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10H53 - mercredi 25 septembre 2019

Chronique de votre voisin Parisien : Paris n’est pas Amsterdam

 

Jean-Loup Gautreau – AFP

 

Paris, mardi 24 septembre 2019, vers 8 heures. Je marche sur le boulevard Magenta, dans le 10ème arrondissement, en direction de la place de la République. Il pleut, il fait froid. Je m’approche du passage piéton le plus proche pour traverser le boulevard, en enjambant une trottinette abandonnée à même le sol. La circulation est dense, mais le feu est rouge pour les voitures. Pas pour les vélos, visiblement. Avant d’atteindre la chaussée, il faut franchir la piste cyclable. Un cycliste fonce tête baissée, ignorant le feu rouge. Le choc frontal fut évité d’une fraction de seconde et encore, c’est moi qui ai fait le pas salvateur en arrière. Le cycliste n’a pas bougé, sauf pour vociférer des injures. Je tourne la tête vers la gauche, et un autre vélo, tout aussi déterminé, déboule avec une imperturbable assurance, profitant du carrefour embouteillé pour bruler le feu rouge. Si cette expérience était exceptionnelle, elle ne vaudrait pas la peine d’être contée.

Sauf qu’il semble bien y avoir un véritable problème de comportement de nombreux cyclistes et autre trottinettistes qui, après avoir été les oubliés de la ville, en deviennent subitement les rois, couronnés par les pouvoirs publics et à Paris, par la grande prêtresse Anne Hidalgo. Pour les plus fragiles, les enfants, les jeunes et moins jeunes, parfois absorbés par leur musique ou la consultation de leur smartphone, et bien sûr pour les personnes âgées ou handicapées, les trottinettes et vélos sont d’autant plus dangereux qu’ils sont silencieux et peu visibles.

Tous les jours de nouvelles pistes cyclables sont aménagées. Tout cela a un coût, et le récent rapport de l’iFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) a d’ailleurs mis en exergue les dépenses vertigineuses et l’endettement accéléré de la ville. Tôt ou tard, la note sera présentée au contribuable, après les élections municipales bien sûr. Mais la fondation étant considérée comme libérale, son rapport n’a aucune crédibilité aux yeux de la direction municipale.

 

Paris n’est pas Amsterdam

Anne Hidalgo a raison sur le long terme. Personne n’en doute. La voiture, du moins dans son acception actuelle, n’a pas d’avenir en ville. Ce n’est pas seulement une question de pollution, même si la voiture électrique et ses batteries sont loin d’être aussi écologiques qu’on veut nous le faire croire. La voiture, quel que soit son mode de propulsion, c’est trop de surface au sol, trop de nuisance, trop de gaspillage de temps. Il faudra trouver autre chose. Peut-être un mix entre la mini voiture électrique autonome, une compagnie municipale de taxis électriques à bas prix, des restrictions de circulation au bénéfice des professionnels…

Mais plus que tout, c’est l’amélioration des transports en commun qui doit accompagner la réduction de l’espace dédié aux voitures. Là est la principale faute de la maire de Paris. Sa logique rappelle celle des 35 heures, qui devaient conduire à une nouvelle répartition du travail et donc à la fin du chômage. Aujourd’hui, elle raisonne comme si supprimer 50 % de l’espace dédié aux automobilistes aura pour effet d’augmenter dans les mêmes proportions le nombre de cyclistes et assimilés, par effet de vase communiquant. Des pistes cyclables, il y en a déjà partout.

Dimanche dernier, j’essayais de traverser le boulevard de Sébastopol. Un peu compliqué, pour un piéton, de se frayer un chemin autour d’un chantier (à l’arrêt pendant des semaines, comme de nombreux autres). Au moins, le risque de se faire renverser par un cycliste était négligeable. Car de cyclistes, il n’y en avait pas, ou si peu. Idem rue de Rivoli quelques jours plus tôt. Idem dans d’innombrables rues de Paris, désormais équipées de pistes cyclables.

Car ce qui frappe en sillonnant Paris, c’est la disproportion entre le grand nombre de voitures polluantes et bruyantes, bloquées sur une file unique dans d’interminables embouteillages, et des pistes cyclables souvent presque désertes.

 

Paris 19ème : image typique d’une rue embouteillée et d’une piste cyclable déserte

La voie de bus est certes un peu plus empruntée (en particulier par des scooters), mais manifestement, les transports en commun n’ont pas été dimensionnés pour compenser les effets de cette chasse aux voitures. Anne Hidalgo a tout misé sur le vélo, alors qu’il fallait mettre le paquet sur l’augmentation des capacités des transports collectifs. Certes, celles-ci sont déjà très développées, du moins en ce qui concerne le métro, à la limite de la saturation. Ce sont avant tout les conditions d’accès au métro qui en excluent les personnes à mobilité réduite. S’y ajoute l’insécurité, notamment pour les femmes.

S’agissant des bus, il y a encore beaucoup de marge, surtout s’ils circulent sur des espaces dédiés. Mais la seule évolution qu’ont pu constater les Parisiens, c’est le chamboulement de leurs parcours (sans concertation), et non leur nombre, parfois au prix de conséquences désastreuses notamment pour certains commerçants. La Maire de Paris a mis la charrue avant les bœufs, convaincue que les cyclistes arriveraient avec les pistes cyclables. Or jusqu’à présent, ce n’est pas le cas, ou alors très modérément.

Les défenseurs de la politique anti-voitures de la municipalité sortante soutiennent qu’on ne fait pas d’omelette sans casser d’œuf, que Paris dispose déjà du meilleur réseau de transport en commun de France, voire du monde (le métro H24 arrive progressivement), que pourrir la vie des automobilistes est le meilleur, voire le seul moyen de les faire renoncer à leur voiture… Ces arguments ont au moins une part de pertinence. Mieux vaut sans doute en faire trop que pas assez. Mieux vaut chambouler les habitudes que de laisser la pollution ruiner la santé des citadins.

On peine toutefois à percevoir le bienfondé de la précipitation d’Anne Hidalgo. On ne saurait évidemment circonscrire son bilan aux questions de circulation. Son pari de transformer Paris en Amsterdam française, une ville où le vélo tient depuis longtemps une place prépondérante, ne peut être gagné à court terme. Le vélo, c’est bien pour de courts trajets, quand on est relativement jeune et en bonne santé (même si le sport contribue à l’entretenir), qu’on n’a rien à transporter, qu’on ne doit pas être sapé, qu’il fait beau, mais pas trop chaud, et qu’on ne risque pas de se le faire voler…

Mais Anne Hidalgo sait que la majorité des Parisiens, donc de ses électeurs, n’ont pas de voiture. Or les Français semblent plus que jamais recroquevillés sur leur pré carré, enfermés dans un corporatisme parfois agressif, comme le mouvement des gilets jaunes en a donné l’exemple. La caste des sans-voitures s’opposera-t-elle à celle des avec (ou pro)-voitures ?

Bien que le PS soit devenu un parti groupusculaire dans les élections nationales, sa représentante parisienne pourrait bien tirer les marrons du feu aux municipales de 2020 avec une alliance de second tour avec les Verts et les communistes, adeptes de la trottinette et du vélo. C’est ce pari qu’elle a de grandes chances de gagner, en rêvant peut-être à mieux.

Anne Hidalgo présidente de la République en 2022 ? Il n’y a plus qu’à transformer les autoroutes en pistes cyclables !

 

Votre voisin Parisien

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