Haïku
07H00 - dimanche 10 novembre 2019

Haïku « automne 8/12 » par Olivier Peraldi

 

 

 

 

Automne 8/12

mouette affairée

que ferais-tu sans le vent

du large accouru

 

 

 

 

 

 

Les haïkaï (haïku au singulier) expriment l’excellence de la poésie japonaise. En 17 mores (son élémentaire phonétique), en un verset composé strictement en trois segments 5-7-5, calligraphié sur trois lignes en français (une ligne verticale en japonais), chaque haïku tente d’exprimer la quintessence de l’être, d’un état, parfois d’une actualité.

Les haïkaï rythment généralement les saisons.

Le poète Olivier Peraldi nous donnera à lire chaque dimanche matin un haïku de sa création à la une d’Opinion Internationale. Du pur bonheur !

 

© Baptiste Hamousin

Olivier Peraldi a publié, entre autres, l’ouvrage Ombres & Couleurs ou le voyage du Corbeau d’Arcimboldo au Mont Fuji aux Editions Caractères. Sa dernière publication : L’An Jeune, une œuvre à laquelle sont associés le musicien Filbö et le plasticien Richard Ferri-Pisani, qui entremêle poésie, musique et art graphique.

Grâce à ces haïkaï, Opinion Internationale porte bien son nom dans cette nouvelle rubrique qui rapproche Japon et francophonie.

 

 

 

 

 

Précédents haïkaï :

 

 

Automne 1/12

l’encre se répand

mon carnet tombé dans l’eau

vers quel océan

 

 

 

 

Automne 2/12

bien sûr la leçon

et ce chiot dans la cour

que le maître ignore

 

 

 

 

Automne 3/12

il y eut un bang

nous voyions tous sans y croire

ce trottoir en sang

 

 

 

 

Automne 4/12

l’être aimé est nu

indifférent au regard

faudrait-il le croire

 

 

 

 

Précédentes saisons :

 

été

 

 

 

souple bananier

la palme frôlant le vent

l’être aimé sommeille 

jarre dans l’entrée

aux lents poissons désœuvrés

l’eau fraîche d’été

le pas incertain

quittant l’allée des pivoines

soudain la chaleur

 

 

 

en ce soleil du

six août deux mille dix-neuf

je recherche l’ombre

recompter encore

les six cent quarante-quatre

grues de Sadako

sixième nuage

à se grimer en serpent

je marque une halte

 

 

 

le vent bleu d’été

tu le crois dans ma chambre

mouche vrombissante

parapluie volé

en sortant du konbini

chaude pluie d’été

le long des glycines

aucune grappe ne bouge

malgré l’éventail

 

 

 

un pylône chante

les étourneaux se rassemblent

à l’heure de pointe

au sommet du pin

la cigale voit le ciel

nuit silencieuse

parapluies en fuite

les embruns cinglant la grève

inondent le front

 

 

Printemps

 

 

 

réveil en sursaut

le premier chant du printemps

arrivé si tôt

ombres glissantes

sous la porte encore fermée

le chat s’éveille

ô rayon naissant

même la poussière singe

la joie de vivre

 

 

 

le maître de chant

espère encore quelque accord

généreux prunier

formidables tours

nuageux torticolis

surtout vues d’en bas 

la main incertaine

trois sakura[1] sur le cœur

l’amour peut-être

 

 

 

le jour s’étire

au bain de fleurs de prunier

l’être aimé languit

ils vont deux à deux

lune et douxreflet de lune

pluvieuse veillée

assis au jardin

ils ne virent rien du deuil

le village clos

 

 

 

là-bas le jardin

l’escargot sur la vitre

sa peine éperdue

l’ombre du prunier

m’accueille moi l’étranger

c’était donc si simple

soleil déclinant

l’autoroute est encombrée

tu ne viendras pas

 

[1]Fleur du cerisier.