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07H33 - jeudi 16 janvier 2020

Pourquoi la réforme des retraites n’affectera pas les avocats ?

 

Les avocats sont fort préoccupés par la réforme des retraites. Même si nous sommes dans un pays où chacun s’accroche à ses avantages en prétextant qu’il défend l’intérêt général, on peut les comprendre. Comme tous les travailleurs indépendants, les PME et les TPE, ils sont déjà écrasés de charges sociales. Et voilà que le gouvernement s’apprête à puiser dans leur caisse de retraite qui, aux dernières nouvelles, resterait autonome, à augmenter leurs cotisations tout en réduisant leurs pensions. De quoi être furax, malgré la pommade anti irritations dont la Garde des Sceaux Nicole Belloubet tente de les enduire !

Pourtant, les avocats, surtout les plus jeunes, ont tort de se préoccuper de leur retraite. Comme de nombreux autres professionnels, ils devraient d’abord penser à leur reconversion. Déjà en 2014, un cabinet londonien de conseil (à l’avenir également incertain !) prédisait leur quasi disparition à l’horizon 2030. Le site UsineDigitale y avait consacré un article inquiétant, laissant entendre que l’intelligence artificielle (IA) surpasserait bientôt l’homme (l’avocat en l’espèce). A moins d’une révolution citoyenne des humanoïdes contre les droïdes, cette perspective ne doit rien à la science-fiction. Pire, elle touchera également l’institution judiciaire, tout comme la médecine, l’administration, la banque, le commerce, toutes les professions de conseil, et bien entendu, la production confiée à des robots pilotés par des ordinateurs. Le juge comme le médecin n’exercera alors qu’une fonction de supervision, actionnera la machine et se rangera presque toujours à ses conclusions, puisqu’elle sera plus performante, plus « intelligente » que lui. Un jour, un simple opérateur pourra assurer cette supervision, avant qu’il devienne à son tour superfétatoire.

La légaltech, encore rudimentaire et balbutiante, risque fort de condamner la profession d’avocat, du moins de la réduire à quelques domaines comme le droit… de l’intelligence artificielle. L’informatique, les réseaux, l’environnement, le droit international, et toutes les nouvelles activités humaines, les nouveaux métiers ne pourront probablement pas (espérons-le en tout cas !) se passer de l’homme, ici de l’avocat. Il lui restera également l’entre-gens, l’apport d’affaires et la mise en relation, vraisemblablement le droit pénal, du moins les assises.

Cette évolution va jusqu’à bouleverser l’art, que l’on pensait longtemps inaccessible aux machines : bientôt, très bientôt (et même aujourd’hui au stade expérimental), l’IA compose de la musique, écrit des romans ou des scénarios de film (qui seront interprétés par des personnages en 3D plus vrais que nature). Les spécialistes s’accordent à penser que la musique, le roman, le cinéma… prévisibles seront largement confiés à l’IA, et qu’il restera une place au non prévisible, à la création, au génie humain. Pourquoi en serait-il autrement du droit et de la justice ? L’immense majorité (plus de 90 % peut-être) des cas pourraient à terme relever de l’IA, ce qui annonce une diminution proportionnelle des effectifs dans les professions concernées, en particulier les avocats.

Même en faisant abstraction de l’inéluctable révolution numérique, le sort des avocats fait déjà penser à celui des artistes : à coté de quelques stars grassement payées, les intermittents du spectacle judiciaire (que la justice est parfois) peinent à joindre les deux bouts. Elle est déjà loin l’époque où l’avocat était un notable et qu’il suffisait d’accrocher sa plaque sur la façade de l’immeuble pour voir affluer les clients.

Les avocats partagent-ils la responsabilité de leur paupérisation ? Certains n’ont pas donné une bonne image de leur profession, mais surtout, ils ont souhaité accéder à la publicité, ce qui se retourna contre la plupart d’entre eux, en poussant les prix des procédures les plus courantes vers le bas. Il suffit de taper « divorce avocat » dans Google pour accéder à des propositions aussi agressives que celles des marchands d’électroménager, de téléphonie ou de prêt-à-porter. 

Consolation pour les avocats, c’est tout le débat actuel sur la réforme des retraites qui pourrait n’avoir aucun sens dans quelques décennies, d’abord par ce que l’homme sera vraisemblablement occupé à lutter pour sa survie, en relevant le défi climatique et environnemental, mais aussi parce que pour la première fois dans son histoire, les emplois détruits par l’évolution technologique ne pourront être remplacés par ceux générés par de nouveaux métiers. Il n’y a donc pas que les avocats qui risquent de devenir inutiles ! Belle retraite en perspective…

 

Raymond Taube

Rédacteur en chef d’Opinion Internationale, directeur de l’IDP – Institut de Droit Pratique

Directeur de l'IDP - Institut de Droit Pratique

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