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09H09 - dimanche 12 mai 2019

L’Europe, utile ou futile ? Deux livres de Régis Debray et Jean-Michel Arnaud pour mûrir les élections européennes

 

Parmi les publications portées par le scrutin européen du 26 mai prochain, deux ouvrages sans concession mais complémentaires par leur approche et leurs convictions différenciées, reposent la question de la pertinence de l’idée européenne. Si L’Europe Fantôme de Régis Debray [éd. Gallimard, coll. Tracts, n°1, février 2019] fait la part belle à la littérature, elle qui se nourrit des mythes et réciproquement, et alors que l’Europe en manquerait cruellement, L’Europe Utile [éd. Hermann, février 2019] de Jean-Michel Arnaud, vice-président de Publicis Consultants,souligne le manque de cohérence mais non d’opportunités d’une Europe devenue néanmoins illisible pour le citoyen, même si, ici, rien ne serait perdu pour peu que les peuples acceptent une certaine dose de partage de souveraineté.

Rien de plus complexe si l’on en croit Régis Debray pour qui le décalque du modèle des Etats-Unis d’Europe sur celui des Etats-Unis d’Amérique est une « malfaçon originelle ». Si nul ne conteste l’âpreté du chemin parcouru depuis les débats entre partisans d’une Europe fédérale et défenseurs de celle des nations, bien peu s’accordent sur la meilleure façon d’avancer – un step by step parfois à marche forcée –, et encore moins sur la destination commune de l’hétérogène troupe des 27.

En presque soixante ans, les joutes empreintes d’optimisme ont cédé le pas aux crises existentielles de type refus d’obstacle maastrichtien, puis Brexit à semelles de plomb. Dura lex sed lex, toujours à l’adresse des individus (car chaque Européen ou bientôt ex-Européen en paiera le prix) mais, cette fois-ci, avec une fin de non-recevoir à tous les rêves sans mythe fondateur et partagé. Et Régis Debray de citer Paul Valéry qui, dans Petite lettre sur les mythesen 1928,n’agit « qu’en se mouvant vers un fantôme » et insiste en affirmant que « nous ne pouvons aimer que ce que nous créons ».

De fait, pour l’auteur de l’Eloge des frontières (éd. Gallimard, 2010), on ne crée pas sans raison, illustrant – juste pour l’exemple –, l’illusion d’une Europe efficiente par son incapacité à gérer la crise migratoire où « chaque partenaire reconstitue sa frontière pour faire ressortir le migrant au plus vite, ou le refiler à son voisin. »

Devenues désormais existentielles, les crises ont perdu en foi paneuropéenne ce qu’elles ont « gagné » en « chacun pour soi ». Pour le directeur de la revue Médium [Comment peut-on être européen ? n°58-59, janvier 2019], c’était inéluctable. Vilipendant « un véhicule sans moteur », un « chef d’œuvre d’Irrealpolitik », voire « d’Antipolitique », la faillite de l’Europe serait le résultat (entre autres) d’une « stratégie furtive » voulue par Jean Monnet et Robert Schuman lançant « l’Europe économique pour accréditer et acclimater un agenda politique ». Une stratégie qualifiée de « superstition » qui ne résolut rien et aboutit à une absence de personnalité propre qui ne trompe désormais plus personne.

Factuel, Jean-Michel Arnaud rappelle quant à lui les termes de la lettre du président du Conseil européen – rappelons son nom : Donald Tusk – aux présidents des 27 pays membres soulignant l’aspect inédit des défis existentiels de l’Europe aujourd’hui.

Toujours sur le chemin, l’Europe en serait arrivée à la croisée pour Jean-Michel Arnaud, au moment où son utilité est mise en doute par une majorité de « citoyens des pays membres » – on hésite à écrire « européens » –, la côte de confiance ayant chuté de 50 à 30 % en dix ans.

Entre temps, la gouvernance s’est complexifiée. De la réunification de l’Allemagne au Traité de Maastricht en passant par l’intégration des pays d’Europe de l’Est, « l’évolution vers une Europe plus politique (…) fait désormais office de repoussoir. » Jean-Michel Arnaud insiste en appuyant là où ça fait mal au ventre des europhiles, invoquant lui aussi l’incapacité européenne d’une politique commune face au phénomène migratoire. Il insiste également du côté des eurosceptiques en rappelant la gestion européenne des dettes souveraines et le risque repoussé d’un Grexit à l’été 2015. Toutes les forces centripètes n’auront pu être gérées avec le même résultat. Constat de la montée des populismes selon l’auteur : le Brexit et son spectre d’une sortie via un « no deal ». Une perspective qui s’apparenterait, à tout le moins sur le court terme, plus à un « no futur » qu’à un « no dead ».

Ainsi, si pour Régis Debray rien n’est dit sur la viabilité d’une Europe « fonctionnelle » qui pour devenir opérationnelle « doit inclure l’existentiel » en ce qu’il faut « un esprit pour faire naître un corps », pour Jean-Michel Arnaud, il est temps d’« envisager un fonctionnement de l’Europe en plusieurs cercles », mais aussi d’« arrimer la Russie », de se garder de l’appétit chinois pour ses pépites technologiques et industrielles, de parler d’immigration d’une seule voix…

Toutes choses fort utiles qui ne se feront qu’en trouvant les moyens spirituels, politiques et financiers d’exister.

 

Olivier Peraldi

Co-fondateur de l’Institut Chiffres & Citoyenneté

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