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09H26 - mercredi 7 août 2019

Libye : quand l’ONU joue les pompiers – pyromane. Tribune de Michel Scarbonchi

 

Alors que l’offensive militaire du général Haftar se poursuit autour de l’enclave de Tripoli, laissant présager un dénouement imminent qui rebattrait les cartes de la Libye, l’ancien député européen français dénonce les errements de l’ONU dans la gestion du bourbier libyen.

Antonio Guterres (droite), secrétaire général de l’ONU, et Ghassan Salamé (gauche), son représentant spécial pour la Libye.

 

Le chaos libyen est sans fin. Si la France en est à l’origine avec la guerre de 2011, non suivie de la réorganisation politique, administrative et économique du pays, l’ONU y a jouée elle un rôle déterminant depuis 2014. 

En effet, en mettant en place Farez Al Sarraj, personnage sans charisme, sans appui significatif, en imposant ce plus petit dénominateur commun comme Premier Ministre d’un gouvernement d’union nationale qui n’en avait que le titre, l’ONU a accélérée et amplifiée le chaos libyen.

L’Assemblée nationale libyenne, seule institution élue du pays depuis 2014, a refusé trois fois d’adouber Monsieur Sarraj et son gouvernement. L’ONU n’en a tenu aucun compte…Les conditions d’arrivée et d’installation de Monsieur Sarraj à Tripoli portaient en germe tous les maux que connaît le pays depuis cinq ans. Pire, pour s’y maintenir, le premier ministre a pactisé, sous l’égide des Nations Unies, avec les milices islamistes qui contrôlaient la capitale.

Pour prix de leur soutien et de la paix des armes, ces bandes mafieuses se sont vues octroyer prébendes, secteurs économiques dédiés, argent !

Là est née cette hydre à sept têtes, ou plutôt à sept trafics : migrants, esclaves, drogue, armes, prostitution, essence, faux papiers qui ont généré des millions de dollars et gangrené toute la Tripolitaine.

Comment dès lors penser sérieusement faire accepter un accord politique à » ces milices-business » ?

Avec la bataille de Tripoli, se confrontent aujourd’hui deux Libye que tout oppose.D’un côté, le maréchal Haftar contrôle, avec l’ALN (Armée de Libération Nationale), l’est, le centre et le sud, soit 80 % du pays. Il y a instauré ordre et sécurité et est partisan d’un État libyen souverain, sécurisé et démocratique. De l’autre, des milices qui veulent continuer à profiter de leurs rentes et qui savent qu’un accord politique et des élections signeraient la fin de leur enrichissement.

D’une part les partisans de l’ordre étatique, de l’autre les tenants du désordre, les « rentiers du chaos » comme les a décrits très justement Frédéric Bobin dans Le Monde.

Après deux médiateurs onusiens calamiteux, Ghassam Salame paraissait être enfin l’homme de la situation. Mais force est de constater que tous ses efforts butent aujourd’hui sur « le mur de l’argent des trafics » dont l’institution onusienne s’est elle-même rendue complice.

Comment désarmer des milices, en proposant à un milicien gagnant de cinq à dix mille dollars tous les mois d’entrer dans l’armée nationale ou la fonction publique pour cinq cent euros ?

Ce deal était illusoire et ne laissait que peu d’espoir à une solution politique.

Dès lors, comment s’étonner que l’option militaire ait semblé la seule issue pour le maréchal Haftar qui déjà, en décembre 2017, excédé par l’échec prolongé des Accords de Skirhat, avait été tenté de marcher sur Tripoli.

La force de conviction française du Président Macron et du ministre des affaires étrangères, Le Drian, l’avait emporté en mettant en avant le processus des élections pour convaincre le vainqueur de Benghazi de préférer la victoire par les urnes plutôt que par celle par les armes. 

Las, devant l’échec des médiations successives de l’ONU comme de Paris, de Palerme et de Dubaï, qui pourrait reprocher à Haftar d’avoir lancé une offensive militaire pour prendre Tripoli afin de mettre un terme à la « chienlit » de l’ouest libyen, réunifier le pays, mettre en place un vrai gouvernement d’union nationale et organiser des élections sécurisées et libres.

Comment l’ONU a-t-elle pu croire que proposer un référendum et des élections présidentielle et municipale dans un pays en guerre était possible et la panacée pour y mettre fin ?

Comment l’ONU a-t-elle pu accepter que sous l’égide « de son Premier Ministre », la Tripolitaine se transforme en un hub à migrants de 650 000 personnes mis sous contrôle à 70 % des milices islamistes, et que les bateaux de migrants partent des côtes de cette zone et aboutissent à plus de 21 000 noyés à ce jour ?

Comment l’ONU a-t-elle pu accepter que la Tripolitaine devienne un Hub à terroristes, se transformant en couveuse des « fous d’Allah » de Daech et d’Al Qaida ?

Comment l’ONU a-t-elle pu accepter que la rente pétrolière de plus de 250 millions de dollars par jour, tirée du croissant pétrolier sécurisé, depuis 2016, par le maréchal Haftar, aille à la Banque centrale de Tripoli dont le président a été destitué par le Parlement libyen en 2017 et soit, de fait, gérée par Sarrajh et ses milices islamistes ?

Pourquoi l’ONU n’a-t-elle pas compris qu’entre la légitimité populaire du Parlement et de son bras armé, le Maréchal Haftar, et la légitimité onusienne de  Sarraj, la majorité du peuple libyen avait fait son choix ?

N’est-il pas étonnant que ces questions légitimes restent sans réponse et que le maréchal HAFTAR, écœuré par ces jeux diplomatiques qui accentuent la déliquescence de la Libye, ait décidé de régler le problème par la manière forte, convaincu que c’était l’unique façon de mettre fin à sept années de guerre. 

Pour nombre d’observateurs, si le conflit libyen a été un échec politique pour la France en 2011, il est aujourd’hui une faillite morale pour l’ONU.

 

Michel Scarbonchi

 

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