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14H02 - jeudi 12 décembre 2019

Réforme des retraites : mais qui travaillera encore dans 50 ans ? Le billet de Raymond Taube

 

Le gouvernement d’Édouard Philippe, appliquant une promesse électorale du candidat Emmanuel Macron, tente de mettre en place un nouveau régime de retraite qui, d’une manière ou d’une autre, conduira à travailler plus longtemps. En France, évoquer un « âge d’équilibre » fixé à 64 ans, à partir duquel on pourrait jouir d’une retraite à taux plein, est vécu comme un casus belli par les syndicats les plus réformistes, alors que partout ailleurs dans les pays de l’OCDE, en particulier les pays européens, la tendance est plutôt de travailler trois à quatre ans de plus, voire d’envisager d’aller jusqu’à 70 ans.

La cause de cet allongement est purement arythmique : puisque l’entrée dans la vie active est de plus en plus tardive, puisque l’espérance de vie augmente et que la pénibilité régresse, il faudra obligatoirement cotiser plus longtemps pour bénéficier d’une pension de retraite décente. Partout, cette implacable logique a été comprise et, parfois avec quelques soubresauts, acceptée par les syndicats et les travailleurs. En France, elle est refusée au bénéfice d’une véritable lutte des classes attisée par les partis populistes, les anciens grands partis de droite et de gauche soufflant sur les braises, eux qui n’ont pas digéré le hold-up politique et le coup que leur a fait le « petit Macron » en prenant le pouvoir en 2017. Ici prévaut la lutte des classes, la haine des élites, des riches et des entreprises qu’il faut saigner pour qu’ils financent un système social qui, pour le moment, survit grâce à l’emprunt public sur les marchés financiers mondiaux. Comme quoi le grand capital a parfois du bon ! Le gouvernement doit prier tous les jours pour que les taux d’intérêt ne flambent pas.

Un élément essentiel est pourtant absent des débats, alors qu’il pourrait in fine donner raison aux grévistes, sauf qu’on ignore quand. Les prochaines décennies devraient être marquées par une augmentation exponentielle de la puissance de calcul des ordinateurs (notamment quantiques), par des progrès fulgurants de la robotique et l’avènement de l’intelligence artificielle, au point que l’on peut craindre qu’elle rende l’homme inutile dans sa fonction de travailleur. Il ne s’agit pas de science-fiction, mais d’une mutation qui a déjà débuté et que les usagers des lignes de métro automatisées apprécient particulièrement en période de grève. R2D2, Robocop et Terminator ne sont peut-être pas pour demain, mais presque.

Si, du fait de l’application de la « clause du grand-père », la disparition des régimes spéciaux de retraite ne devait s’appliquer pleinement que dans un demi-siècle, les futurs retraités de l’an 2060 ou 2070, s’ils ne sont pas exclusivement occupés à survivre au bouleversement climatique et à la guerre planétaire qui pourrait en découler, n’auront peut-être plus de travail. Jusqu’à aujourd’hui, les nouvelles technologies et l’automatisation ont remplacé les métiers qu’ils ont détruits.

Paradoxalement, c’est dans les pays les plus robotisés que le chômage est le plus réduit. Mais pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, cette tendance pourrait bien s’inverser, et affecter d’innombrables secteurs d’activité, y compris dans les services : banque, formation, distribution, commerce, transports et même médecine, justice, rares sont les domaines qui, pour le meilleur ou le pire (ou les deux), seront épargnés. Même l’art est déjà concerné, avec des ordinateurs écrivant des romans et des scénarios, composant de la musique ou peignant des tableaux.

À ce stade, la prévision est encore aléatoire, mais la trajectoire semble bien tracée. On ne sait si et comment cela affectera les régimes de retraite, mais leur sort pourrait bien n’être qu’une variable d’ajustement d’un rapport au travail qu’il conviendra de repenser, afin qu’il ne s’impose pas à nous sans qu’on y soit préparé. Il est fort probable que ne travailleront que ceux qui le souhaiteront et auront un haut niveau de formation (surtout en informatique et robotique). Les autres percevront un revenu universel qui, grâce à la fiscalisation des robots et de l’intelligence artificielle, devrait être décent. À l’échelle d’aujourd’hui, il serait plus proche du SMIC que du RSA et pourrait être complété par la rémunération d’un travail à temps partiel, chacun décidant librement du temps qu’il veut y consacrer (cela s’apparente à « l’ubérisation » de la société). Il n’y aura peut-être plus de retraite à proprement parler, et nous serions entrés dans un nouveau paradigme de vie.

Est-ce un rêve ou un cauchemar ? Aux hommes d’écrire l’histoire et aux politiques de l’anticiper.

 

Raymond Taube

Rédacteur en chef d’Opinion Internationale et directeur de l’IDP – Institut de Droit Pratique

Directeur de l'IDP - Institut de Droit Pratique

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