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10H52 - vendredi 6 septembre 2019

Les futurs champions d’échecs sont au Nigeria

 

Des enfants nigérians jouent aux échecs dans un bidonville de Lagos, le 17 août 2019 – AFP / PIUS UTOMI EKPEI

 

Devant des échiquiers à Lagos, des enfants s’activent, concentrés. Ils réfléchissent au prochain coup qu’ils vont jouer, dans le cadre d’un projet censé apporter de l’espoir dans un bidonville de la mégapole nigériane. Pendant que des dizaines de matches sont joués en simultané, les participants, dont certains n’ont pas plus de trois ans, s’exercent à ce jeu cérébral souvent considéré comme hors de portée pour les populations pauvres du pays le plus peuplé d’Afrique.

« Parfois on gagne, parfois on perd », explique le professeur Tunde Onakoya, 24 ans, à ses jeunes élèves après avoir obtenu leur attention. « Ce qui fait de vous des champions, c’est la manière dont vous réagissez. Ne déprimez pas quand vous perdez, ne vous découragez pas, concentrez-vous et faites de votre mieux ».

Joueur chevronné, Tunde Onakoya a lancé le projet Chess in Slums (« Les Echecs dans les Bidonvilles ») en septembre 2018 dans le bidonville tentaculaire d’Ikorodu, situé en banlieue de Lagos et dont les habitants se sentent souvent exclus de l’activité et des affaires de la mégapole. Le but de ce club est d’offrir aux jeunes d’Ikorodu, qui pour beaucoup ne sont pas scolarisés et travaillent pour aider leur famille, un espace où ils peuvent apprendre à jouer aux échecs.

 

Comptines et chronomètre

Installé sous une tente de fortune dans la cour d’un bar local, le club a conquis en un an des adeptes pleins d’enthousiasme.

A proximité d’hommes âgés qui boivent une bière en regardant un match de football, une dizaine de volontaires divisent les participants en groupes. Les plus jeunes chantent des comptines sur les échecs pour apprendre les règles du jeu, les plus âgés se préparent à disputer des matches. Les élèves utilisent des applications téléphoniques afin de chronométrer leurs mouvements et inscrivent les résultats des rencontres dans des carnets pour pouvoir analyser plus tard leurs succès et erreurs.

« Je veux être un grand maître », dit un enfant en riant.

Les échecs, jeu de plateau qui repose sur la stratégie, ont un petit groupe d’adeptes fervents au Nigeria. Ce pays d’Afrique de l’Ouest est 88e sur 186 pays, selon le classement des meilleurs joueurs du monde dressé par la Fédération mondiale des échecs, mais ne compte toujours aucun grand maître. D’autres jeux de plateau sont plus populaires au Nigeria, comme le Scrabble, un jeu auquel des Nigérians ont remporté de nombreuses compétitions. Le Nigeria peut même se targuer de compter 29 des 100 meilleurs joueurs de Scrabble du monde, devant tous les autres pays.

 

Une femme enseigne l’art des échecs à de jeunes nigérians dans un bidonville de Lagos, le 17 août 2019 – AFP / PIUS UTOMI EKPEI

 

Nourrir le cerveau

Pour Tunde Onakoya, si les échecs y sont moins populaires, c’est à cause d’un problème d’image. « Les gens perçoivent les échecs comme un jeu vraiment difficile, peu accessible, destiné à des gens d’une classe sociale différente de la leur ». Mais ce professeur, qui a lui-même appris les échecs à l’école primaire, explique « croire en ce jeu, parce qu’il améliore les facultés intellectuelles, la créativité et la concentration ». « C’est comme de la nourriture pour le cerveau ».

Devenu consultant pour des écoles privées qui veulent ajouter cette discipline à leur programme scolaire, il a mis en place l’an dernier le club d’Ikorodu spécialement pour s’adresser à des enfants issus de milieux défavorisés. « Ikorodu est le genre d’endroit où il y a beaucoup de problèmes et de pauvreté. C’est un lieu difficile, si tu dis à quelqu’un que tu t’y rends, il te rira au nez », assure M. Onakoya. « Je me suis dit qu’il serait utile d’aider les enfants ici car beaucoup sont très talentueux. S’ils peuvent maîtriser un jeu que les gens n’imaginent même pas qu’ils puissent connaître, cela pourra révéler leur potentiel et leur donner confiance en eux ».

 

Porte d’accès

Le club compte déjà plusieurs belles réussites. Odunayo Olukoya, 10 ans, a rejoint Chess in Slums en janvier. Quatre mois plus tard, elle est arrivée première au championnat national d’échecs dans sa catégorie d’âge.

L’adhésion au club de Jamiu Ninilowo, 14 ans, en février a changé sa vie. Le frêle adolescent travaillait dans un garage d’Ikorodu en tant que mécanicien au lieu d’aller à l’école. Il devait gagner de l’argent pour aider sa famille après que sa mère a eu la jambe broyée dans un accident à la décharge où elle ramassait de la ferraille pour la vendre à bas coût. Jamiu Ninilowo est devenu le meilleur joueur du club. Après sa victoire à un tournoi en avril, un donateur impressionné a contacté Chess in Slums et proposé de financer les études secondaires de l’adolescent. « Jouer aux échecs m’aide à devenir un ingénieur mécanique car cela m’a permis d’aller à l’école », raconte-t-il à l’AFP, sa médaille portée fièrement autour du cou.

Le projet a permis d’attirer l’attention sur d’autres enfants marginalisés, notamment grâce à des vidéos de ces maîtres d’échecs en herbe partagées sur Instagram, qui mettent en valeur des talents éclipsés par la misère au quotidien. Un architecte nigérian de premier plan a même offert de devenir le mentor d’un garçon de 11 ans qu’il avait vu construire des maquettes en carton. « Au départ, le but était d’apprendre aux enfants un jeu qui change leur vision du monde et leur donne confiance en eux, mais c’est devenu bien plus que cela. C’est une porte d’accès à d’autres opportunités », déclare Tunde Onakoya. « Cela nous aide à leur montrer que leurs vies peuvent décoller loin d’Ikorodu ».

 

Emmanuel AKINWOTU

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