interprétation des résultats favorables à la majorité présidentielle. Il n’en demeure pas moins que le fait de laisser de côté la moitié du corps électoral laisse planer un vrai doute non seulement sur l’intérêt des qualifications, mais également sur la portée des interprétations qui en découleront. Pourquoi considérer que la moitié des citoyennes et des citoyens n’ont pas d’opinion politique et, en tout cas, ne l’expriment pas lors des élections municipales ?

L’histoire et la sincérité obligent à dire que tous les ministres de l’Intérieur ont toujours cherché à publier et à commenter des statistiques électorales favorables à la majorité du moment. De ce point de vue, les turpitudes de 2020 s’inscrivent dans une lignée dont les ministres gaullistes savaient eux aussi parfaitement tirer parti.

Il n’en demeure pas moins qu’une réflexion s’impose et que sous l’aspect juridique, le Conseil d’État aura, dès le 29 janvier, à se prononcer sur la suspension de la circulaire. Celle-ci suppose deux conditions : d’une part une réelle urgence, ce qui est aisé à soutenir à six semaines du premier tour ; d’autre part un doute sérieux sur le fond, ce qui relève d’un double raisonnement sur le non respect du principe d’égalité entre les Français en fonction de la taille de leur commune et de la liberté d’affiliation politique des listes en présence. Le débat sera intéressant. Qu’on me permette un souvenir personnel. En 2014, la préfecture de Seine-et-Marne avait attribué l’étiquette « UDI » à la liste que je conduisais dans ma commune de Samois-sur-Seine. J’avais promis à mes colistiers, qu’indépendamment de mon engagement personnel, notre affiliation collective serait « sans étiquette ». En découvrant le choix effectué par l’administration, j’ai saisi le ministre de l’intérieur d’une demande de rectification en laissant entendre que j’étais disposé à intenter un référé devant le tribunal administratif. La rectification a été opérée en moins de vingt-quatre heures.

La complexité de la situation de 2020 découle de l’inexistence absolue des amis de M. Macron (les LREM) en 2014. Comment apprécier une évolution, qu’elle soit positive ou négative, sans prendre appui sur un socle de départ ? Il devient donc nécessaire de manipuler les faits pour les rendre plus conformes à une volonté politique. De plus, on voit très bien que, même dans les grandes villes et métropoles, les titres des listes ne feront que très exceptionnellement référence à des étiquettes politiques nationales. Le discrédit qui s’attache aujourd’hui aux partis politiques exclut que l’on voit se développer des listes PS, LR, LFI, MODEM, LREM ou même RN. Dans la plupart des communes, qu’elles soient de plus ou moins de 9 000 habitants, les titres des listes vont faire référence à un contexte local et il sera indiqué, de manière discrète, que la liste bénéficie du soutien de telle ou telle organisation nationale.

Dans certains cas, les candidats considéreront même que leur notoriété constitue à elle toute seule une étiquette suffisante. La page d’accueil du site de campagne de Madame Anne Hidalgo à Paris est de ce point de vue emblématique : la liste s’intitule « Paris en Commun » ; le vert domine, alors que la couleur traditionnelle du PS est le rouge ; le premier message insiste sur la dimension écologique du programme ; il n’est fait usage d’aucune affiliation partisane. Personne n’a de doute sur l’engagement à gauche de la maire de Paris, mais comment rattacher sa liste à une des tendances de la gauche, sauf par comparaison avec les autres listes se réclamant également d’une tradition de gauche ? On sait, par ailleurs, que très peu de candidats à la mairie d’une ville moyenne ou grande se présenteront comme un candidat LREM pur jus. Qu’en sera-t-il à Lyon, à Marseille, à Bordeaux ou à Pau ?

Le bon sens, l’honnêteté politique et la volonté de rompre avec les « habitudes anciennes » devraient conduire le ministre de l’Intérieur à modifier sa position et d’une part à reprendre l’identification politique à partir de 1000 habitants, seuil à partir duquel il est devenu obligatoire de présenter des listes, et surtout de demander aux listes elles-mêmes de se situer par rapport à l’éventail des positionnements mis sur le marché. De quel droit le préfet peut-il refuser de classer « sans étiquette » une liste qui revendique ce positionnement ? Comment apprécier les poids respectifs des membres d’une liste en distinguant les centristes (avec toutes les nuances), les modérés de droite, les modérés de gauche, les indépendants ou les autres ? La seule solution consiste à obliger les listes à déclarer une affiliation et à la respecter. La démocratie y gagnerait, les intérêts de la majorité présidentielle sans doute moins, mais est-ce si important ?

 

Didier MAUS

Ancien conseiller d’État, Président émérite de l’Association internationale de droit constitutionnel, Maire de Samois-sur-Seine

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